• Poèmes de VERLAINE

    Verlaine a écrit ce poème à propose de la Révolution de 1848, puis il a ajouté quelques strophes suite à la Semaine sanglante de 1871.

    Les vaincus

    À Louis-Xavier de Ricard.

    I

    La Vie est triomphante et l'Idéal est mort,
    Et voilà que, criant sa joie au vent qui passe,
    Le cheval enivré du vainqueur broie et mord
    Nos frères, qui du moins tombèrent avec grâce.

    Et nous que la déroute a fait survivre, hélas !
    Les pieds meurtris, les yeux troubles, la tête lourde,
    Saignants, veules, fangeux, déshonorés et las,
    Nous allons, étouffant mal une plainte sourde,

    Nous allons, au hasard du soir et du chemin,
    Comme les meurtriers et comme les infâmes,
    Veufs, orphelins, sans toit, ni fils, ni lendemain,
    Aux lueurs des forêts familières en flammes !

    Ah ! puisque notre sort est bien complet, qu'enfin
    L'espoir est aboli, la défaite certaine,
    Et que l'effort le plus énorme serait vain,
    Et puisque c'en est fait, même de notre haine,

    Nous n'avons plus, à l'heure où tombera la nuit,
    Abjurant tout risible espoir de funérailles,
    Qu'à nous laisser mourir obscurément, sans bruit,
    Comme il sied aux vaincus des suprêmes batailles.

    II

    Une faible lueur palpite à l'horizon
    Et le vent glacial qui s'élève redresse
    Le feuillage des bois et les fleurs du gazon ;
    C'est l'aube ! tout renaît sous sa froide caresse.

    De fauve l'Orient devient rose, et l'argent
    Des astres va bleuir dans l'azur qui se dore ;
    Le coq chante, veilleur exact et diligent ;
    L'alouette a volé, stridente : c'est l'aurore !

    Éclatant, le soleil surgit : c'est le matin !
    Amis, c'est le matin splendide dont la joie
    Heurte ainsi notre lourd sommeil, et le festin
    Horrible des oiseaux et des bêtes de proie.

    Ô prodige ! en nos coeurs le frisson radieux
    Met à travers l'éclat subit de nos cuirasses,
    Avec un violent désir de mourir mieux,
    La colère et l'orgueil anciens des bonnes races.

    Allons, debout ! allons, allons ! debout, debout !
    Assez comme cela de hontes et de trêves !
    Au combat, au combat ! car notre sang qui bout
    A besoin de fumer sur la pointe des glaives !

    III

    Les vaincus se sont dit dans la nuit de leurs geôles :
    Ils nous ont enchaînés, mais nous vivons encor.
    Tandis que les carcans font ployer nos épaules,
    Dans nos veines le sang circule, bon trésor.

    Dans nos têtes nos yeux rapides avec ordre
    Veillent, fins espions, et derrière nos fronts
    Notre cervelle pense, et s'il faut tordre ou mordre,
    Nos mâchoires seront dures et nos bras prompts.

    Légers, ils n'ont pas vu d'abord la faute immense
    Qu'ils faisaient, et ces fous qui s'en repentiront
    Nous ont jeté le lâche affront de la clémence.
    Bon ! la clémence nous vengera de l'affront.

    Ils nous ont enchaînés ! mais les chaînes sont faites
    Pour tomber sous la lime obscure et pour frapper
    Les gardes qu'on désarme, et les vainqueurs en fêtes
    Laissent aux évadés le temps de s'échapper.

    Et de nouveau bataille ! Et victoire peut-être,
    Mais bataille terrible et triomphe inclément,
    Et comme cette fois le Droit sera le maître,
    Cette fois-là sera la dernière, vraiment !

    IV

    Car les morts, en dépit des vieux rêves mystiques,
    Sont bien morts, quand le fer a bien fait son devoir
    Et les temps ne sont plus des fantômes épiques
    Chevauchant des chevaux spectres sous le ciel noir.

    La jument de Roland et Roland sont des mythes
    Dont le sens nous échappe et réclame un effort
    Qui perdrait notre temps, et si vous vous promîtes
    D'être épargnés par nous vous vous trompâtes fort.

    Vous mourrez de nos mains, sachez-le, si la chance
    Est pour nous. Vous mourrez, suppliants, de nos mains.
    La justice le veut d'abord, puis la vengeance,
    Puis le besoin pressant d'opportuns lendemains.

    Et la terre, depuis longtemps aride et maigre,
    Pendant longtemps boira joyeuse votre sang
    Dont la lourde vapeur savoureusement aigre
    Montera vers la nue et rougira son flanc,

    Et les chiens et les loups et les oiseaux de proie
    Feront vos membres nets et fouilleront vos troncs,
    Et nous rirons, sans rien qui trouble notre joie,
    Car les morts sont bien morts et nous vous l'apprendrons.

     

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  • Emile Thirifocq (1824-1900) : Tailleur, puis professeur de coupe. Franc-maçon. Membre de la loge Le Libre Examen du Suprême Conseil de France. Militant socialiste. Il est initié le 9 janvier 1850 à la loge Jérusalem Ecossaise 99 du Suprême Conseil, en devient le secrétaire l’année suivante, l’orateur en 1854 et le vénérable en 1864. Il est déiste. En 1869, orateur de la première section de la Grande Loge Centrale, il défend vainement le maintien de la croyance en « une puissance infinie désignée sous le nom de Grand Architecte de l’Univers. » En 1870, il rallie la loge naissante, Le Libre Examen, destinée à regrouper des déistes rationnels qui poursuivent avec l’Alliance religieuse universelle le chimérique espoir de réaliser une synthèse des religions. Signataire de l’appel du 5 mai 1871.

    Le 26 avril 1871, les maçons se réunissent pour prendre une décision après l’échec de la seconde démarche conciliatrice. L’intervention de Thirifocq est décisive. Il propose de dire aux versaillais que « si dans les 48 heures on n’a pas pris une résolution tendant à la pacification, on plantera les drapeaux maçonniques sur les remparts » et que « si un seul est troué par un boulet ou par une balle nous courrons tous aux armes pour venger cette profanation ». Il poursuit : « Hommes de paix, les maçons sont forcés de devenir soldats. Il faut qu’ils aillent en face des hordes de Versailles planter la bannière maçonnique, décidés à la défendre à coups de fusil si une seule balle troue la laine bleue du drapeau. » On sut, écrit le représentant du Cri du Peuple, après cette intervention, que la franc-maçonnerie était avec la Révolution. A la sortie, un cortège se constitue, il est évalué, par la presse communarde, à 2000 personnes. Les maçons, bannières déployées, sous la conduite de Thirifocq, se rendent à l’Hôtel de Ville. La Commune interrompt ses travaux pour les recevoir dans la cour d’honneur.

    Thirifocq prend parole pour annoncer le ralliement de la maçonnerie à la Commune. La manifestation a lieu le 29 avril. A l’Hôtel de Ville, il reçoit le drapeau rouge pour que celui-ci soit placé devant les bannières et face aux « balle homicides des versaillais » et répond aux diverse allocutions au nom de la maçonnerie. Il est l’un des trois délégués qui rencontrent Thiers. Après l’entrevue qui échoue, il est à la tête de la fédération qui réunit les maçons et les Compagnons décidés à se battre dans les rangs de la Commune. Après la défaite, Thirifocq se réfugie à Bruxelles. En 1872, il publie une brochure « eh faveur de l’amnistie et de la levée de l’état de siège… » où il explique le rôle joué par les maçons en 1870 et 1871. Il est condamné le 18 juin 1875, à la déportation dans une enceinte fortifiée. Amnistié le 17 mai 1879, il reprend sa place au « Libre Examen », dont il devient vénérable en 1884.

     

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  • Séverine née Caroline Rémy (1855-1929) : Ecrivaine et journaliste libertaire et féministe, amie de Vallès, directrice du Cri du Peuple, de 1886 à 1888. Elle reprend le journal à la mort de Vallès en 1885. Elle fut la première femme « patron » d’un grand quotidien. Elle se laisse parfois aller à la dénonciation de l’ « esprit juif » ou des « grands juifs ». Elle s’engage un temps aux côtés du général Boulanger. Elle s’engage aux côtés des dreyfusards. Elle adhère en 1921 au Parti Communiste Français, qu’elle quitte lorsqu’on la met en demeure de rompre avec la Ligue des droits d e l’homme, qu’elle avait contribué à créer. Toute sa vie, elle se montre une amie engagée des bêtes et milite pour le respect de la vie animale.

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    Jean Nicolas Arthur Rimbaud (1854-1891) : En février 1871, Rimbaud fait une nouvelle fugue vers la capitale. Selon Paul Verlaine, Rimbaud a composé son plus beau poème en vers suite à la Semaine sanglante : Les Veilleurs. Son sujet était la douleur causée par la chute de la Commune. Il aurait été l’auteur, selon Georges Izambart, d’une constitution « communiste » disparue.

    Poèmes de Rimbaud



    LES VEILLEURS

    A l’heure où le ciel rose impose son grand cœur
    Comme on pose un baiser sur le front d’une femme,
    Je m’en vais jusqu’au lac pour y voir votre flamme
    Surgir de l’onde calme et réchauffer mon pleur.

    Et je peins, Angela, je peins dans la douleur,
    Je peins sur la grand’ toile étoilée de mon âme
    Votre esprit qu’il me reste, et qui sur l’eau s’exclame ;
    Je peins, doux m’écriant : « Revoici la couleur ! »

    Puis je danse toujours près du chevalet rouge,
    Et je sens votre mort soudainement qui bouge,
    S’approchant pour glisser au profond de mes mains ;

    Et nous tournons, tournons, ainsi qu’en ma mémoire,
    Quand les soirs nous allions jusqu’aux petits matins
    Nager dans un poème et peindre la nuit noire.

    Arthur Rimbaud – Avril 1871

     

    Poème
    Chant de guerre parisien
    Le poème est précédé de cet avertissement
    "J'ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. Je commence de suite par un psaume d'actualité.".

    Le Printemps est évident, car
      Du cœur des Propriétés vertes,
      Le vol de Thiers et de Picard
      Tient ses splendeurs grandes ouvertes

    Ô Mai ! quels délirants culs-nus !
      Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
      Écoutez donc les bienvenus
      Semer les choses printanières !

    Ils ont schako, sabre et tam-tam,
      Non la vieille boîte à bougies
      Et des yoles qui n'ont jam, jam...
      Fendent le lac aux eaux rougies !

    Plus que jamais nous bambochons
      Quand arrivent sur nos tanières
      Crouler les jaunes cabochons
      Dans des aubes particulières !

    Thiers et Picard sont des Éros,
      Des enleveurs d'héliotropes,
      Au pétrole ils font des Corots
      Voici hannetonner leurs tropes...

    Ils sont familiers du Grand Truc !...
      Et couché dans les glaïeuls, Favre
      Fait son cillement aqueduc,
      Et ses reniflements à poivre !

    La grand'ville a le pavé chaud,
      Malgré vos douches de pétrole,
      Et décidément, il nous faut
      Vous secouer dans votre rôle...

    Et les Ruraux qui se prélassent
      Dans de longs accroupissements,
      Entendront des rameaux qui cassent
      Parmi les rouges froissements !

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