• Madame Quader désespérait : finirait-elle par caser ce dadais de fils déjà fort âgé. ? Elle lui dressait épisodiquement, subrepticement, un tableau des filles du village bonnes à marier – liste en peau de chagrin et il n'y aurait plus personne s'il tardait trop – et mettait l'accent en particulier sur « la fille de chez les Ditz » Thérèse, parti convenable. « Rends-toi compte un peu de ton âge, observait-elle, tu as trente ans et en ce moment la plupart de tes amis ont déjà des enfants. Il est temps de te ranger et d'avoir une situation sérieuse. »

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  • Inutile d'imaginer Pierre Quader heureux et corrigeant ces déboires du point de vue de sa vie affective et familiale ! Sans doute, il chérissait sa mère d'une tendresse débordante et, saoul, geignait que c'était « la seule femme qu'il aimât jamais ! » : pour cet être faible, cette bouée de sauvetage était l'ultime recours contre les écorchures de la vie. Mais en fait il avait mené la vie dure à sa mère : adolescent de vingt ans, alors en chômage au village, sa mère le chargea de ramasser des pommes de terre. Il s'orienta en direction du champ et, hors de vue, le contourna et, par un détour, aboutit tout droit au débit de boisson du bourg voisin, où il s'exerça jusque tard dans la nuit au jeu de quilles : les pommes de terre pourrirent sur pied ! A la mort de sa mère, Pierre Quader diffusa cette tendresse excessive sur ses nombreux frères : il les affectionnait fortement, vraiment, se croyant rétribué en retour : « La famille, c'est sacré ! » confiait-il. Cependant pour ses frères, il était en fin de compte un objet de raillerie et de mépris, un familier que l'on cache parce qu'il fait honte. Ils ne piaffaient pas après lui et il ne les intéressait que médiocrement : durant l'enfance il était déjà pour eux un souffre-douleur. Quant à ses copains de rencontre, gens à son image, ils s'accointaient et s'encanaillaient avec autrui tant qu'ils espéraient en tirer quelque profit. A défaut d'affection et d'amour véritables, Pierre Quader eut à peine son comptant de plaisirs simples : quand il récapitulait et brandissait comme autant de victoires les innombrables plaisirs qu'il avalisait et prétendait avoir accumulé, il parvenait à peine à blouser son auditeur, et d'ailleurs il ne s'agissait que de parties de cartes, de loterie et de tiercé, de discussions de piliers de bar et de beuveries, les vapeurs d'alcool, véritable drogue, en constituant le pivot.

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  • Si, exaspéré, pour redorer le blason de Pierre Quader et désigner quelqu'un d'un peu plus d'envergure, vous l'incrustez de force dans cette histoire des hommes, vos efforts seront puérils et vains: à peine parviendrez-vous à le camper en train de défiler, paradant avec une pancarte revendicative, lors des grands mouvements de grèves de 1936, sorte de coup d'éclair dans sa vie. Mais qui, alors, ne coopérait pas à ces mouvements sociaux ? Toute la société, classe ouvrière en tête, pénétrait sur la scène et délibérait – rares moments exaltants – de la vie collective et, une fois l'incendie éteint, Pierre Quader disparaît également de l'avant-scène.

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  • Les individualités ayant manifesté quelque originalité, que l'on étiquetait d'un surnom, défrayaient la chronique de Contz, comme tel petit paysan, maire communiste dans les années 1930 et « le plus jeune maire de Moselle », ou aussi l'« idiot du village » un individu qui, alléguait-on, avait des jambes fines comme des baguettes de pain ; réformé du service militaire, ce qui était une tare en soi, et appelait sur lui les regards et les quolibets. Les babillardes cornaient à son propos qu'il remédiait à son défaut en portant en toutes saisons trois pantalons superposés et, mauvaises langues, soufflaient qu'il n'aurait jamais femme. Mais récusant le sort de mauvais aloi qu'on lui réservait, il s'émoustilla. Approvisionnant alors à nouveau les bavardages, on insinuait qu'il serait bien en peine d'avoir des descendants : il eut cinq vigoureux gaillards, pour démentir toutes ces vilaines commères !

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  • Une tradition solidement chevillée dans les esprits recommandait que l'on se marie avec un membre du village ou des environs immédiats, mais quelquefois un familier transplantait ses pénates ailleurs : lorsque cette personne dénotait – ou feignait – une situation confortable et brillante, de retour au village natal, elle pavoisait la tête haute. Mais si par malheur elle était dotée d'un niveau de vie jugé insignifiant pour excuser sa désertion, sujet à l'opprobre et à la réprobation unanime, victime des cancans elle ne réapparaissait bientôt plus, supprimant même de ses nouvelles. Ma soeur ayant fiancé un bon parti, un fonctionnaire des chemins de fer de Metz, s'exhibait au village, juste avant la seconde guerre mondiale, dans une calèche traînée par deux chevaux blancs, richement harnachés, elle-même la tête surmontée d'un chapeau orné de plumes de paon, ce qui avait grandement impressionné.

     

     

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