• Le secret maçonnique (Partie 47)

    Le problème de l’ordre bourgeois est désormais réglé, et il revient, plus ou moins vite, selon les régions. Les élections municipales d’avril-mai 1945 sont un premier pas vers le retour à la légalité bourgeoise. Le remplacement de l’épuration spontanée par des tribunaux bourgeois, est un second pas.

     

    Le secret maçonnique (Partie 47) 

     

    A)     Les causes de l’échec :

    Quelles sont les causes qui ont empêché la transformation de l’insurrection nationale en insurrection sociale ?

    Dans certaines régions, comme le sud-ouest, les Forces Françaises de l’Intérieur exercent un pouvoir de fait et partout se développe une agitation presque révolutionnaire.
    La dissolution des milices armées issues de la résistance est un acte de trahison de la classe ouvrière : le désarmement des milices communistes est facilité par l’attitude légaliste du secrétaire général du Parti Communiste Français, Maurice Thorez.

    Lors des élections législatives du 21 octobre 1945, le principal vainqueur est le Parti Communiste Français qui obtient le plus de voix et de sièges. C’est le premier parti de France. Avec les socialistes de la SFIO, les communistes sont majoritaires à l’assemblée. Dans le premier gouvernement de de Gaulle, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, devient ministre d’Etat. Le PCF recule aux élections législatives de juin 1946. Mais le 10 novembre 1946, le PCF redevient le premier parti de France. Le Parti Communiste Français a refusé de donner à la résistance un prolongement révolutionnaire, en vue de la prise de pouvoir, alors que le contexte était de type prérévolutionnaire. Parlementarisme, légalisme, électoralisme, d’abord présentés, en paroles, comme une tactique par la direction du PCF, ces objectifs deviennent dans les faits, la stratégie, la seule, du PCF.

    Les commissaires de la république trouvent en face d’eux dans chaque région, des autorités de fait, les comités de libération – locaux et départementaux (CLL et CDL) – ainsi que des forces armées issues des Francs Tireurs et Partisans (FTP) qui s’étaient substituées en « milices patriotiques », en mars 1944 (sorte de police supplétive constituée de citoyens armés aux ordres des CDL). Partout on trouve des hommes armés prêts à faire la révolution. Partout des tribunaux procèdent à des jugements et des exécutions sommaires contre les collaborateurs (près de 10 000 personnes sont exécutées, avec ou sans jugement, pendant l’été 1944).

    Le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) décide du désarmement des « milices patriotique », malgré les protestations des résistants et surtout des communistes. Les résistants doivent s’engager dans l’armée française, qui s’organise pour accélérer la libération du territoire et porter la guerre en Allemagne. Dès lors, la résistance ne dispose plus d’une force armée à sa disposition, et les CDL se délitent.

    Le prestige du PCF est important. Par son rôle et son attitude, le PCF garde ses organisations propres (Front National et FPT). Mais à son retour d’URSS, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, décide fin 1944, de jouer le jeu de la « démocratie » bourgeoise :

    • Le PCF ne tentera pas de prendre le pouvoir par la force ;
    • Le 28 octobre 1944, avec l’appui de Maurice Thorez, ministre d’Etat, le GPRF décide la dissolution des milices patriotiques et leur intégration dans l’armée.

    Le problème de l’ordre bourgeois est désormais réglé, et il revient, plus ou moins vite, selon les régions. Les élections municipales d’avril-mai 1945 sont un premier pas vers le retour à la légalité bourgeoise. Le remplacement de l’épuration spontanée par des tribunaux bourgeois, est un second pas. Les tribunaux spontanés et révolutionnaires ont prononcé 10 à 40 000 condamnations (plus de 9000 morts environ). Des tribunaux officiels sont créés : les chambres civiques et la haute cour de justice. 163 077 dossiers sont instruits. La répartition des peines prononcées est :

    • Mort : 4%
    • Travaux forcés : 8%
    • Réclusion : 16%
    • Dégradation nationale : 25%
    • Acquittement : 17%
    • Non-lieu : 30%

    Pétain est jugé, condamné à mort, et sa peine sera commuée en réclusion à perpétuité. Pierre Laval et Maurice Darnand seront exécutés parmi d’autres. L’épuration fut sévère dans les milieux intellectuels et chez les humbles, modérée parmi les fonctionnaires et notamment les hauts fonctionnaires, faible dans les milieux économiques et chez les nantis.

    Le PCF, qui bénéficie d’un gros prestige, a une ligne politique opportuniste, qui s’exprime par :

    • La mise en œuvre du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) ;
    • Une vigoureuse propagande patriotique et productiviste.

    Dès septembre 1944, toutes les forces politiques et syndicales se lancent dans « la bataille de la production ». Les dirigeants du PCF participent à cet élan productif. Maurice Thorez (« Un seul Etat, une seule armée, une seule police ») a cautionné la décision de de Gaulle d’incorporer les milices patriotiques aux forces régulières bourgeoise. La lutte entre les deux lignes s’est déployée dans le PCF. Dans la pratique, le parti ne réussit pas à combiner la lutte pour la révolution socialiste et celle contre le fascisme et tomba dans la déviation de droite qui consistait à se poser en tant qu’aile gauche de la coalition de toutes les forces unies en vue d’abattre le fascisme. Le PCF adopta très tôt comme idéal la « nation ». Il voulut réconcilier le drapeau national bourgeois et le drapeau rouge, la « Marseillaise » et l’ « Internationale ». Pendant et après la guerre, la direction du PCF se soumit progressivement à de Gaulle au niveau de la stratégie politico-militaire et ne profita pas vraiment du formidable élan populaire et du prestige du parti dû à la résistance. Les partisans de la prise du pouvoir furent écartés. De 1945 à 1960, triomphe le révisionnisme : le PCF n’entend pas prendre le pouvoir, alors qu’il était évident que cette question devait être centrale, le rapport de force lui étant favorable. En octobre 1945, le PCF a ainsi 26,1 % des voix (20,3 % des inscrits). Mais suivant la logique de soumission ouverte par le Front Populaire, Maurice Thorez lance comme principe : « Un seul Etat, une seule armée, une seule police ». Le PCF sabote les grèves et prône la relance de la production. Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait cinq ministres communistes (sur un total de vingt) exactement là où il faut calmer les luttes de classe : l’économie nationale, la production industrielle, le travail, la production de l’armement (le ministère de la guerre étant divisé en deux pour empêcher les communistes d’avoir accès aux nominations), Thorez étant enfin ministre d’Etat.

    En 1946, dans une interview au « Times », Maurice Thorez défend une ligne de passage pacifique au socialisme : « Les progrès de la démocratie à travers le monde permettent d’envisager pour la marche du socialisme d’autres chemins que ceux suivis par les communistes russes […]. Nous avons toujours pensé et déclaré que le peuple de France, riche d’une glorieuse tradition, trouverait lui-même sa voie vers plus de démocratie, de progrès, de justice sociale ». Maurice Thorez a détaché la lutte contre le fascisme de la lutte pour le socialisme : « Le problème n’est pas le choix entre le communisme et le fascisme, mais entre le fascisme et la démocratie » (« Fils du peuple », page 87).

    Outre la contradiction entre le peuple français et l’ennemi nazi, sur le sol national, il coexiste également la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat. La solution de la première contradiction est la lutte de libération nationale et l’insurrection nationale. La solution de la seconde contradiction est la révolution prolétarienne et la construction de l’Etat socialiste. Tout l’art de la politique d’un parti prolétarien consiste à définir une ligne juste, en définissant, en fonction de la réalité concrète et de la période ou étape, à la fois la cible principale, et en conséquence les amis et les ennemis du prolétariat. La première contradiction peut devenir tactiquement la contradiction principale, à traiter en priorité. Dans ce cas la cible est l’occupant nazi et la fraction fasciste de la bourgeoisie française, qui sont les ennemis, et le front commun comporte le peuple et également la fraction républicaine de la bourgeoisie française, qui sont les amis. Mais, dans un pays comme la France, à la fois capitaliste et impérialiste, la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat demeure, stratégiquement, la contradiction principale : elle demeure en arrière-fond, et elle ressurgit avec toute son acuité dès que la tâche de la première étape a été réalisée, à savoir le triomphe sur le fascisme. En conséquence, la première étape doit aussi consister à amasser des forces, à prendre éventuellement la tête de la lutte contre le fascisme, mais dans tous les cas à demeurer autonome par rapport à la bourgeoisie, mais sûrement pas à faire acte de soumission à celle-ci.

    La seconde contradiction demeure en filigrane lors de la résolution de la première contradiction : la lutte de libération nationale, priorité dans un premier temps, doit être aussi une étape permettant de cumuler des forces pour résoudre, dans une seconde étape, la seconde contradiction, qui devient la nouvelle priorité.

     

     

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