• (Partie 12) LE MINOTAURE BOUFFI

    CONTRE : L’arrêté en date du 26 janvier 2010, notifié le 30 mars 2010, par lequel le Président du Conseil Général de l’Isare l’a nommé sur le poste de directeur général adjoint chargé de la prospective.

    Dossier suivi par Michel Bernard Sée, Avocat au Barreau de PARIS Thé / CONSEIL GENERAL DE L’ISARE

    (Partie 12) LE MINOTAURE BOUFFI

     

    Michel Bernard Sée

    REQUETE ET MEMOIRE

    POUR : Monsieur Jean-Paul Thé demeurant à Bello.

    CONTRE : L’arrêté en date du 26 janvier 2010, notifié le 30 mars 2010, par lequel le Président du Conseil Général de l’Isare l’a nommé sur le poste de directeur général adjoint chargé de la prospective.

    Dossier suivi par Michel Bernard Sée, Avocat au Barreau de PARIS Thé / CONSEIL GENERAL DE L’ISARE

    FAITS ET PROCEDURE

    I- En fait, Monsieur Jean-Paul Thé a été recruté par arrêté du Président du Conseil Général de l’Isare en date du 26 août 2009 en étant détaché sur l’emploi fonctionnel de Directeur général adjoint en charge de la Direction des services financiers.

    Sans mettre en œuvre la procédure de fin de détachement sur emploi fonctionnel prévue par l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, le Président du Conseil Général de l’ISARE a évincé Monsieur Thé de l’emploi fonctionnel de Directeur général adjoint en charge de la Direction des services financiers.

    Monsieur Thé a déféré cette décision à la censure du Tribunal administratif d’AMIENS.

    II- Puis, par arrêté en date du 26 janvier 2010, le Président du Conseil Général de l’ISARE l’a nommé sur le poste de directeur général adjoint chargé de la prospective.

    Cet arrêté n’a été remis à Monsieur Thé que le 30 mars 2010.

     

    C’est la décision attaquée.

    DISCUSSION

    III- L’exposant montrera que l’arrêté attaqué date du 26 janvier 2010, notifié le 30 mars 2010, encourt l’annulation en raison des nombreuses illégalités externes (IV) et illégalités internes (V) qui l’entachent.

    IV- SUR LES ILLEGALITES EXTERNES QUI ENTACHENT L’ARRETE ATTAQUE.

    A- SUR L'INSUFFISANCE DE MOTIVATION QUI ENTACHE L’ARRETE ATTAQUE.

    L’arrêté attaqué est entaché d’une insuffisance de motivation et méconnaît de ce fait les dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public.

    En droit, l’article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 prévoit que :

    "La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" (cf. également : circulaire du Premier Ministre en date du 28 septembre 1987 relative à la motivation des actes administratifs - NOR : PRMX8798520).

    Il est d’ailleurs de jurisprudence constante que la motivation doit indiquer clairement les considérations de droit et de fait qui fondent la décision, ainsi que les éléments du raisonnement qui permettent de passer des considérations de droit et de fait à la décision prise, de sorte que le destinataire puisse en connaître et comprendre les motifs "à la seule lecture de la décision" (CE 17 novembre 1982 KAIRENGA, Rec. 385 ; CE 27 avril 1994 Delle MOREAU, Dr adm. 1994, comm. 381 ; CE 13 juin 2005 M.P., AJDA 2005, p. 1750).

    Les motifs de droit doivent tenir dans la mention des textes auxquels l'autorité se réfère pour prendre la décision en cause. Les motifs de fait sont fournis par les circonstances concrètes qui ont amené l'autorité à adopter une telle décision.

    En l’espèce, l’arrêté attaqué ne contient nullement les motifs de faits et de droit pour lesquels il a été nommé dans de nouvelles fonctions.

    Une telle motivation est insuffisante car elle ne permet pas de connaître les raisons exactes pour lesquelles l'autorité de nomination a décidé, après avoir mis illégalement fin à ses fonctions de directeur général adjoint chargé des services financiers, de le nommer sur poste subalterne voire inexistant de directeur général adjoint chargé de la prospective.

    A cela s’ajoute que la décision attaquée, qui est dépourvue de visas, ne contient nullement les motifs de droit sur lesquels elle s’appuie. Aucune disposition légale ou réglementaire n’est visée dans la décision attaquée.

    De ce chef, cette insuffisance de motivation doit entraîner l’annulation de l’arrêté attaqué.

    B- SUR L'ABSENCE DE COMMUNICATION DU DOSSIER INDIVIDUEL.

    L’arrêté a été pris illégalement, sans que Monsieur Thé n’ait été préalablement informé de son droit à consulter son dossier individuel.

    En droit, l’article 18, alinéa 3, de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose :

    "Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi".

    Il convient de rappeler que l'une des principales garanties que le droit positif a octroyée à tout fonctionnaire est le droit à communication du dossier, prévu par l'article 65 de la loi de finances du 22 avril 1965 qui dispose que :

    "Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office, soit avant d’être retardés dans leur avancement à l’ancienneté" (Cf. : CE 27 janvier 1982 PELLETIER, Rec. 36; AJDA 1982, p. 382, arrêt confirmant que cette disposition est toujours en vigueur).

    A ce titre, le Conseil d’État a récemment jugé que :

    "(...) Il résulte de ces dispositions qu’un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier préalablement à la mesure ; " (CE 29 août 2008 GRECIET, Req. n° 308317, cité in BJCL, n° 9/08, p. 669, concl. François SENERS).

    Ce "considérant" d'arrêt est clair en ce qu'une mesure prise en considération de la personne ne peut pas être édictée sans que l'agent ait été mis à même de pouvoir demander préalablement la communication de son dossier. Le Conseil d’État a posé cette règle d'une manière générale pour toutes les décisions prises en considération de la personne.

    En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’arrêté attaqué a été pris en considération de la personne. Force est de constater qu'il ne ressort nullement de la l’arrêté attaqué que Monsieur Thé a été préalablement informé de son droit à consultation du dossier.

    En tout état de cause, l’exposant tient à affirmer que le Conseil Général de l’ISARE n’a pas procédé à cette formalité.

    De ce chef, l'annulation de l’arrêté attaqué s'impose.

    C- SUR LA MECONNAISSANCE DES DROITS DE LA DEFENSE.

    L’exposant tient à préciser que l’arrêté attaqué constitue une mesure individuelle défavorable puisqu’elle le nomme dans des fonctions subalternes de directeur général adjoint chargé de la prospective après avoir illégalement mis fin à son détachement sur l’emploi de directeur général adjoint chargé des services financiers.

    Un tel arrêté ne pouvait être pris sans que certaines formalités ne soient préalablement observées par l’administration.

     

    Dans cet esprit, et dans le prolongement de la précédente sous-partie, la décision attaquée a été édictée au mépris des règles et des principes qui garantissent les droits de la défense.

    En droit, il convient de rappeler que lorsqu’une mesure qui est prise en considération de la personne de l’agent, l’administration ou l’établissement public doit mettre l’intéressé en mesure de présenter sa défense. Il s’agit d’un principe général du droit (cf. : CE 5 mai 1944 TROMPIER-GRAVIER, Rec. 133, RDP 1944, p. 256 ; Cf : également CE Ass. 26 octobre 1945 ARAMU, Rec. 213).

    Ces garanties visent à assurer le respect du principe général des droits de la défense qui ont une valeur constitutionnelle. Ce principe général du droit est considéré par le Conseil Constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ayant valeur constitutionnelle (Décision n° 76-70 DC, 2 décembre 1976, Rec. Cons. Const. p. 39 ; RDP 1978, p. 817, RDP 1978, p. 817 ; Décision n° 80-127 DC, 19 janvier 1981, Rec. Cons. Const. p. 15, RDP 1981, p. 661 ; Cf. : également CE 5 juillet 2000 MERMET, Dalloz 2000, p. 687), ainsi que le principe du contradictoire, lui aussi de valeur constitutionnelle (Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, Rec. Cons. Const. p. 110 ; RFDA 1990, p. 143), corollaire du principe relatif aux droits de la défense.

    La principale de ces garanties est la possibilité de se faire assister par un défenseur de son choix (CE 9 février 2004 Président du Sénat, JCP A 2004, n° 1171).

    En l’espèce, il ne ressort nullement de l’arrêté attaqué que Monsieur Thé ait été préalablement informé de son droit à consultation du dossier ni qu’il ait été avisé de la possibilité de se faire assister d’un défenseur de son choix avant qu’il ne soit nommé sur cet emploi inexistant de directeur général adjoint chargé de la prospective.

    De ce chef, l’annulation de l’arrêté attaqué s’impose.

    D- SUR LA VIOLATION DE L’ARTICLE 52 DE LA LOI N° 84-53 DU 26 JANVIER 1984.

    L’arrêté attaqué a été pris sans consultation préalable de la Commission administrative paritaire.

    En droit, l’article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dispose :

    "L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires.

    Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente."

    Il résulte d’un arrêt du Conseil d’État que :

    "(…) en estimant que la décision du 29 mai 2002 par laquelle le président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE CHAVILLE a retiré à M. A ses fonctions de directeur du foyer de résidence pour personnes âgées, pour lui confier celles, nouvellement créées, de chargé de mission gérontologique, consistant à étudier la mise en place de nouveaux services en faveur des personnes âgées, à apporter un soutien technique au président du centre communal et à l'adjoint au maire de la commune chargé des personnes âgées et à assurer une veille juridique et technique, faisait grief à l'intéressé et entraînait une diminution de ses responsabilités, le tribunal administratif, par un jugement suffisamment motivé, a, sans les dénaturer, porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'en en déduisant que l'intéressé avait fait l'objet d'une modification de sa situation au sens des dispositions susrappelées de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ;" (CE 6 avril 2007 CCAS de CHAVILLE, Req. n° 286727, AJDA 2007, p. 829).

    D’ailleurs, il n’est pas inutile de relever que s’agissant d’une nouvelle nomination sur un autre emploi fonctionnel, la Commission administrative paritaire aurait dû être consultée pour avis avant que la nomination ne soit prononcée (CE 9 juillet 1997 Commune de VILLEPINTE, Rec. 893 ; cf. également : CE 2 avril 1994 Commune de MEAUX c/ BLACHOWICZ, Req. n° 143547).

    En l’espèce, Monsieur Thé a été évincé illégalement de ses fonctions de directeur général adjoint pour être nommé sur un prétendu poste de directeur général adjoint chargé de la prospective, qui n’a aucune existence légale.

    En tout état de cause, les fonctions sur lesquelles a été nommé Monsieur Thé entraînent une modification évidente de sa situation au sens des dispositions de l'article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, sachant que ses prérogatives vont forcément diminuer.

    De plus, s’agissant d’une nomination sur un nouvel emploi fonctionnel, la consultation préalable de la Commission administrative était obligatoire.

    De ce chef, l’annulation de l’arrêté attaqué s’impose.

    V- SUR LES ILLEGALITES INTERNES QUI ENTACHENT L’ARRETE ATTAQUE.

    A- SUR L'ERREUR MANIFESTE D'APPRECIATION QUI ENTACHE L’ARRETE ATTAQUE ET SUR LE DEFAUT DE MATERIALILITE DES FAITS.

    La décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

    Il s’agit de dénoncer en l’espèce une erreur de droit et une erreur de fait particulièrement grossière commise par le Président du Conseil général de L’ISARE qui a démis à tort que Monsieur Thé de ses fonctions de directeur général adjoint chargé des services financiers pour le nommer sur poste subalterne inexistant de directeur général adjoint chargé de la prospective pour le mettre à l’écart du Conseil général.

    En droit, cette erreur se manifeste lorsque par son interprétation, une administration dénature non seulement les faits existants mais également lorsqu’elle émet une appréciation déraisonnable qui peut être "décelée par le simple bon sens" (Cf. : Marceau LONG, Prosper WEIL, Guy BRAIBANT, Pierre DELVOVE, Bruno GENEVOIS, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 2007).

    A cela s’ajoute qu’il appartient au Conseil d’État de vérifier la matérialité des faits qui ont motivé une décision administrative (CE 14 janvier 1916 CAMINO, Rec. 15). Il s’agit en l’occurrence pour le juge de l’excès de pouvoir de contrôler l’exactitude matérielle des faits sur lesquels est fondée une décision.

    En l’espèce, Monsieur Thé n’a absolument rien fait pour mériter un sort aussi détestable qu’inacceptable. Monsieur Thé a toujours été un fonctionnaire exemplaire, rigoureux et digne de loyauté.

    Il n’a jamais fait l’objet de la moindre procédure disciplinaire et n’a jamais reçu la moindre admonestation dans l’exercice de ses fonctions.

    Avant que son éviction du poste de directeur général adjoint en charge des services financiers ne soit brutalement décidée et que la mutation sur un prétendu poste de directeur général adjoint chargé de la prospective ne soit imposée, Monsieur Thé n’a jamais reçu la moindre note de service ni le moindre courrier ou rapport mettant en cause sa manière de servir, ses compétences, ou son comportement général.

    L’arrêté attaqué a été pris de manière totalement illégale et arbitraire. Nonobstant le fait qu’elle présente un caractère vexatoire, il ne fait aucun doute que la décision attaquée est non seulement entachée d’une erreur manifeste d’appréciation mais qu’elle repose également sur des faits matériellement inexistants.

    De ce chef, l’arrêté attaqué doit être annulé.

    B- SUR L’INEXISTENCE DE L’EMPLOI DE DIRECTEUR GENERAL ADJOINT CHARGE DE SERVICES DE LA PROSPECTIVE DE MISSION ET LA NOMINATION POUR ORDRE.

    Il n’est pas exclu que l’arrêté attaqué ait nommé Monsieur Thé sur emploi inexistant et que le requérant ait in fine fait l’objet d’une nomination pour ordre.

    En droit, l’article 34 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dispose :

    "Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. La délibération précise le grade ou, le cas échéant, les grades correspondant à l'emploi créé et, si l'emploi est créé en application des quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 3, le motif invoqué, la nature des fonctions, le niveau de recrutement et de rémunération de l'emploi créé.

    Aucune création d'emploi ne peut intervenir si les crédits disponibles au chapitre budgétaire correspondant ne le permettent."

    En outre, les dispositions de l’article 12 alinéa 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 prévoient que :

    "Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle" (cf. : CE 19 novembre 1926 MONZAT, RDP 1927, p.75 ; CE Sect. 30 juin 1950 MASSONAUD, Rec. 400 ; CE Ass. 15 mai 1981 MAURICE, p. 221).

     

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