• La dictature du prolétariat (20)

    Contre les révisionnistes, le marxisme-léninisme affirme que le capitalisme monopoliste d’Etat n’est rien d’autre que l’impérialisme moderne

     

     

    CHAPITRE VII

     

     

     

    L’IMPÉRIALISME D’ETAT ET LA NATION

     

     

     

    « Selon le point de vue léniniste, la victoire finale d’un pays socialiste réclame non seulement les efforts du prolétariat et des larges masses populaires de ce pays, elle dépend encore de la victoire de la révolution mondiale, de l’abolition du système de l’exploitation de l’homme par l’homme, qui apportera l’émancipation à toute l’humanité. » Mao

     

     

     

     

     

     

     

    Cependant s’imaginer que le prolétariat pourra établir une dictature du prolétariat, dictature révolutionnaire au service du peuple simplement en brisant l’appareil d’Etat de la bourgeoisie capitaliste ne relève pas simplement d’une méconnaissance du léninisme mais aussi d’une ignorance grave de l’histoire ; en bref, c’est de l’enfantillage.

    Pour le marxisme-léninisme, qu’est-ce qui détermine le développement d’un phénomène, d’une société, les facteurs extérieurs (ou causes externes) ou les contradictions internes (ou causes internes) ? Il est clair que ce qui est déterminant ce sont les contradictions internes :

    « Selon le point de vue de la dialectique matérialiste, les changements dans la nature sont dus principalement au développement de ses contradictions internes. Ceux qui interviennent dans la société proviennent surtout du développement des conditions à l’intérieur de la société c’est-à-dire des contradictions entre les forces productives et les rapports de production, entre les clases, entre le nouveau et l’ancien. » (205)

    « La dialectique matérialiste exclut-elle les causes externes ? Nullement. Elle considère que les causes externes constituent la condition du changement, que les causes internes en sont la base, et que les causes externes opèrent par l’intermédiaire des causes internes. L’œuf qui a reçu une quantité appropriée de chaleur se transforme en poussin, mais la chaleur ne peut transformer une pierre en poussin, car leurs bases sont différentes. » (206)

     

    Prenons un exemple : celui de la société française depuis 1945. Le capitalisme est passé par différentes phases de son développement, et il a atteint après la guerre de 1914-1918 son stade suprême, celui du capitalisme monopoliste d’Etat. Dans le système capitaliste, la contradiction principale se situe entre le prolétariat et la bourgeoisie capitaliste. Cependant il existe, entre ces deux classes, d’autres classes et couches sociales, notamment la petite bourgeoisie des villes et des campagnes. Le prolétariat se demande à chaque moment quels sont ses amis et quels sont ses ennemis, et s’allie avec ceux qui ont intérêt objectivement à renverser la bourgeoisie, c’est-à-dire l’ensemble des travailleurs. Aussi, la contradiction fondamentale dans notre pays réside de plus en plus entre la petite poignée des exploiteurs capitalistes et les exploités qui représentent la grande majorité des travailleurs dans notre pays. L’ensemble des contradictions de classe, déterminées en dernière instance par la contradiction antagonique entre le prolétariat et la bourgeoisie, représente les contradictions internes de la société française.

    Supposons qu’en octobre 2010 le cas où une révolution viendrait à éclater en France (ou dans d’autres pays européens) ; on peut être certain que la superpuissance américaine interviendrait militairement pour la réprimer et mettre en place des traîtres à leur service. Dans ce cas, il ne fait aucun doute que le peuple français ait à recourir à une guerre révolutionnaire de libération nationale. La guerre révolutionnaire de libération nationale serait une réponse à la guerre d’agression impérialiste. La contradiction principale s’établirait alors dans cette situation entre les impérialistes et les traîtres à la nation, et le peuple formé par l’ensemble des patriotes, le prolétariat, les classes moyennes et la bourgeoisie nationale dans leur ensemble. La situation extérieure mondiale influe donc sur les conditions internes du pays. Mais ces modifications se produisent par l’intermédiaire des conditions internes du pays, qui constituent la base du changement.

    Revenons à la réalité d’aujourd’hui : aujourd’hui aussi les peuples agissent les uns sur les autres ; il y a interaction. La France agit sur les autres peuples du monde, et les autres peuples du monde agissent sur la France. Les actions des autres peuples sur la France constituent les causes externes et celles-ci sont les conditions du changement. Les contradictions internes de la France sont les causes internes et elles sont la base du changement. Et les « causes externes opèrent par l’intermédiaire des causes internes. »

    Quelles sont les formes d’action dominantes exercées par les autres pays sur la France et par la France sur les autres pays ?

    La France, puissance moyenne dans le monde contemporain, présente la particularité d’être à la fois colonisatrice et colonisée. La France est un pays impérialiste dominé par l’impérialisme américain depuis 1945. Les contradictions internes (essentiellement la contradiction entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat et ses alliés) ne peuvent trouver leur solution (le socialisme) que dans une France totalement débarrassée de l’impérialisme, mais aussi du capitalisme. La question qui se pose alors est : vu le rapport de force international entre les divers pays, entre les deux camps impérialiste et socialiste, entre le Tiers-monde et la superpuissance américaine, vu la situation de la France (dominée par l’impérialisme américain, tendant à l’indépendance dans le cadre d’une Europe unie politiquement et économiquement) comment résoudre la contradiction principale bourgeoisie-prolétariat du point de vue des intérêts du prolétariat, comment faire la révolution prolétarienne ? Quelle partie de la bourgeoisie refusera les avances de l’impérialisme et refusera de vendre son pays à l’étranger, quelle partie de la bourgeoisie ne sera jamais l’alliée du prolétariat et du peuple (la « bourgeoisie compradore ») ?

    Si dans notre pays la contradiction principale oppose la bourgeoisie et le prolétariat, cependant les masses populaires, le prolétariat, et à plus forte raison son avant-garde révolutionnaire ne peuvent se désintéresser des conséquences de l’évolution de la situation internationale sur les conditions mêmes de la révolution en France. Il faut procéder pour cela à une analyse sérieuse du développement des diverses contradictions et des rapports qu’elles entretiennent entre elles. Sans une telle étude fondée sur le matérialisme dialectique et historique, il serait impossible au parti prolétarien dans tout pays tant d’assurer son DEVOIR INTERNATIONALISTE que de mener le peuple de tout pays au socialisme.

    Karl Marx avait fixé pour tâche au prolétariat de « percer lui-même les secrets de la politique internationale, de suivre l’activité diplomatique des gouvernements, et en cas de nécessité de s’opposer à cette activité par tous les moyens dont il disposait. »

    Mais d’autre part, la révolution prolétarienne présente un aspect national : la révolution prolétarienne française par exemple est une lutte nationale du prolétariat et du peuple français contre la bourgeoisie capitaliste et impérialiste.

    « La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie n’est pas dans son fond, mais sera dans sa forme, une lutte nationale. Le prolétariat de chaque pays doit en finir d’abord avec sa propre bourgeoisie. » (207)

    Que signifient ces deux aspects ?

    Le capital a une tendance interne à la domination sur le monde. Dès le XIX° siècle, il a conquis et développé un marché international. Sa domination s’exerça d’abord essentiellement par la conquête de territoires par la force militaire : c’est l’époque du colonialisme. Puis sa domination s’exerça essentiellement par la conquête de débouchés pour ses produits et la rapine des matières premières entre autres par la voie économique et politique : c’est l’époque du néo-colonialisme. Il y eut également des guerres impérialistes de repartage du monde ; surtout la première guerre mondiale et la seconde guerre mondiale. Le capital est donc devenu un ennemi international. Mais d’autre part, le développement du capital même s’est fait de façon inégale. C’est aussi une loi interne du capital.

    « Le capitalisme ne se développe pas avec la même vitesse dans les différents pays et dans les diverses branches de l’économie nationale. (Le marxisme est assimilé de la façon la plus facile, la plus rapide, la plus complète et la plus durable par la classe ouvrière et ses idéologues, dans les conditions du maximum de développement de la grande industrie). » (208)

    Lénine a bien montré que les guerres de repartage sont absolument inévitables entre impérialismes. Et il a souligné qu’il s’agissait là d’une conséquence, notamment, du développement inégal des impérialismes. La situation militaire des impérialismes est une illustration parlante de ce développement inégal et du rapport des forces existantes.

    « Dans toute contradiction, les aspects contradictoires se développent d’une manière inégale. Il semble qu’il y ait parfois équilibre entre eux, mais ce n’est là qu’un état passager et relatif ; la situation fondamentale, c’est le développement inégal. »

    Il y a donc au sein de l’impérialisme des contradictions secondaires dont il faut tenir compte. Il y a un développement inégal d’un pays capitaliste à l’autre. Ceci a pour conséquence que :

    « La révolution (prolétarienne) grandit de façon inégale, les conditions de la vie politique variant d’un pays à l’autre, le prolétariat étant trop faible dans un pays, alors que dans un autre il est plus fort (…). Voilà pourquoi la révolution prolétarienne se développe de façon inégale, et voilà pourquoi la bourgeoisie s’est aperçue que son ennemi le plus fort était le prolétariat révolutionnaire. Elle serre les rangs pour freiner la faillite de l’impérialisme mondial (…). Plus la révolution progresse, plus la bourgeoisie serre les rangs. » (209)

    Le développement inégal du capitalisme a pour conséquence le développement inégal de la révolution. Elle a d’abord lieu là où se trouve le maillon le plus faible de l’impérialisme, c’est-à-dire là où les luttes de classes sont les plus aiguës : en Europe au XIX° siècle, en Russie de 1905 à 1917, puis en Asie. La seule façon de faire progresser la révolution socialiste mondiale, c’est de préparer (et de faire) la révolution prolétarienne là où on est ; Lénine disait :

    « Aujourd’hui, en luttant pour le régime socialiste en Russie, nous luttons pour le socialisme dans le monde entier. » (210)

    De même, la seule façon de faire progresser la révolution mondiale aujourd’hui, c’est de préparer la révolution et son après en France. Mais il s’agit de préparer et de faire la révolution dans son pays non pas du point de vue de son pays, mais du point de vue de la révolution mondiale, car « Ce n’est pas du point de vue de « mon » pays que je dois raisonner (car ce serait le raisonnement d’un benêt, d’un petit bourgeois nationaliste, qui ne comprend pas qu’il est un jouet entre les mains de la bourgeoisie impérialiste), mais du point de vue de ma participation à la préparation, à la propagande, aux travaux d’approche de la révolution prolétarienne mondiale. »(211)

    Croire qu’une des conditions de la révolution en France sera que le bastion impérialiste américain tombe, que la révolution ait d’abord lieu aux U.S.A., est de l’opportunisme. Mais il est urgent d’analyser la situation concrète des bourgeoisies des métropoles impérialistes (dont la France) dans leurs rapports au capital américain.

    Ce sont là des questions clés pour élaborer une stratégie révolutionnaire ; elles posent les problèmes de savoir ce qu’est la nation, l’impérialisme et leurs rapports. Ces questions sont d’une importance décisive. Il est évident que l’Etat actuel, qui est le nœud d’une stratégie révolutionnaire, ne peut être étudié que par rapport à la phase actuelle de l’impérialisme et par rapport aux effets de l’impérialisme sur l’Etat au sein de la zone des métropoles. Par exemple, quels sont les nouveaux rapports entre les formations sociales impérialistes (Etats-Unis, Europe, Japon) et leurs effets sur les appareils d’Etat ? Quelles sont les relations de ces Etats avec l’ « internationalisation du capital » ou les « firmes multinationales » ? De nouvelles firmes institutionnelles super étatiques tendent-elles à se substituer aux Etats nationaux ?...

     

    1)                  LA NATION

     

    Q’est-ce que la nation ? La définition de la nation a été formulée en 1913 par Staline dans un article connu aujourd’hui sous le titre Le marxisme et la question nationale :

    « La nation est une communauté stable, historiquement constituée, de langue, de territoire, de vie économique et de formation  psychique, qui se traduit dans une communauté de culture. » (212)

    Cette définition se fonde sur une analyse matérialiste historique et dialectique et rassemble les cinq caractères spécifiques de la nation.

     

    ·                     La nation est une communauté stable, historiquement constituée :

     

    La nation française, par exemple, n’est pas née à partir d’une seule race, ou d’une seule tribu, ou d’une seule peuplade. Seuls les idéologues racistes et fascistes exaltent l’idée d’une nation fondée sur une seule race, ou race « pure » qu’ils tiennent pour « supérieure » (Hitler, par exemple), mais leur théorie est totalement idéaliste et fausse, sans parler de ses criminelles conséquences. La nation française s’est constituée à travers des siècles d’histoire commune, vécue par des peuples divers : Ligures, Ibères, Gaulois, Romains, Germains, Normands, Celtes, etc. Les contradictions, et donc les luttes et les combats de ces peuples entre eux, ont fini par se résoudre de façons variées (victoires, défaites ou coexistence), et se sont stabilisées. Avec le capitalisme, la nation française est alors apparue dans ses frontières actuelles, demeurées stables depuis le XIX° siècle. L’empire fondé par Bonaparte incluant l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, etc. ne formait pas une nation, mais seulement « un conglomérat de groupes accidentels et peu liés entre eux » (Staline), qui ne revêtait aucune stabilité et se désagrégea rapidement.

     

    ·                     La nation se fonde sur une communauté de langue

     

    La langue constitue l’un des premiers véhicules de toutes les activités humaines. Elle concourt à la stabilité de tout groupe humain, dont elle exprime l’unité. La nation ne peut se constituer que par le rassemblement d’hommes capables de se comprendre entre eux, disposant donc d’une langue commune. Cette langue s’enrichit, au cours du développement historique de la nation, par les apports provenant des différents peuples qui s’y intègrent et la composent. Ainsi la langue française, aux origines latines, provient de l’ancien langage de l’Ile-de-France qui s’est enrichi et transformé peu à peu. Cette communauté de langue revêt un caractère populaire et n’a rien à voir avec l’institution d’une langue officielle d’Etat (qui peut résulter de circonstances historiques exceptionnelles).

    Dans les colonies, nations opprimées, la langue officielle est celle du colonisateur, alors que la langue nationale, parfois interdite, est celle du peuple autochtone (par exemple à l’époque de la domination française, le français était la langue officielle en Algérie, alors que la langue nationale était l’arabe). Toutefois l’existence de la langue commune de la nation n’exclut pas la pratique de dialectes, de patois et même la persistance de langues de minorités nationales ; mais les hommes qui en font usage recourent à la langue commune dans leurs relations avec les autres hommes de la nation. Ainsi en France actuelle, Alsaciens, Bretons, Corses, Basques, Catalans, etc., parlent couramment le français même s’ils utilisent encore dans certaines régions leurs langues d’origine, dialectes ou patois.

     

    ·                     La nation s’étend sur un territoire commun

     

    L’histoire d’une communauté humaine n’a jamais eu de développement identique, jusqu’à nos jours, en dehors d’une communauté de territoire. A notre époque, où le capitalisme n’a pas encore disparu à l’échelle mondiale, la stabilité d’une communauté d’hommes reste liée à la communauté du territoire où ils vivent ensemble. Des groupes d’hommes différents peuvent utiliser la même langue, comme les Anglais et les Américains des Etats-Unis, mais ils ne forment pas une nation parce qu’ils ne vivent pas sur un territoire commun. Par contre, certains groupes d’hommes peuvent vivre temporairement sur le même territoire que d’autres hommes avec lesquels ils n’ont aucune communauté historique ancienne et dont ils ne parlent pas la langue commune. Mais ils ne participent pas à la formation d’une nation et finissent par être rejetés à la faveur d’une guerre de libération nationale. Ainsi, malgré cent trente-deux ans de présence en Algérie, les Français et d’autres Européens en ont été chassés parce qu’ils y représentaient la domination oppressive du colonialisme. Dans leur cas la communauté de territoire n’était que fallacieuse, le territoire national de ces colons restant avant tout celui de ce qu’ils appelaient leur « métropole ».

     

    ·                     La nation s’appuie sur la communauté de la vie économique

     

    La nation assure la cohésion économique entre les différentes parties de son territoire commun. Cette communauté économique n’existe que « s’il y a liaison économique interne soudant les diverses parties en un tout unique » (Staline). Cette condition ne se réalise qu’avec la naissance du capitalisme, au cours du XIX° siècle. Elle se manifeste par exemple par la transformation et l’utilisation de ressources du sol dans une autre région du territoire commun que celle où ces ressources ont été extraites.

     

    ·                     La nation correspond à une communauté de formation psychique qui se traduit par une communauté de culture

     

    Staline écrit :

    « La formation psychique en elle-même, ou, comme on l’appelle autrement, le « caractère national », apparaît pour l’observateur comme quelque chose d’insaisissable, mais pour autant qu’elle s’exprime dans l’originalité de la culture commune à la nation, elle est saisissable et ne saurait être méconnue ».

    Cette communauté de formation psychique et de culture se manifeste dans la littérature, dans les arts, dans les usages et dans les coutumes, dans le mode de vie, et même dans les traits les plus marquants et les plus courants du caractère. Elle n’est pas immuable et subit modifications et transformations du fait des  luttes de classes.

     

    Il résulte de la réunion de ces cinq caractères le fait de la nation. « L‘absence même d’une seule d’entre elles suffit pour qu’il n’y ait pas « nation ». » (Staline)

     

    Quand apparaît la « nation » ? Staline écrit en 1913 :

    « La « nation » n’est pas seulement une catégorie historique, mais une catégorie historique d’une époque déterminée, de l’époque du capitalisme ascendant. Elle manifeste la victoire du capitalisme sur le morcellement féodal. »

     

    Dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), Lénine distingue les nations oppressives et les nations opprimées. Les nations opprimées sont les nations déjà parvenues au stade de développement capitaliste, mais dominées par de plus grandes nations capitalistes (l’Irlande dominée par l’Angleterre, la Pologne dominée par la Russie, etc.) ainsi que les colonies et semi-colonies non encore parvenues au stade de développement capitaliste.

    Mais en 1917, la Révolution bolchevique fit apparaître un type nouveau de nation : la nation socialiste. L’Union des Républiques socialistes soviétiques constitua un Etat multinational regroupant plusieurs nations socialistes. Mais aujourd’hui l’U.R.S.S. est redevenue capitaliste à la mort de Staline ; sa politique mondiale est social impérialiste.

    Elle a dominé pendant longtemps plusieurs nations opprimées et colonisées : la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la République démocratique d’Allemagne, les nations issues des anciennes colonies des tsars.

    De 1949 à 1976, la République populaire de Chine était un pays multinational uni, de régime socialiste.

    Avec le rejet de la domination colonialiste sont apparus, depuis 1945, de nouveaux types de nations, qui ne sont pas des nations socialistes, mais des nations en voie de développement, dans la consolidation de leur récente indépendance nationale. Sur le plan international, ces nations suivent une voie anti-impérialiste. Sur le plan intérieur, leurs structures de développement conservent des caractères capitalistes, en même temps que dans certains secteurs, elles se réfèrent au socialisme (Algérie, Congo, etc.).

    La question nationale et la question coloniale appartiennent au même problème. Marx et Engels exigèrent la libre détermination des peuples d’Irlande et de Pologne. Lénine et Staline formulèrent le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’étendirent des nations capitalistes aux colonies et aux semi-colonies (Chine, Inde, etc.). Les quatre théoriciens du socialisme scientifique élaborèrent et développèrent le principe suivant lequel « un peuple qui en opprime d’autres ne saurait être un peuple libre ».

     

    LE NATIONALISME CHAUVIN ET LE CHAUVINISME DE GRANDE PUISSANCE

     

    Parvenues au stade de l’impérialisme (fin du XIX° siècle), les nations oppressives entrèrent en lutte pour le partage du monde. De leur rivalité prit naissance la première guerre mondiale. A cette occasion les bourgeoisies capitalistes entraînèrent leurs peuples respectifs à soutenir leurs intérêts impérialistes. Elles s’appuyèrent dans ce but sur le déchaînement d’une idéologie nationaliste chauvine. Elles trouvèrent un soutien auprès des chefs des partis sociaux-démocrates de la Deuxième Internationale, sauf en Russie. Lénine qualifia ces « socialistes » d’opportunistes sombrés dans le social- chauvinisme.

    Le nationalisme chauvin est la première forme de l’idéologie impérialiste introduite au sein des peuples des nations oppressives. Par la suite, la même idéologie apparut de manière insidieuse dans les rangs de certains partis communistes appartenant à la Troisième Internationale. Par exemple, dès avant 1939, sous l’influence de Maurice Thorez, le Parti « communiste » français adopta une position favorable aux entreprises de sa propre bourgeoisie colonialiste en ce qui concerne la situation de certaines colonies. Après 1945, cette ligne de soutien indirect mais réel se concrétisa dans l’attitude du Parti communiste français à propos de l’ « Union française ». Concernant plus particulièrement l’Algérie, nation opprimée par l’impérialisme français, la ligne de ce parti fut une ligne assimilationniste.

    Après le XX° Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique, Khrouchtchev adopta une ligne de retour au capitalisme et pratiqua une politique d’oppression à l’égard des nations engagées antérieurement dans la voie du socialisme, comme à l’égard des nations issues des anciennes colonies tsaristes. C’est du chauvinisme de grande puissance, et il est de même nature que le nationalisme chauvin. Le chauvinisme de grande puissance consiste à opprimer des nations plus petites ou colonisées.

     

    INTERNATIONALISME PROLETARIEN ET PATRIOTISME PROLETARIEN

     

    Au nationalisme chauvin ou au chauvinisme de grande puissance, le marxisme-léninisme oppose le patriotisme prolétarien et l’internationalisme prolétarien : tous deux sont indissociables.

     

    2)                  L’IMPERIALISME D’ETAT

     

    L’apparition et la signification du monopole d’Etat ont été clairement perçues et analysées par Engels en particulier dans l’Anti-Dühring. Le développement de la société capitaliste, de par ses lois internes pousse à la concentration des forces productives et à la socialisation croissante du travail. Ainsi apparaissent de nouvelles formes, tels les « trusts », union des gros producteurs nationaux d’une seule et même branche industrielle ; ces trusts ont pour but de réglementer la production par la détermination de la quantité à produire et la répartition de celle-ci entre eux. Bientôt ces trusts se regroupent par le fait de la concurrence entre eux, et concentrent toute une branche industrielle en une seule grande société par action :

    « Dans les trusts, la libre concurrence se convertit en monopole, la production sans plan de la société capitaliste capitule devant la production planifiée de la société socialiste qui s’approche. Mais, ici, l’exploitation devient si palpable qu’il faut qu’elle s’effondre. Pas un peuple ne supporterait une production dirigée par des trusts, une exploitation à ce point cynique de l’ensemble par une petite bande d’encaisseurs de coupons. » (213)

    Il apparaît alors un phénomène nouveau, la nationalisation, qui donne à l’Etat capitaliste un rôle encore plus oppressif. A la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle, le capitalisme est parvenu à son stade suprême de développement : l’impérialisme. L’essence économique de l’impérialisme, c’est la domination des monopoles ; la grande production atteint des proportions telles que la libre concurrence fait place aux monopoles. En 1917, Lénine caractérisait ainsi la situation :

    « Le capitalisme mondial en est arrivé aujourd’hui, approximativement depuis le début du XX° siècle, au stade impérialiste. L’impérialisme ou époque du capital financier est ce haut niveau de développement de l’économie capitaliste où les associations monopolistes (syndicats patronaux, cartels, trusts) ont acquis une importance décisive, où le capital bancaire, parvenu à un degré extrême de concentration, a fusionné avec le capital industriel, où l’exportation du capital dans les pays étrangers a revêtu de très grandes proportions, où l’univers est déjà territorialement divisé entre les pays les plus riches et où le partage du monde entre les trusts internationaux a commencé. Les guerres impérialistes pour la domination du monde, pour les marchés du capital bancaire, pour l’étranglement des nationalités petites et faibles, sont inévitables dans cette conjoncture. Et telle est précisément la première grande guerre impérialiste, celle de 1914-1917. Le degré exceptionnellement élevé du développement du capitalisme mondial en général, la substitution du capitalisme monopoliste à la libre concurrence, la formation par les banques, et aussi par les associations de capitalistes, d’un appareil de réglementation sociale de la production et de la répartition ; la hausse des prix et l’oppression croissante de la classe ouvrière par les syndicats patronaux, en fonction du développement des monopoles capitalistes, ainsi que les immenses difficultés de la lutte économique et politique de la clase ouvrière, les horreurs, les calamités, la ruine, la barbarie engendrées par la guerre impérialiste, c’est ce qui fait que le capitalisme au degré actuel de son évolution, devient l’ère de la révolution prolétarienne, socialiste. Cette ère s’est ouverte. » (214)

    Il convient de souligner deux idées dans cet exposé synthétique que Lénine proposait d’introduire dans le programme du Parti bolchevik :

    1.                  D’abord l’idée que s’est formé, grâce aux monopoles et surtout aux banques, « un appareil de réglementation sociale de la production et de la répartition ». C’est là un des traits les plus visibles du capitalisme monopoliste d’Etat.

    2.                  Ensuite l’idée que le capitalisme moderne « devient l’ère de la révolution prolétarienne socialiste ».

    Ces deux idées sont indissociablement liées chez Lénine, la première impliquant la seconde comme l’indique le texte.

    Mais les révisionnistes modernes ont radicalement séparés ces deux idées. Ces derniers proposent de perfectionner, dans le cadre du système capitaliste, cet « appareil de réglementation sociale de la production et de la répartition », en promettant de lui donner un contenu plus « juste » et plus « démocratique ». Par des réformes successives, et en passant par l’étape de la « démocratie avancée », ce processus conduirait pacifiquement au « socialisme ». Pour Lénine, l’impérialisme est l’ère de la révolution prolétarienne, et, en particulier, « Le capitalisme monopoliste d’Etat est la préparation matérielle la plus complète du socialisme, l’antichambre du socialisme, l’étape de l’histoire qu’aucune autre étape ne sépare du socialisme. » (215)

    Pour les révisionnistes, le capitalisme monopoliste d’Etat, c’est l’époque où l’on peut faire l’économie de la révolution prolétarienne. En fait, le perfectionnement, dans le cadre laissé intact du système capitaliste, de « l’appareil de réglementation sociale de la production et de la répartition », aboutira immanquablement au renforcement du capitalisme monopoliste d’Etat, donc de l’impérialisme. Les révisionnistes prétendent que la phase du capitalisme monopoliste d’Etat est à la fois en continuité et en rupture avec la « phase précédente », celle de l’impérialisme. Les révisionnistes séparent capitalisme monopoliste d’Etat et impérialisme, Etat et monopole : le fond de la rupture serait le prétendu « nouveau rôle de l’Etat ».

    Contre les révisionnistes, le marxisme-léninisme affirme que le capitalisme monopoliste d’Etat n’est rien d’autre que l’impérialisme moderne. Mao Tsetoung a théorisé cela en affirmant que nous sommes toujours à l’époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne. Le capitalisme monopoliste d’Etat c’est la forme moderne de l’impérialisme, celle qui est apparue, selon Lénine, au cours de la première guerre mondiale impérialiste de 1914-1918 ; les traits fondamentaux du capitalisme d’Etat sont les traits fondamentaux de l’impérialisme : domination des monopoles et du capital financier, exportation des capitaux, partage du monde entre les pays capitalistes et lutte pour les zones d’influence.

     

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