• Pour te convertir à de meilleurs sentiments, démystifions un peu ce passé galvaudé dont tu te gausses facilement : que seraient toutes les nouveautés, l'utilisation de l'électricité, les moteurs adaptés à de nombreuses machines, les routes bitumées... sans le travail des générations qui précèdent ?

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  • Le village tel qu'il était quand vous avez commencé, s'est modifié : l'application des progrès depuis le début du siècle à la campagne a tout bouleversé. Rien n'est plus comme avant. Ainsi, la rue principale, cabossée et éclaboussée par endroits de crottin de cheval et de bouse de vache, recouverte d'une poussière jaune qui se métamorphose en boue par temps de pluie, tourbillonne et s'infiltre partout par temps sec et venteux, le dernier conseil municipal envisage de la goudronner prochainement afin de la rendre carrossable.

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  • Madame Ditz, craintive, se pliait volontairement aux habitudes de son mari, le servait sans rechigner, travaillant « comme un homme » aux champs et en plus à la ferme, cuisinait les repas et se consacrait à l'entretien des animaux et du jardin, son domaine, tout au long de l'année, comme si de toute éternité les femmes étaient façonnées pour se soumettre et les hommes pour commander. Humble et obéissante, la dureté de son conjoint était telle qu'elle sanglotait silencieusement parfois en accomplissant ses tâches ménagères, se souvenant amèrement ce que préconisait son père, alors qu'elle avait dix-neuf ans : « Epouses Jacob Ditz, tu auras du travail et de la nourriture assurés tous les jours ». Néanmoins elle résistait avec vigueur sur certains points : lorsqu'elle eut gratifié son époux de trois enfants, une fille, puis un garçon et encore une fille qui décédait en bas âge, elle trancha : « C'est assez ! » ajoutant : « Une femme qui a trois enfants s'est conformée à son devoir ! » et depuis ce jour-là, elle n'eut plus jamais de relation sexuelle, couchant la nuit dans une chambre séparée de celle de son mari puisque alors les méthodes contraceptives étaient inconnues et surtout non tolérées par l'Eglise. D'autant plus que dévote au-delà de toute limite imaginable, elle assistait à l'office tous les dimanches et appliquait scrupuleusement tous les rites prescrits tels que ne pas manger de viande grasse le vendredi, jeûner durant le carême, remplacer les rameaux de buis béni sur les croix du Christ, suspendues dans toutes les pièces de la maison, une fois l'an et fleurir les tombes familiales à la Toussaint.

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  • Le seul voyage lointain le transportait en Russie des tsars alors qu'il avait tout juste vingt-cinq ans, pendant la première guerre mondiale, revêtu du costume de l'armée allemande de Guillaume II puisque alors le nord de la Lorraine était uni à l'Allemagne depuis 1871. Il défendait une raffinerie de sucre contre les attaques des soldats russes, sans hostilité particulière à l'égard de l'ennemi, effectuant seulement ce qu'il admettait être son devoir en échange de la tranquillité ultérieure pour vaquer à ses propres affaires. C'était un état d'esprit constant : ne jamais s'engager en quelque chose qui attire l'attention sur soi, pas d'originalité, pas d'initiative intempestive car c'est récolter des ennuis en perspective mais suivre le mouvement ! La seule anecdote qu'il adorait exposer parce qu'elle était cocasse et presque incroyable était à propos d'une balle d'un fusil russe qui sectionnait en deux la cigarette qu'il fumait paisiblement, par une nuit claire, debout dans la tranchée ; il avait sans doute honte pour les peurs et les horreurs subies et aussi de la pudeur pour les disparus, ce qui lui clouait le bec sur les autres événements de cette tranche de vie. Cette guerre eut deux conséquences pour lui : il s'accoutuma lors des détentes et des attentes précédant les assauts, à fumer comme un pompier et, pour avoir participé à cette boucherie, il percevait le reste de ses jours une pension mensuelle juste suffisante pour financer sa ration de tabac.

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  •  Elle témoignait dans la misère la plus extrême d'un sang froid surprenant. Alors qu'elle avait quatre enfants en bas âge, que l'argent était rare au foyer, et qu'elle préparait les deux dernières semaines de chaque mois pour opérer la soudure avec le salaire du mois suivant, du repas de midi, une casserole de semoule bouillie à l'eau, une sorte de ciment peu fortifiant mais qui calmait l'appétit et lestait l'estomac jusqu'au soir, et au repas du soir, des tranches de pain beurrées avec des rondelles de saucisson salé – dénombrées avec une grande parcimonie : deux ou trois morceaux fins par personne, pas plus – elle supportait en souffrant silencieusement les « j'ai faim » relatifs à l'incompréhension évidente de la situation par des âmes infantiles ; ou bien encore ses enfants trottaient en plein coeur de l'hiver, par temps de pluie ou de neige, avec des vieilles chaussures au pied, percées sous la semelle de trous gros comme l'ongle du pouce, obstrués chaque soir à l'aide d'un nouveau morceau de linoléum ce qui ne leur évitait pas les pieds humides et transis toute la journée.

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