• « Toi, tu es Cela » (Troisième partie)

    L’idéal maçonnique est donc à la fois « éternel », situé sur la verticale, et « temporel », situé sur l’axe des temps. L’idéal maçonnique est éternel au sens où il existe depuis l’origine, jusqu’à la fin des temps. Mais le critère de vérité, qui départage le franc-maçon mûr et le franc-maçon non mûr, c’est la pratique. Le monde de la pratique (la vérité du monde) s’oppose à la fois à l’illusion et au monde de l’erreur, tout comme en 1871, par exemple, s’opposaient les francs-maçons communards et les francs-maçons versaillais.

    « Toi, tu es Cela » (Troisième partie)

     

    1. Le monde est un jeu. Le monde éteint le je :

    La Lumière et l’obscurité (les ténèbres) : Rituel : « Lumière et Ombre sont les deux éternelles Voies du Monde ». Au 4° grade, le Maître Secret, il est dit « La Vérité est la lumière placée à la portée de tout homme qui veut ouvrir les yeux et regarder la grande route du Devoir ». Au cours de 33 degrés du rite écossais ancien et accepté, le franc-maçon ingurgite de la Lumière. Pour découvrir la vérité, le silence, la nuit et le secret sont nécessaires, car la vérité est « dedans », à l’intérieur.

    La Lumière, de l’éternité, que nous voyons à notre mort – mort initiatique ou mort physique – vit sans nous (l’ego), et vit en nous (le Soi) de toute éternité.

    La Lumière est e vous.

    « Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – le premier ciel en effet, et la première terre ont disparu et, de mer, il n’y en a plus. Et je vis la Cité Sainte, Jérusalem Nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle comme une jeune mariée parée pour son époux. J’entendis alors une clameur, du trône ; voici la demeure de Dieu avec les hommes… Dieu essuiera toute larme de leurs yeux ; de mort, il n’y en aura plus ; de pleurs, de cris et de peines, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé. ».

    Apocalypse : 21, 1-6

    L’Amour et la haine : Au 18° grade, Chevalier Rose-Croix, la Vraie parole est retrouvée ; c’est l’Amour. La Rose sur la Croix, c’est passer de l’horizontal à la vertical, c’est se mettre debout, vivre en rectitude, dans l’Amour, en sachant donner celui-ci. « Que la Rose fleurisse sur votre Croix » : que le Roi (le Soi, le Moi profond) occupe  d’abord occasionnellement, puis continûment, et enfin à jamais, c’est-à-dire éternellement,le trône, qui est dans mon Temple intérieur, après avoir chassé l’ego, le « petit je », qui a indûment usurpé ce trône.

     

    1. Sur la terre comme au ciel et en enfer :

    Le fond et la forme : L’homme est un microcosme, à l’image du macrocosme ; c’est une forme qui participe du fond. Il a et il est. Il a un corps, un mental,… Et « Je suis ». Il y a ce qui est premier, et ce qui est second. Mais en fait, Tout est Un (Le monde est Un : le monde éteint).

    Peut-on dire pour autant qu’il y a d’une part, les apparences, qui n’existeraient pas en fait, et d’autre part, la seule réalité ?

    Chacun souffre et chacun a des joies. Chacun participe à ce que sont les tracas de la vieillesse et de la maladie. Chacun sait qu’il va mourir. Tout cela, qui fait partie du monde, n’est-ce que des illusions ? Non, bien sûr, la douleur est bien réelle. Mais une fois que l’on est dans la Réalité, on ne s’identifie plus avec le corps, le mental, l’intellect,… : j’ai un corps, mais je suis.

    « A cause de l’idée « je-suis-dans-le-corps, on redoute la mort comme la perte de Soi-même. La naissance et la mort ne s’appliquent qu’au corps, mais elles sont superposées au Soi. » (Ramana Maharshi).

    « Les phénomènes sont réels quand ils sont vécus comme le Soi, et illusoires quand ils sont considérés comme séparés du Soi. » (Ramana Maharshi).

     

    1. J’ai un corps et un mental, mais « Je Suis » :

    Vie et Mort : La naissance de la vie dans le monde correspond à la mort dans l’invisible. Inversement, la mort dans le monde correspond à la vie dans l’invisible. Ainsi de la vie naît la mort et de la mort naît la vie. Ceci est symbolisé par le 8, ou la lemniscate. Un disciple implorait son maître hindou, qui allait mourir : « Reste encore un peu avec moi ! ». Et la réponse du sage hindou fut : « Où veux-tu que j’aille ? ». Le disciple confondait la forme corporelle provisoire du sage, son enveloppe physique, qui allait disparaître, avec son être profond, toujours là et qui ne disparaît jamais, éternel.

    « Pourquoi voulez-vous savoir ce que vous serez quand vous mourrez, avant de savoir ce que vous êtes maintenant ». (Ramana Maharshi).

    Importance de la dernière idée/dernier ressenti avant la mort.

    Le visible/tangible et l’invisible/intangible : Dans le temple maçonnique, il y a le visible et l’invisible : par exemple, le temple est porté par trois piliers, visibles : la sagesse, la force et la beauté, ou la liberté, l’égalité et la fraternité, ou encore la foi, l’espérance et l’amour. Or, le Temple, qui est un carré long, ou rectangle, ne peut tenir debout sans un quatrième pilier. Celui-ci est invisible, situé hors du plan humain. De même que dans la première carte du Tarot, le Bateleur, le quatrième pied de la table est invisible, placé hors de la carte. C’est même ce quatrième pilier qui est le pilier principal !

    Le symbole manifeste à la fois la présence et l’absence, le visible et l’invisible.

    « Comprends donc la lumière et connais-la (…) Que celui en qui est l’intelligence sache qu’il est immortel et que la cause de la mort est l’amour du corps. » (Poimandrès, qui signifie « le pasteur de l’homme »).

     

    1. Le Roi/Soi doit s’installer sur le trône :

    Pierre brute et pierre cubique : Le franc-maçon est d’abord une pierre brute, pierre qu’il doit travailler pour en former une pierre cubique à pointe. C’est là, à la fois construire le temple intérieur (le corps est le Temple), et aussi le Temple extérieur (la société, l’humanité). Or la pierre cubique est là, depuis toujours. Mais elle était masquée, voilée. De même que la statue que le sculpteur va extraire du morceau de marbre est déjà là, dans le morceau de marbre brut, la pierre cubique est déjà là, de toute éternité. Elle était là, avant la naissance de l’ego, et elle sera encore là, après la mort de l’ego.

    Comme dans tout travail, il existe un début et une fin. En franc-maçonnerie, ces deux pôles sont symbolisés par la pierre brute et la pierre taillée. Mais ce n’est pas un avant et un après, un état présent et un état à construire.  La pierre cubique est là de toute éternité, seulement voilée par la pierre brute. L’initiation permet de mourir à une ancienne vie et de faire ressusciter à une plus belle version de qui je suis.

     

    1. Tout est déjà là, depuis toujours et à jamais :

    L’Etre et l’Un : Le 14° grade Grand Elu de la Voûte sacrée précise : «Je suis celui qui suis. Je suis ce que je suis. Je suis.

    Signification de ces paroles : Elles signifient qu’une part de ma conscience participe à la conscience universelle et se fond dans le flot de toutes les consciences. Une part de moi-même se sépare du Tout et affirme mon ego, je suis ce que je suis. Mais j’aspire à l’ultime initiation qui me permettrait d’aller au-delà de cette dualité. Je suis. En attendant, j’ai un nom et un titre. »  

    4° degré, Maître Secret : « La Vérité absolue réside dans l’inconnaissable ».

    L’ego est une marionnette, dont le Témoin est le marionnettiste. Il faut éviter l’inflation de l’ego, en tentant de l’identifier à sa classe sociale, à un groupe (la loge ou autre) et même à l’humanité. Lorsque l’on m’appelle, vais-je répondre « Je Suis », ou bien en donnant le nom, le grade et la qualité de l’ego ?

    Tout ce qui n’est pas l’éternité, est déjà mort, ou va mourir. Donc, pour être l’éternité, un changement d’identité doit se produire : il faut que l’ego meurt. Maintenant. De toute façon, l’ego n’a jamais été, n’est pas, ne sera jamais. Ce n’est qu’une création du mental.

     

    1. La vraie parole retrouvée est l’Amour :

    Le voile (l’apparence, mâyâ) et le dévoilement (la vérité): (en arabe, le voile se dit Hijab, et veut dire « ce qui sépare deux choses »). Le retrait du voile de la déesse égyptienne Isis représente la révélation de la lumière. Réussir à soulever le voile, c’est devenir immortel. Le voile nous dérobe la splendeur de la vérité.

    Dans le Bouddhisme, le voile qui dissimule la Réalité pure, est Mâyâ. Mâyâ, à la fois, voile et révèle l’ultime réalité – qui est l’identité du moi et du Soi.

    La vérité est donc un dévoilement. Si l’on supprime l’ego, le Soi prend sa place.

    Le voile est l’attribut du monde, derrière lequel il se dérobe, tout en invitant à le soulever pour en découvrir son principe – l’Eternité – si on sait s’en montrer digne. Le voile invite au dévoilement de la Vérité l’homme en quête de la réalisation de soi-même.

    « Il y a un monde sans fin, ô mon frère, et il y a l’être sans nom, dont rien ne peut être dit » (Kabîr Poèmes).

    Nous existons sur deux plans différents, celui de la temporalité et celui de l’éternité, et ces deux plans ne font qu’Un.

     

    5) « JE SUIS » ET EGO

    Le discours se déploie dans le temps et la progressivité. Donc, par la nécessité de la présentation, nous pouvons dire que nous existons sur deux plans :

    • Le plan du monde et de la temporalité, de notre première à notre dernière respiration ;
    • Et aussi sur le plan de la vérité et de l’éternité.

    Mais en fait, dans l’absolu, il n’y a qu’un seul Etre : le monde et sa vérité. Nous venons de cette Eternité, ou Orient éternel, et nous y retournerons. Mais de fait, le monde est plongé dans cette Eternité, ou Orient éternel, que nous n’avons jamais quitté.

    Il n’est pas demandé de croire cela, ou de le suivre mécaniquement. Mais il appartient à chacun de l’expérimenter.

    Nous existons sur deux plans différents, celui de la temporalité (le monde) et celui de l’éternité (la vérité du monde), et ces deux plans ne font qu’Un.

     

    DEUXIEME PARTIE : LOGOS

    La Vérité du monde maçonnique, c’est l’idéal maçonnique (Liberté, Egalité, Fraternité), idéal éternel (présent au commencement et à la fin du monde), qui, par la pratique, doit être introduit dans le temporel.

     

    1) La Temporalité : Raison, Histoire, Nécessité (la science) :

    Dans la première partie, on a distingué un plan naturel et un plan surnaturel, auquel ouvre l’initiation. Où se situe la spiritualité ? Peut-on être athée et suivre la voie du REAA ?

    La morale peut-elle être naturelle, où bien faut-il la raccrocher à une force surnaturelle, hors du réel ?

    L’initiation contribue-t-elle simplement à créer une fraternité, en donnant une expérience commune entre frères, en excluant les personnes extérieures et profanes ? Ou bien donne-t-elle accès à un arrière-monde ? Si l’initiation ouvre une perspective vers l’Eternité, qu’en est-il de tous ceux qui ne sont pas initiés ?

    L’Eternité, c’est Dieu, tout comme le Saint est Dieu.

    « La vérité du monde est éternelle et vient de l’Eternité » : Soit cette sentence s’adresse à tout le monde, elle est universelle, mais la plupart des « sujets-objets » du monde n’en ont pas encore pris conscience, ce que permet l’initiation. Soit cette sentence s’adresse uniquement aux francs-maçons, et notamment aux francs-maçons du 32° degré : alors le monde est celui de la loge. Que peut alors signifier l’Eternité ?

    Ce qui est éternel dans le monde, c’est le changement et la transformation.

    Dans la conception moderne (Marx Nietzsche Freud), non seulement le sujet lui-même est soumis au changement et ne représente qu’une fraction du monde, et non une réalité à part, mais de plus, le sujet n’est pas premier et fondamental : il est lui-même soumis à un déterminisme historique, social et psychologique.

    La place de l’ego n’est pas centrale, mais c’est la mort du sujet humain, après la mort de Dieu.

    Pour Marx, ce qui est fondamental c’est la lutte des classes et les classes sociales. Pour Freud (et Jung), ce qui est fondamental, c’est l’inconscient et le Soi, le « petit moi » n’étant qu’un phénomène à la périphérie. Pour Nietzsche, il faut faire la généalogie du bien et du mal et faire l’archéologie des intentions réelles (souvent cachées).

    On peut donc dire qu’avant le XIX° siècle, « La vérité du monde, c’est l’ego, le petit moi ». Aujourd’hui, le petit je devient un phénomène parmi d’autre dans le monde.

    Ce qui est éternel, c’est la vérité scientifique, à laquelle on a accès par la méthode expérimentale. L’Histoire, le temps est éternel. On peut approcher la vérité, qui est absolue et existe bien, mais sans jamais l’atteindre.

    On n’atteint jamais la cime de la montagne, mais on la frôle, tel une asymptote. La perfection est un état limite (au 32° degré, nous sommes des Princes parfaits). Parmi les membres du peuple qui se parfont, le franc-maçon est celui qui, unifiant son être au maximum, approche le moins malaisément la cime. Mais il ne tend lui aussi à cette perfection que selon ses forces, à la mesure de son mérite. Chacun ne parvient plus ou moins près du but, mais personne ne l’atteindra sans doute pleinement.

    La vérité est de ce monde, mais l’humanité la poursuit à l’infini, car elle est inatteignable.

    Sur beaucoup de points, on aboutit à des apories (Kant). Un troisième terme est possible, mais jusqu’à présent, aucun des deux termes de l’aporie n’est démontré :

    Exemples :

    • Le monde est éternel/ le monde n’et pas éternel
    • Le monde est infini/ le monde est fini.

    A côté du Vrai, il ne faut pas oublier le Beau et le Bien.

    Il est impossible de concevoir du vrai sans qu’il y ait du faux. Mais affirmer que l’on est dans le vrai revient à dire que l’on est Dieu. Or, ne l’étant jamais, on ne fait que tendre à être dans le vrai, ne serait-ce que pour être homme un peu – car on ne peut non plus être homme totalement, sinon l’on serait Dieu également.

    Mais il faut faire attention au langage, car on s’enferme dans celui-ci, créant ainsi le monde du langage, qui n’est pas réel, mais qui est le monde de l’illusion. Exemples : en français, on utilise le verbe « être », héritage de la philosophie grecque. Mais que faire dans une langue où n’existe pas le verbe être ? Autre cas : en français, on utilise les majuscules pour désigner les valeurs absolues : mais que fait-on pour une langue ou il n’existe pas de majuscules ?

    Il ne faut pas s’enfermer dans le langage, mais au contraire, perdre celui-ci (parole perdue). Par exemple, la mort n’est pas dans le langage, et la vie non plus. Le mot « sel » n’est pas salé. Sauf qu’à force de mettre des mots sur ces réalités, on finit par prendre ces mots pour les réalités auxquelles ces mots se substituent.

    Tout ces mots sont étrangers à la réalité et donc à la vérité. Celle-ci n’est donc pas dans le langage et ne se dit pas. La fonction des mots est de montrer, tel un poteau indicateur, d’échanger, de communiquer.

    Cependant, il faut aussi se méfier du subjectivisme.

    Il vaut mieux un gramme de pratique qu’une tonne de théorie oiseuse.

    Souvent, les francs-maçons affirment en théorie, et en paroles, avec force, les principes, mais ensuite, ils interposent une série d’atermoiements oiseux, qui empêchent l’affirmation de ces principes dans la réalité. C’est la méthode des mots édredon et c’est ce qui explique notamment :

    • Que depuis trente années, le nombre de pauvres augmentent, et la classe moyenne est déclassée, sans que les francs-maçons n’aient rien à dire, et aucune action à entreprendre ;
    • Du point de vue de la laïcité, voilà plus d’un siècle qu’existe un droit local en Alsace-Moselle, sans qu’aucune action ne soit entreprise pour combattre ce  système ;
    • Lutte pour plus de démocratie populaire et contre le fascisme.

    En fin de compte, les francs-maçons se complaisent dans la réalité telle qu’elle est. Ils se comportent plus comme des « politiques », qui se complaisent dans la communication et les jeux de mots, que comme des philosophes cherchant à transformer le monde vers plus de justice te d’équité.

    Quelle est la vérité du monde maçonnique ?

    C’est réaliser à chaque période, l’idéal maçonnique, qui est à la fois le même (liberté, égalité, fraternité, laïcité,…) et différent à chaque époque (1789-1794, 1871, 1940-1945).

    L’idéal maçonnique est donc à la fois « éternel », situé sur la verticale, et « temporel », situé sur l’axe des temps. L’idéal maçonnique est éternel au sens où il existe depuis l’origine, jusqu’à la fin des temps. Mais le critère de vérité, qui départage le franc-maçon mûr et le franc-maçon non mûr, c’est la pratique. Le monde de la pratique (la vérité du monde) s’oppose à la fois à l’illusion et au monde de l’erreur, tout comme en 1871, par exemple, s’opposaient les francs-maçons communards et les francs-maçons versaillais.

    Il est aussi possible de perdre la conscience de la Lumière : (victoires et défaites conquêtes et pertes des lieux saints au 32° degré, constructions et destructions du Temple du 1° au 30° degrés). D’où la nécessité de rester éveillé et mobilisé.

     

     

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