• « Toi, tu es Cela » (Première partie)

    • Le Temple peut être « détruit ». de même, on peut être « chassé » des lieux saints. Ainsi, rien n’est définitivement acquis. Notre démarche, individuelle ou collective, n’est pas uniformément linéaire : elle connaît des avancées et aussi des retours en arrière. Cette marche est en spirale, avec des hauts et des bats, des périodes de conquêtes et des périodes de défaites, des retours en arrière et aussi cela peut aller jusqu’à l’abandon de la démarche.

    « Toi, tu es Cela » (Première partie)

     

    L’étude de l’objectif et de la méthode de la franc-maçonnerie peut être réalisée à partir de la citation suivante du rituel du 32° degré, de Sublime Prince du Royal Secret du Rite Ecossais Ancien et Accepté : « La vérité du monde est éternelle et vient de l’Eternité » :

     

    PREMIERE PARTIE : MYTHOS

    La Vérité du monde, c’est Cela (le Tao, le Soi, le Nirvana, « Je suis »,…), éternel et infini.

     

    1) UN DESSIN

    A) Six notions sont à définir :

    Le monde : c’est l’ensemble de ce qui existe. L’Histoire. La Raison. La Nécessité.

    Dans le rituel du 32° degré, on rencontre trois fois la notion de « monde » :

    • Une première fois dans la partie « Elévation au 32° grade », page 10 : « en cas d’attaque venant du monde profane »
    • Une seconde fois dans la même partie, page 11 : « en cas d’attaque du monde profane »
    • Et une troisième fois dans la même partie, page 11, la citation : « La vérité du monde est éternelle et vient de l’Eternité »

    Le monde renvoie donc à la réalité profane, qui est celle de l’espace-temps, par opposition à une autre réalité sacrée, qui serait celle de l’éternité. Le monde est une réalité de la part de laquelle nous subissons des attaques.

    La vérité : cette notion désigne ce qui est. « Demi-vérité », « vérité toute nue », « à chacun sa vérité »…La vérité est Alètheia, ou dévoilement de l’Etre. Vérité absolue et vérité relative. La vérité libère. Vous ne pouvez apprendre la vérité, vous ne pouvez qu’être pris par elle. La vérité ne se trouve pas dans les mots mais dans ce qu’ils indiquent, tout comme le « sel » n’est pas salé. Le monde voile la vérité. « Dire » la vérité, c’est donc mentir : c’est une illusion. On ne peut que montrer l’approche, la voie qui mène à la vérité.

    Dans l’article 1 de la Constitution du GODF, il est indiqué : « La Franc-maçonnerie … a pour objet la recherche de la vérité », il serait plus exact de dire que la vérité nous recherche.

    Dans le rituel du 32° degré, on rencontre une fois la notion de « vérité », dans la  partie « Elévation au 32° grade », page 11, la citation : « La vérité du monde est éternelle et vient de l’Eternité »

    La vérité et la lumière ne sont pas enseignables. La vérité et la lumière sont notre nature éternelle.

    « La vérité libère » (Evangile de Jean, VIII, 26).

    Eternelle : signifie en dehors du temps. Est éternel le support de tous les changements, de tous les hauts et les bas, et des allées et venues.

    Eternité : c’est le caractère de ce qui est en dehors du temps.

    Dans le rituel du 32° degré, on rencontre trois fois la notion d’ « éternité » :

    • Une première fois dans la partie « Ouverture des travaux », page 6 : « Il manque ceux qui nous ont précédés, … qui sont passés à l’Orient Eternel »
    • Une seconde fois dans partie « Elévation au 32° grade », page 10 : « en effet, nous savons que l’éternité nous changera…  [crâne] … en un squelette »
    • Et une troisième fois dans la même partie, page 11, la citation : « La vérité du monde est éternelle et vient de l’Eternité »

    Il y a donc deux conceptions possibles de l’éternité :

    • L’éternité est une durée infinie, infinie en amont temps présent (passé) et infinie en aval du temps présent (futur).
    • Une réalité en dehors du temps. En somme l’éternité est le sans-temps qui contient tous les temps. C’est cette seconde définition que nous retiendrons.

    Venir de : c’est l’origine ; cela correspond à la première des trois questions :

    • D’où venons-nous ? D’où vient le monde ? Réponse : de l’Eternité.
    • Qui sommes-nous ?
    • Où allons-nous ?

    « Si tu veux savoir où tu vas, sache d’où tu viens ». (Talmud).

    « « Je suis un homme » n’est pas naturel. Vous n’êtes ni ceci ni cela ». (Ramana Maharshi).

    Est : verbe qui unit une qualité à un prédicat.

    Qu’inspire cette citation ? Le point sur le i de l’inspiration forme avec les i de l’intuition et de l’illumination un triangle. L’inspiration est au-dessus de l’intuition et en-dessous de l’illumination. L’inspiration s’exprime le mieux par la poésie et des images.

    Ce n’est pas le monde qui est éternel, mais sa vérité. Et cette vérité trouve son origine dans l’Eternité. Ce qui caractérise le monde, c’est le changement et le mouvement, car le monde est plongé dans la temporalité : ce qui le définit, c’est l’espace-temps.

    Il y a donc un paradoxe : l’essence de la temporalité, sa réalité ultime, c’est l’Eternité ?

    Deuxième paradoxe, la vérité du monde ne fait pas partie du monde, mais le fonde.

    Troisième paradoxe : si, comme le dit Spinoza, « la vérité est à elle-même sa propre Lumière », si la vérité est à la fois la Réalité en tant que telle, et aussi la conformité de ce qui est dit par rapport à cette réalité, alors comme l’a exprimé notre frère Jésus, la vérité ne peut se dire, elle ne s’exprime pas avec des mots. En effet, lorsque le consul Pilate interroge Jésus, et lui demande : « Qu’est-ce que la vérité ? », la seule réponse qu’il obtient est le silence. Comme le Tao, la vérité ne se dit pas. Donc ce qui se dit n’est pas la vérité. Dans un autre passage de la Bible, Jésus a dit aussi : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ». La vérité est donc l’Etre. Et l’Etre ne s’exprime pas, il se vit.

    Il est possible de reformuler cette citation de la façon suivante : le fond du monde, monde qui consomme du temps, et qui baigne dans la temporalité, ce fond découle de ce qui n’a ni commencement, ni fin, et qui est en-dehors de la durée, c’est-à-dire de l’Eternité.

    En conséquence, puisque les mots sont incapables de nommer Cela, il est proposé un dessin :

     

     

     

    • Voici le monde, dont nous faisons partie, monde plongé dans la temporalité (Un cercle et une croix) ;
    • Et voici la vérité du monde, qui est éternelle, parce que cette vérité provient de l’Eternité (Le fond blanc).

    L’ego, le « petit je », c’est le point au centre du cercle. Le cercle représente le monde, c’est-à-dire tout ce qui existe. On peut dire que chacun de vous fait, en ce moment, partie de mon cercle d’objets tangibles. Tout comme moi-même je fais partie de votre cercle. A noter que ce cercle comprend le monde matériel, mais aussi toutes les autres réalités, dont le monde des idées. La ligne horizontale représente la temporalité, avec le passé, le point du présent et l’avenir. L’ego s’est manifesté lors du premier souffle, la naissance, et disparaîtra avec le dernier souffle, la mort. L’axe vertical est l’axe du monde, avec l’enfer, le purgatoire et le paradis. C’est aussi un arbre de vie, avec les racines, le tronc et les branches. En maçonnerie, il correspond à Vitriol. Le monde a trois niveaux : le monde d’en haut, le monde ici-bas et le monde d’en bas, le céleste, le terrestre et l’infernal.

    Il y a le plan humain : « Connais-toi toi-même … », qui correspond en franc-maçonnerie aux petits mystères, et nous amènent du profane à la Lune, du rationnel à l’intuition, et il y a le plan universel : « … et tu connaîtras l’Univers et les dieux. », qui correspond en franc-maçonnerie aux grands mystères, et nous amènent du soleil à l’illumination. Dans un premier temps, il faut descendre au fond de soi-même, aller vers le bas, pour ensuite, dans un second temps, s’élever vers le haut, vers l’Universel.

    Plan humain et plan universel correspondent à l’homme extérieur et à l’homme intérieur : « L’homme extérieur est la porte battante. L l’homme intérieur est la charnière immobile. (…) L’homme intérieur ne se situe ni dans le temps ni dans l’espace, mais purement et simplement dans l’éternité. » (Eckhart).

    Au 13° grade, Chevalier de Royal Arche, le rituel précise :

    « Demande : « Qui êtes-vous ? »

    Réponse : « Je suis à la fois le pont et le cercle, je suis le point fixé quelque part dans l’univers, et un cercle, car mon esprit s’ouvre et court le monde, en essayant de le comprendre au mieux, telle la branche du compas qui se pose sur un point et tourne largement dans l’espace pour former le cercle. »

    « Aucun homme ne peut faire le salut d’un autre. »

    Bouddha

    « Pour devenir pleinement soi-même, il faut cesser d’être ce que l’on est. »

    Maître Eckart

     « Les gens ne devraient pas toujours tant réfléchir à ce qu’ils doivent faire, ils doivent plutôt penser à ce qu’ils doivent être. S’ils étaient seulement bons et conformes à leur nature, leurs œuvres pourraient briller d’une vive clarté. Si tu es juste tes œuvres le sont aussi. Ne pense pas mettre ton salut sur un « agir » : C’est sur un être qu’il faut le placer ».

    Maître Eckhart, Instruction spirituelle

    Importance de l’ici-maintenant. Car la franc-maçonnerie s’oppose à toute religion dogmatique, et refuse, dans un certain sens, l’Utopie, l’Uchronie et l’Uglossie. La religion, c’est à la fois l’utopie et l’uchronie, c’est pas ici et pas maintenant (Arrière-monde).

    L’Utopie : C’est un lieu qui n’existe pas, un non-lieu. C’est « « maintenant, mais pas ici ».

    L’Uchronie : C’est un temps qui n’existe pas. C’est « ici, mais pas maintenant, plus tard ».

    L’Uglossie : Cela consiste à fabriquer toute une symbolique de mots qui se greffent sur la réalité quotidienne et qui lui donnent un sens tout à fait différent. En ce sens la franc-maçonnerie se distingue de la science, qui est une uglossie rationnelle.

    Nous existons sur deux plans différents, celui de la temporalité et celui de l’éternité, et ces deux plans ne font qu’Un. Ceci s’expérimente ici et maintenant.

     

    B) Histoire du 32 ° grade :

    Il s’agit de mettre la citation à étudier en relation avec l’histoire du 32° grade. Selon un manuscrit de 1768 environ, le « Ralliement des Princes Sublimes », les francs-maçons du 32° grade se réunissent dans un camp militaire sous les ordres de Frédéric III, roi de Prusse, grand maître et commandant général avec son armée des princes sublimes. Ce camp retranché regroupe tous les grades :

    • Un cercle, le Suprême Conseil
    • Un triangle : les Chevaliers de Malte
    • Un pentagramme (Cinq côtés) : les grades 19 à 30
    • Un heptagone (Sept côtés)
    • Un ennéagone (Neuf côtés) : les grades 1 à 18.

    La loge est le Consistoire : Elle est tendue de noir, parsemée de larmes, de squelettes et de têtes de mort, le tout en argent.

    L’armée maçonnique est en ordre pour la conquête des Lieux Saints. Ils se réunissent pour partir à la Croisade pour reconquérir les Lieux saints et s’emparer de nouveau de l’ancien dépôt du trésor sacré.

    Quels sont les ennemis à combattre ? Ce sont l’oppression, la servitude et le fanatisme. Les objectifs à atteindre sont la persévérance la foi et l’amour, et le plein épanouissement de l’humanité.

    Quels enseignements peut-on tirer de cette histoire (légendaire et à prendre au niveau symploque) ?

    • Si on place le camp en trois dimensions, on obtient une montagne, qui s’élève du 1° grade au 33° grade.
    • Le 32° grade est un camp, à la fois défensif et offensif : défensif contre l’ennemi intérieur (Les citadelles se prennent de l’intérieur) et aussi offensif, contre les ennemis extérieurs (opposés à l’idéal maçonnique de fraternité universelle). Cela rejoint l’idée de « petit djihad » : la guerre contre le fanatisme, au niveau collectif, et l’idée de « grande djihad », la guerre contre le « petit je » au niveau individuel.
    • Le Temple peut être « détruit ». de même, on peut être « chassé » des lieux saints. Ainsi, rien n’est définitivement acquis. Notre démarche, individuelle ou collective, n’est pas uniformément linéaire : elle connaît des avancées et aussi des retours en arrière. Cette marche est en spirale, avec des hauts et des bats, des périodes de conquêtes et des périodes de défaites, des retours en arrière et aussi cela peut aller jusqu’à l’abandon de la démarche.

     

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