• SOCIALISME OU BARBARIE : LE MONDE A VENIR (Partie 30)

    La tâche de la bourgeoisie était de se libérer (et de libérer l’ensemble du peuple par la même occasion) des entraves féodales et d’éliminer les inégalités féodales qui étouffaient et freinaient son développement propre. Pour ce faire, elle devait arracher le pouvoir politique à la noblesse. Lutte sans répit contre la noblesse, la bourgeoisie a conquis un poste de pouvoir après l’autre. Finalement, elle a pris le pouvoir politique sans partage dans les pays les plus avancés.

     

    SOCIALISME OU BARBARIE : LE MONDE A VENIR (Partie 30)

     

    QUEL EST LE DEVELOPPEMENT DE LA BOURGEOISIE ?

     

    La tâche de la bourgeoisie était de se libérer (et de libérer l’ensemble du peuple par la même occasion) des entraves féodales et d’éliminer les inégalités féodales qui étouffaient et freinaient son développement propre. Pour ce faire, elle devait arracher le pouvoir politique à la noblesse. Lutte sans répit contre la noblesse, la bourgeoisie a conquis un poste de pouvoir après l’autre. Finalement, elle a pris le pouvoir politique sans partage dans les pays les plus avancés.

    Par exemple, en Angleterre, cela s’est produit en embourgeoisant la noblesse. La bourgeoisie s’est incorporée la noblesse comme étant un de ses appendices propres. 

    En France, cela s’est produit en renversant directement la noblesse ; la bourgeoisie s’est émancipée économiquement et politiquement par la Révolution française de 1789 :

    « Prenez la grande Révolution française. Ce n’est pas sans raison qu’on la qualifie de « grande ». Pour la classe qu’elle a servie, la bourgeoisie, elle a fait tant que tout le XIX° siècle, ce siècle qui a donné la civilisation et la culture à toute l’humanité, s’est écoulé sous le signe de la Révolution française. Dans tous les coins du monde, ce siècle n’a fait que mettre son œuvre, réaliser par parties, parachever ce qu’avaient créé les grands révolutionnaires de la bourgeoisie française dont ils servaient les intérêts sans en avoir conscience, sous le couvert de phrases sur la liberté, l’égalité et la fraternité. » (140)

     

    QUELLES FURENT LES ARMES DE LA BOURGEOISIE ?

     

    Si la bourgeoisie est parvenue à conquérir le pouvoir économique c’est grâce à la transformation de l’état économique de la société entière. Ses armes décisives furent ses moyens de puissance économiques ; ceux-ci se développaient et s’accroissaient sans cesse par le développement de l’industrie artisanale d’abord, ensuite par le développement de la manufacture et l’extension du commerce. Pendant toute cette lutte, la puissance politique était surtout du côté de la noblesse.

    Par exemple, en France, il n’y avait pas eu de changement dans les conditions politiques : mais l’état économique s’était largement transformé et cette transformation se poursuivait sans arrêt. Bientôt la situation économique créée était trop avancée par rapport aux conditions politiques existantes. C’est ce qu’exprime le slogan politique de l’abbé Sieyès : »Qu’est-ce que le tiers-état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent ? Rien. Que demande-t-il ? A devenir quelque chose. » Au point de vue politique, la noblesse était tout et la bourgeoisie n’était rien. Au point de vue social, la bourgeoisie était devenue la classe la plus importante de l’Etat, alors que la noblesse avait au fur et à mesure vu lui échapper ses fonctions sociales l’une après l’autre. De plus la production était restée prisonnière des anciennes formes politiques féodales du moyen âge. Celles-ci apparaissaient maintenant comme rétrogrades. La production, par le développement prodigieux des forces productives qu’elle avait connu par la manufacture, était devenue trop grande pour ces vieilles formes politiques, adaptées à la petite production du moyen âge. La grande production était restée prisonnière des privilèges corporatifs et des barrières locales et provinciales. C’étaient là autant de brimades et d’entraves auxquelles la révolution bourgeoise mit fin. La transformation de l’état économique sous la direction de la bourgeoisie devait être suivie à un moment ou à un autre, de façon plus « pacifique » comme en Angleterre, ou par la lutte révolutionnaire comme en France, par une transformation des situations politiques. Ainsi la Révolution française de 1789 est la résolution de la contradiction entre le développement des forces productives et les rapports de production féodaux maintenus par la noblesse. La bourgeoisie les a remplacé par les siens propres, c’est-à-dire correspondant à ses intérêts de classe, la « liberté » bourgeoise et la « démocratie » bourgeoise :

    « Quiconque considère l’histoire de façon consciente dira que la Révolution française, bien qu’écrasée, a quand même triomphé, parce qu’elle a donné au monde entier les assises de la démocratie bourgeoise, de la liberté bourgeoise qui ne pouvaient plus être éliminées. » (141)

    La bourgeoisie avait pour alliée l’ensemble des classes opprimées par le féodalisme (le « tiers-état ») et la partie la plus consciente de l’aristocratie. Les philosophes des lumières, tels Voltaire, Rousseau, Diderot, D’Holbach, Helvétius…, avaient préparé par une lutte idéologique cette transformation, cette révolution capitaliste, cet avènement de la classe bourgeoise, en luttant contre l’idéologie passée (christianisme officiel, superstitions, obscurantisme). Ils préparaient le règne de la bourgeoisie en l’idéalisant sous la forme d’une lutte inconciliable entre la Raison, les « lumières » et les obscurantismes religieux, politiques et autres. Mais :

    « Nous savons aujourd’hui que ce règne de la raison n’était rien d’autre que le règne idéalisé de la bourgeoisie, que la justice éternelle trouva sa réalisation dans la justice bourgeoise ; que l’égalité aboutit à l’égalité bourgeoise devant la loi ; que l’on proclama comme l’un des droits essentiels de l’homme … la propriété bourgeoise ; et que l’Etat rationnel, le contrat social de Rousseau ne vint au monde, et ne pouvait venir au monde, que sous la forme d’une République démocratique bourgeoise. » (142)

     

    1)                  BOURGEOISIE ET PROLETARIAT

     

    Voilà donc le rôle de la bourgeoisie : elle a en tant que classe, dans un seul et même mouvement, d’une part libéré l’ensemble de la société des entraves féodales et éliminé les inégalités féodales, et d’autre part instauré la servitude salariale des autres classes en général, de la société en instituant « l’égalité des droits » (l’égalité bourgeoise). Ainsi, le nouveau mode de production capitaliste portait en lui-même dès sa naissance la contradiction entre un travailleur « libre » mais coupé (« aliéné ») des moyens de production, et le capitaliste qui a la propriété privée des moyens de production, contradiction entre le développement des forces productives de plus en plus sociales et les rapports de production, contradiction entre une minorité de capitalistes propriétaires des moyens de production et des produits et une majorité dépourvue de tout.

    « Cependant, on le sait, à compter de l’instant où la bourgeoisie sort de sa chrysalide de bourgeoisie féodale, où l’ordre médiéval se mue en classe moderne, elle est sans cesse et inévitablement accompagnée de son ombre le prolétariat. Et de même, les revendications bourgeoises d’égalité sont accompagnées de revendications prolétariennes d’égalité. De l’instant où est posé la revendication bourgeoise d’abolition des privilèges de classe, apparaît à côté d’elle la revendication prolétarienne d’abolition des classes elles-mêmes. (…) Les prolétaires prennent la bourgeoisie au mot : l’égalité ne doit pas seulement être établie en apparence, seulement dans le domaine de l’Etat, elle doit l’être aussi réellement dans le domaine économique et social (…) Le contenu réel de la revendication prolétarienne d’égalité est la revendication de l’abolition des classes. » (143)

     

     Nous allons donc analyser maintenant de quelle façon le développement de la contradiction au sein du mode de production et de la formation sociale capitaliste (exploiteurs – exploités ; bourgeoisie – prolétariat) vise à faire de la bourgeoisie elle-même un obstacle social, comment le prolétariat accomplit son rôle qui est d’éliminer cet obstacle social, et comment ce rôle lui est attribué par sa situation sociale objective dans le mode de production.

    1.                  « (…) la grande industrie moderne a créé un prolétariat, une classe qui, pour la première fois dans l’histoire, peut revendiquer l’abolition non pas de tel ou tel privilège de classe particulier ou de telle ou telle organisation de classe particulière, mais des classes en général et qui est placé devant l’obligation de réaliser cette revendication sous peine de tomber dans la condition du coolie chinois. »

    2.                  « (…) la même grande industrie a créé dans la bourgeoisie une classe qui a le monopole de tous les instruments de production et moyens de subsistance, mais qui, dans toute période de fièvre de la production, prouve qu’elle est devenue incapable de continuer à régner sur les forces productives qui échappent à sa puissance ; classe sous la conduite de laquelle la société court à sa ruine… » (144)

     

    Il s’agit d’analyser le processus qui a fait notre époque moderne, processus qui vise à transformer l’aspect principal de la contradiction, la bourgeoisie, en aspect secondaire et inversement, à transformer l’aspect secondaire, le prolétariat, en aspect principal : c’est-à-dire la nécessité inéluctable de la révolution prolétarienne et de la prise du pouvoir par le prolétariat. Dans cette perspective, le prolétariat, adossé aux autres couches et classes populaires, et à leur tête, est la seule force humaine qui soit capable de contrôler le déroulement de l’histoire, de le prendre en charge et d’empêcher l’écroulement dans la barbarie d’une civilisation qui se détruit elle-même. En ce sens, il existe un intérêt général de l’humanité. Mais il s’identifie aux intérêts de la classe montante : aujourd’hui, le prolétariat. Il existe aussi un intérêt général du capitalisme. Il s’identifie aux intérêts de la classe bourgeoise : aujourd’hui il mène à dépolitiser les masses populaires, à les écarter de toute action violente, de tout affrontement avec l’Etat :

    « La société ne peut plus vivre sous la domination (de la bourgeoisie) : c’est dire que l’existence de la bourgeoisie n’est plus compatible avec l’existence de la société. » (145)

     

     

    La question : « comment se produit ce processus ? » devient alors la question : « qu’est-ce que le prolétariat ? ». Pour le définir il est indispensable d’en connaître et d’en étudier la genèse, c’est-à-dire sa formation progressive. Il s’agit ici d’esquisser la formation théorique et pratique du prolétariat. Cette formation tout comme la formation de la bourgeoisie, n’échappe pas à la loi du matérialisme dialectique : bourgeoisie et prolétariat forment l’unité de deux contraires. La question peut se subdiviser pareillement que la question concernant la bourgeoisie : quelle est l’origine, quels sont le développement et le rôle historique du prolétariat ? 

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