• RECIT DU CHEMINEMENT DE PIERRE QUADER QUI A AIME, TRAVAILLE ET PRIE POUR NE PLUS RENAITRE (Partie 2)

    Rompu dès le plus jeune âge aux travaux des champs le bagage scolaire de Pierre Quader se restreignait au strict minimum : « J'ai appris à lire et à écrire à l'école buissonnière des péquenots » plaisantait-il plus tard. Son père lui déclarait pour ses quatorze ans : « Maintenant débrouilles toi et gagnes ton pain » et illico le plaçait comme apprenti chez un patron boulanger d'un village voisin ; ce patron ne le ménageait nullement puisqu'il le réveillait à coups de bâton la nuit l'obligeant à se lever tôt pour trimer longtemps.

     

    RECIT DU CHEMINEMENT DE PIERRE QUADER QUI A AIME, TRAVAILLE ET PRIE POUR NE PLUS RENAITRE (Partie 2)

     

    Aux yeux des villageois, l'occupation principale de son père consistait dans la maintenance d'un débit de boisson, quoiqu'il possédât également un petit nombre d'hectares de vigne pauvrette permettant de produire, après un travail artisanal des plus pénibles, de cet excellent vin gris des côtes de Moselle, qui a quasiment disparu aujourd'hui de dessus les tables. C'était une sorte de gargote de village avec une vaste salle commune où l'on consommait sur le pouce et aussi un coin aménagé où l'on monnayait des articles d'épicerie, toutes espèces de marchandises confondues que les paysans ne fabriquaient pas eux-mêmes, tels que l'huile, le sel et les allumettes.

    Enormément plus que son père, sa mère imprimait dans la mémoire de Pierre Quader des traces ineffaçables et il gardait toujours dans son portefeuille, comme une image pieuse, la photographie défraîchie de celle-ci, seule personne à qui il octroya ce privilège. Sur ce portrait on distingue une dame d'une cinquantaine d'années, bien en chair, caractéristique de la plupart des femmes de l'époque et davantage des villageoises, car un embonpoint confortable était le signe d'une bonne santé à défaut de détenir une table convenable d'où l'on sort rassasié. « S'énamourer d'une campagne de forte contenance, voilà une garantie d'augure propice contre la misère et ne pas débusquer chaussure à son pied dans sa localité, se marier avec une fille maigrichonne de la ville, inapte aux durs travaux des champs et de la ferme, voilà le début de la déchéance » certifiaient les anciens en vue d'éduquer la nouvelle génération. Ce qui démontre la solidité tant physique que morale de sa mère, ceux qui l'ont fréquentée au village de Contz le narrent encore aujourd'hui, c'est qu'elle tenait les cordons de la bourse du ménage se démenant pour que tout marche au mieux et colmatant les brèches ; en fin de compte, « elle portait la culotte et tirait la charrette, l'empêchant de chavirer ». Elle veillait à ce que l'on ne manqua jamais de nourriture dans la maisonnée, même si habituellement dans les repas frugaux on regardait plus sur la quantité bourrative que sur la qualité de la préparation des mets : un saladier rempli de morceaux de pains macérés dans du lait de vache, des tartines de haricots cuits ou des pommes de terre avec quelquefois un morceau de lard, composaient l'essentiel des menus tout au long de l'année.

    L'enfance de Pierre Quader n'était pas facile. La famille logeait à l'étroit dans une maison qui, quoique maintenue propre grâce au labeur minutieux de la mère, était très ancienne et rafistolée et avec la meilleure volonté du monde il est sûrement impossible de réaliser du neuf avec du vieux. Les enfants groupés dans une seule pièce dormaient à deux dans un lit et cette chambre était contiguë à l'entrepôt poussiéreux et au magasin bruyant jusque tard dans la nuit.

    Le père, d'un égoïsme viscéral, ne dispensait même pas une parole agréable aux autres ; on le blâmait pour ne se préoccuper exclusivement que de ses propres affaires, soignant sa pomme avec beaucoup d'indécence et les voisins malveillants susurraient à son propos qu'il n'avait eu que le «souci» de mettre ses enfants au monde abandonnant ensuite ceux-ci aux bons soins de sa femme qui fournissait en effet des efforts surhumains pour que cela tourne rond. Véritable mère poule, toujours très bienveillante à l'égard de sa nombreuse progéniture, prête à les acquitter de tous les écarts, elle accueillait avec encore plus de sollicitude celui d'entre ses enfants fourvoyés et s'affairait à l'en dépêtrer. En somme elle leur prodiguait la seule chose sans doute qu'elle pouvait dépenser à satiété, la tendresse, ce qui lors des ébats éthyliques de Pierre Quader vieilli, lorsqu'il évoquait les scènes très touchantes d'amour maternel, l'astreignait à éclater en sanglots prolixes, confrontant chaque fois les spectateurs occasionnels à un dilemme embarrassant car ceux-ci ignoraient si les pleurs abondants sanctionnaient une réaction physiologique suite à un trop plein d'alcool, s'ils accompagnaient l'épanchement de souvenirs sincères se référant à l'affection englobante de sa mère ou s'il s'apitoyait sur la vision présente de son être déchu et raté que, dégrisé, il apercevait.

    Rompu dès le plus jeune âge aux travaux des champs le bagage scolaire de Pierre Quader se restreignait au strict minimum : « J'ai appris à lire et à écrire à l'école buissonnière des péquenots » plaisantait-il plus tard. Son père lui déclarait pour ses quatorze ans : « Maintenant débrouilles toi et gagnes ton pain » et illico le plaçait comme apprenti chez un patron boulanger d'un village voisin ; ce patron ne le ménageait nullement puisqu'il le réveillait à coups de bâton la nuit l'obligeant à se lever tôt pour trimer longtemps.

     

     

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