• Liberté, égalité, fraternité (Partie 24)

    Le prolétariat est un des contraires de la contradiction fondamentale du capitalisme, nouveau processus social surgi de l’ancien processus féodal. L’autre contraire de la contradiction fondamentale est la bourgeoisie capitaliste. Le prolétariat est une classe sociale aliénée des moyens de production et obligée pour vivre de vendre sa force de travail au capital :

    « Dès sa naissance, la bourgeoisie était grevée de son contraire ; les capitalistes ne peuvent pas exister sans salariés et à mesure que le bourgeois des corporations du moyen âge devenait le bourgeois moderne, dans la même mesure le compagnon des corporations et le journalier libre devenait le prolétaire. » (150)

     

    Liberté, égalité, fraternité (Partie 24)

     

     

    1. LE RÔLE HISTORIQUE DU PROLETARIAT

     

    1. LE DEVELOPPEMENT DES CONDITIONS OBJECTIVES DE LA REVOLUTION SOCIALISTE

     

    Dans le Chapitre XXXII de la Huitième section du Livre premier du Capital, Marx rassemble les conclusions de l’étude historique et économique de l’accumulation primitive du capital.

    Avant l’ère capitaliste, au moyen âge, en Angleterre tout au moins, existait la petite entreprise, ayant pour base la propriété privée des moyens de production par l’ouvrier. L’accumulation dite primitive du capital a consisté dans l’expropriation de ces producteurs immédiats, c’est-à-dire dans la dissolution de la propriété privée reposant sur le travail personnel :

    « Ainsi donc ce qui gît au fond de l’accumulation primitive du capital, au fond de sa genèse historique, c’est l’expropriation du producteur immédiat, c’est la dissolution de la propriété fondée sur le travail personnel de son possesseur. » (146)

    On a arraché les moyens de travail et si cela fut possible, c’est parce que la petite entreprise n’est compatible qu’avec les limites naturelles et étroites de la production du moyen age : ainsi donc, la petite production, en se développant, produit elle-même les moyens matériels de son propre anéantissement.

    Il y a accroissement quantitatif d’abord, puis transformation de la quantité en qualité, progrès par bond, c’est-à-dire ici passage de la petite production féodale à la grande production capitaliste. Cet anéantissement, cette transformation des moyens de production individuels et dispersés en moyens concentrés socialement est la source du capital.

    L’évolution ultérieure de cette propriété privée des moyens de travail prend une forme vivante dès la naissance du mode de production capitaliste : celle de l’appropriation privée des moyens de production et de la production dans les mains d’une minorité, et le dénuement total d’une majorité qui n’a que sa force de travail à vendre :

    « Dès que ce procès de transformation a décomposé suffisamment et de fond en comble la vieille société, que les producteurs sont changés en prolétaires et leurs conditions de travail en capital, qu’enfin le régime capitaliste se soutient par la seule force économique des choses, alors la socialisation ultérieure du travail (…) en un mot, l’élimination ultérieure des propriétés privées – va revêtir une nouvelle forme. Ce qui est maintenant à exproprier, ce n’est plus le travailleur indépendant, mais le capitaliste, le chef d’une armée ou d’une escouade de salariés. » (147)

    Ce qui est brièvement résumé ici, et que Marx démontre par l’histoire par ailleurs, sont les faits suivants : de même qu’autrefois la petite entreprise du mode de production féodal par son évolution a, de façon nécessaire, engendré les conditions de son anéantissement, c’est-à-dire de l’expropriation des petits producteurs, de même aujourd’hui le mode de production capitaliste a engendré également les conditions matérielles et les forces subjectives qui le feront tout aussi nécessairement disparaître. C’est un processus qui comprend des conditions matérielles et des forces sociales subjectives : l’organisation de la grande production sociale et l’organisation du prolétariat en classe et donc aussi en parti politique.

    « Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd’hui contre elle. Mais la bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la tueront, elle a produit aussi les hommes qui les manieront : les ouvriers modernes, les prolétaires. » (148)

    En France, la bourgeoisie, et sous sa direction l’ensemble du peuple, a détruit par la Révolution de 1789 la vieille superstructure pourrie du mode de production féodal, et par un seul et même mouvement, elle a créé un nouveau type d’Etat, l’Etat capitaliste. Par la création de cet Etat et la destruction de l’ancien, elle s’est donnée les conditions politiques et idéologiques correspondant à ses besoins et à ses intérêts de classe.

    Du point de vue de l’infrastructure (la sphère économique), la création de ce milieu « naturel » de la bourgeoisie lui a fait faire un formidable bond en avant : son développement fut si rapide qu’il a très tôt placé la bourgeoisie dans la même situation que la noblesse avant 1789, c’est-à-dire dans la situation d’une classe non seulement socialement superflue, mais encore une classe qui fait obstacle aux intérêts généraux de progrès de la société en général, une classe qui ne fait qu’encaisser des revenus sans rien produire.

    Cette transformation s’est faite contre la volonté de la bourgeoisie elle-même et s’est imposée à elle contre son gré, et uniquement d’après les lois de développement interne du mode de production capitaliste et de la formation sociale. Les propres forces de production de la bourgeoisie sont devenues telles qu’elles sont trop puissantes pour obéir à la direction de la bourgeoisie, et doivent passer sous la direction du prolétariat et de la société entière. Ces forces prodigieuses poussent comme sous l’effet d’une nécessité naturelle toute la société bourgeoise au devant de sa ruine et de la barbarie de la société entière… ou d’une révolution prolétarienne.

    « Les forces productives dont (la bourgeoisie) dispose ne servent plus à faire avancer le régime de la propriété bourgeoise – elles sont devenues au contraire trop puissantes elle, qui leur fait obstacle ; et toutes les fois que les forces sociales productives triomphent de cet obstacle, elles jettent dans le désordre toute la société bourgeoise et menacent l’existence de la propriété bourgeoise. Les rapports bourgeois sont devenus trop étroits pour contenir les richesses qu’ils ont créées. » (149)

    Sous le régime de la bourgeoisie, tout développement nouveau, toute innovation politique ou idéologique, ne peuvent qu’accroître les inégalités et l’oppression. Cela peut durer jusqu’à ce que cette inégalité et cette oppression soient poussées jusqu’à leur comble et se transforment en leurs contraires : l’égalité et la liberté. Devant un despote que constituera la classe bourgeoise capitaliste, tout le monde sera égal, c’est-à-dire égal à zéro : le fruit sera alors suffisamment mûr pour tomber.

     

    1. LE DEVELOPPEMENT DES CONDITIONS SUBJECTIVES DE LA REVOLUTION SOCIALISTE

     

    1. LE PROLETARIAT

     

    Le prolétariat est un des contraires de la contradiction fondamentale du capitalisme, nouveau processus social surgi de l’ancien processus féodal. L’autre contraire de la contradiction fondamentale est la bourgeoisie capitaliste. Le prolétariat est une classe sociale aliénée des moyens de production et obligée pour vivre de vendre sa force de travail au capital :

    « Dès sa naissance, la bourgeoisie était grevée de son contraire ; les capitalistes ne peuvent pas exister sans salariés et à mesure que le bourgeois des corporations du moyen âge devenait le bourgeois moderne, dans la même mesure le compagnon des corporations et le journalier libre devenait le prolétaire. » (150)

    Pour définir le prolétariat, nous allons répondre aux questions de son origine, de son rôle historique, de son développement et des armes de ce développement. Cependant de nos jours l’existence du prolétariat est mise en cause, et il convient de répondre d’abord à deux questions : le prolétariat existe-t-il encore ? Le prolétariat est-il une catégorie socioprofessionnelle ?

     

     

    LE PROLETARIAT EXISTE-T-IL ENCORE ?

     

    Pour avoir le droit de s’appeler « prolétaire », il n’est pas nécessaire de vivre dans les mêmes conditions que ce qu’on nommait « prolétaire » au temps de Marx. Dans un certain sens une grande partie du prolétariat industriel de nos villes d’Europe occidentale vit mieux que le prolétariat du XIX° siècle. Mais, outre que ce mieux-être, produit du travail de l’ouvrier, a été arraché par les luttes de classe du prolétariat contre la bourgeoisie capitaliste, la nature du prolétariat n’a pas fondamentalement changée. Sa situation n’a pas été fondamentalement améliorée, bien au contraire : dans une certaine mesure elle est même plus précaire. Le prolétariat continue de vendre sa force de travail pour vivre, et il ne possède qu’elle. Les conditions de sa vie sociale ne dépendent pas de lui, mais dépendent de causes extérieures à lui. A cause de cela, il ne saurait être libre, ni heureux donc : le fait que les chaînes soient « dorées » peut l’endormir pour un moment, mais quand il se réveille, il se retrouve dans les « chaînes de l’esclavage » (Marat) de la condition salariale.

     

    LE PROLETARIAT EST IL UNE CATEGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE ?

     

    Certains définissent le prolétariat comme étant une catégorie socioprofessionnelle : « c’est la catégorie sociale la moins rémunérée » dit-on, et on fixe arbitrairement un barème en dessous duquel toute personne peut être considérée comme appartenant à la classe ouvrière. Pour rétablir l’ « égalité », il s’agirait alors d’uniformiser les salaires. Mais le marxisme n’a jamais fait sienne cette revendication gauchiste, non scientifique, de l’uniformité des salaires, de ce pseudo égalitarisme. Marx a souligné, dans Salaire, prix et profit :

    « Ce que l’ouvrier vend, ce n’est pas directement son travail, mais sa force de travail dont il cède au capitaliste la disposition momentanée (…). Les frais de production de forces de travail de qualités différentes diffèrent exactement de la même façon que les valeurs des forces de travail employées dans les diverses industries. La revendication de l’égalité des salaires repose par conséquent sur une erreur, sur un désir insensé qui ne sera jamais satisfait (…). Comme les différentes forces de travail ont des valeurs différentes, c’est-à-dire nécessitent pour leur production des quantités de travail différentes, elles doivent nécessairement avoir des prix différents sur le marché du travail. » (151)

    Le prolétariat se définit en tant que classe, non par son salaire, mais par sa place par opposition aux autres classes dans les rapports sociaux. Le salaire bas par rapport à d’autres salaires est une conséquence de ces rapports sociaux. La revendication du prolétariat révolutionnaire n’est pas la suppression des inégalités de salaire, mais la suppression des inégalités de classe, c’est-à-dire la suppression des classes elles-mêmes, la suppression de l’esclavage salarié.

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