• Le secret maçonnique (Partie 44)

    Au XX° siècle, le recrutement au sein de la franc-maçonnerie concerne surtout la bourgeoisie, mais également la petite-bourgeoisie (enseignants, boutiquiers, artisans, etc.). Cela signifie qu’au sein des loges, la fraternité n’est pas « universelle », mais « censitaire », notamment en raison de la cherté du coût (en argent et en temps) qu’il faut pouvoir consentir pour appartenir au mouvement maçonnique (cotisation annuelle, coût des agapes, achat des décors et du matériel d la loge, location d’un immeuble, etc.). La cotisation constitue, entre l’obédience et la loge d’une part, et le franc-maçon individuel, d’autre part, un flux permanent d’argent qui atteste que le lien n’est pas rompu entre  l’individu et sa classe sociale, la classe bourgeoise. Une fois rompu, quelle que soit la raison, cela conduit à l’exclusion inexorable de l’individu de l’égrégore maçonnique, sauf cas particuliers, appréciés par la loge de rattachement.

    Le secret maçonnique (Partie 44) 

     

    Si une partie de l’aristocratie maçonnique a contribué à amorcer le mouvement révolutionnaire, d’autres nobles francs-maçons ont trahi les idéaux de la franc-maçonnerie ; d’une part, une partie des nobles contre-révolutionnaires ont fui la France et ont émigré à partir de 1789. D’autre part, certains aristocrates ont quitté et délaissé le mouvement révolutionnaire, au fur et à mesure de son avancée et de son approfondissement, où en tout cas, ont cherché à le freiner, et à arrêter le mouvement de la révolution à l’une ou à l’autre de ses étapes ; par exemple, le frère La Fayette était partisan d’une monarchie constitutionnelle.

    Cette fidélité aux intérêts de classe explique la trahison des idéaux révolutionnaires par une partie des aristocrates francs-maçons, mais également des hauts bourgeois, dans le cadre d’une entente des possédants, au fur et à mesure que le peuple, emmené par les sans-culottes et les enragés, s’est emparé de ces idéaux, pour les conduire à leur ultime conclusion : la Constitution de l’an II, et la république sociale, représentée par le deuxième pouvoir, populaire, que fut la Commune insurrectionnelle de Paris de 1792.

    La révolution aboutit à la victoire de la bourgeoisie sur la féodalité, victoire non définitive, puisqu’au siècle suivant, il y eut diverses tentatives de restauration. La bourgeoisie a affirmé et fondé son pouvoir, et son Etat, au cours de diverses étapes : la Terreur, d’abord avec Robespierre, puis sans lui, le Directoire, et Napoléon I°.

    Lors de la révolution, les idéaux d’égalité entre tous les hommes, de libertés fondamentales, de laïcité et de tolérance entre toutes les croyances, de déchristianisation, etc. sont sortis des Temples maçonniques pou illuminer et entrer dans la réalité sociale. Ces idées ont été discutées, en particulier, dans les divers clubs patriotiques, qui ont pris alors naissance. Il en est résulté une quasi-mise en sommeil des loges maçonniques elles-mêmes. D’autres raisons ont conduit à l’extinction de nombreuses loges : la fuite des émigrés composant certaines de ces loges, ou bien, l’arrestation et la condamnation d’autres membres jugés contre-révolutionnaires et suspects.

    Avec Napoléon I° (tout comme avec la tentative de Napoléon III), on assiste à une mise en place d’une franc-maçonnerie de « caserne », c’est-à-dire une franc-maçonnerie officielle aux ordres du pouvoir en place et conformiste. Mais, sous le surface, les loges ont continué de véhiculer les idéaux maçonniques.

     

    Le XIX° siècle. En 1871, le prolétariat est autonome et mature. Il se libère et construit son Etat, l’Etat de dictature du prolétariat. Les francs-maçons mûrs participent pleinement à cette expérience.

    Socialement, le recrutement au sein des loges se renouvelle : suite à la domination définitivement de la bourgeoisie, à compter de 1830, il s’agit alors essentiellement d’un recrutement de bourgeois, de petits-bourgeois et d’intellectuels. Les loges deviennent des « lieux de parole », où s’expriment sans aucune censure, les idées « républicaines », qui vont se répandre au dehors des temples, en 1830, et surtout en 1848, et enfin lors de la Commune de Paris de 1871. A chaque fois, la franc-maçonnerie est un creuset d’idées avancées, et elle joue un rôle de déclencheur et d’accompagnateur des mouvements sociaux. Comme à chaque fois, lorsque le peuple s’empare de ces idéaux, les loges maçonniques disparaissent, ou sont mises en sommeil, et on voit l’apparition de divers clubs patriotiques.

    Les francs-maçons de la III° république étaient plutôt opposés à la franc-maçonnerie des « hauts-grades », en raison de leurs conceptions très égalitaires et antiélitistes.

    Quel est le « ressort », la « mécanique », qui permet à la franc-maçonnerie de parvenir à ses fins ? La franc-maçonnerie pose un certain nombre de valeurs qui forment une « table de la loi », qui va bien au-delà de la simple réalité sociale : autrement dit, la conduite et le développement de la réalité sociale fait en sorte que l’infrastructure a pris de l’avance sur la superstructure. La franc-maçonnerie contribue à un « rattrapage » de la superstructure par rapport à une infrastructure qui est à l’étroit et qui est bridée. De plus la « clôture » des loges maçonniques, appelée le « secret », crée une sorte de « pouvoir » idéologique de loges (on dit « un franc-maçon libre dans une loge libre »), en dehors du pouvoir idéologique dominant. La franc-maçonnerie représente les valeurs d’une catégorie sociale (la noblesse et le haut clergé au XVIII° siècle, la bourgeoisie au XIX° siècle) , valeurs qui n’ont pas encore cours dans la société réelle, mais valeurs qui correspondent déjà à la réalité du socle de l’infrastructure. Ces valeurs couvent un certain nombre d’années dans les « serres » que sont les loges maçonniques, et ne demandent qu’à éclore à la lumière du soleil. Lorsque les conditions sociales objectives sont réunies, ces valeurs passent tout naturellement dans la réalité sociale, les forces populaires s’en emparent pour les faire entrer dans la réalité. Les forces populaires emmènent ces valeurs bien souvent au-delà des limites que souhaitent leur assigner les « initiateurs » et les « lanceurs d’alerte » : en quelque sorte, le peuple prend « au mot » les classes nouvellement dominantes, d’où les exigences des sans-culottes en 1792, ou bien la tentative d’instaurer une dictature du prolétariat par les Communards de 1871.

    Il est à noter qu’à chaque fois, au cours de la lutte, l’émergence des femmes, qui aspirent à la libération par rapport au patriarcat et au machisme ambiant a conduit à l’apparition des loges d’adoption au XVIII° siècle, et à l’initiation féminine à la fin du XIX° siècle.

     

    Le XX° siècle. Le prolétariat dispose de son propre parti, la Parti Communiste Français. Ce parti a une ligne prolétarienne juste de 1920 jusqu’au Front Populaire, puis une ligne opportuniste et capitularde apparaît et domine à parti de 1944. Les espoirs d’un changement social sont déçus. Le « summum bonum », en matière de doctrine sociale, c’est le programme du Conseil National de la Résistance, programme de restauration du capitalisme.

    Au XX° siècle, le recrutement au sein de la franc-maçonnerie concerne surtout la bourgeoisie, mais également la petite-bourgeoisie (enseignants, boutiquiers, artisans, etc.). Cela signifie qu’au sein des loges, la fraternité n’est pas « universelle », mais « censitaire », notamment en raison de la cherté du coût (en argent et en temps) qu’il faut pouvoir consentir pour appartenir au mouvement maçonnique (cotisation annuelle, coût des agapes, achat des décors et du matériel d la loge, location d’un immeuble, etc.). La cotisation constitue, entre l’obédience et la loge d’une part, et le franc-maçon individuel, d’autre part, un flux permanent d’argent qui atteste que le lien n’est pas rompu entre  l’individu et sa classe sociale, la classe bourgeoise. Une fois rompu, quelle que soit la raison, cela conduit à l’exclusion inexorable de l’individu de l’égrégore maçonnique, sauf cas particuliers, appréciés par la loge de rattachement.

    Sont donc inévitablement exclus, en particulier, les ouvriers et les paysans pauvres. En effet, depuis l’origine officielle du mouvement maçonnique, jusqu’à aujourd’hui, le coût pour être franc-maçon est prohibitif pour les petites classes sociales :

    • D’abord, il faut pouvoir régler les cotisations, non seulement pour les trois premiers grades, mis aussi pour les hauts-grades ;
    • Ensuite, les décors qu’il convient d’acheter pour chaque grade, ainsi qu’éventuellement le costume sombre nécessaire pour participer aux tenues.
    • Enfin, les divers à-côtés non négligeables, comme les frais d’agapes, les frais de locaux, etc.

    Ainsi, ces divers coûts, mais aussi le temps libre dont il convient de disposer, ne serait-ce que pour participer à deux tenues minimum par mois (assiduité obligatoire), ainsi le niveau culturel dont il faiut faire preuve, conduisent automatiquement à réserver la franc-maçonnerie à certaines catégories sociles plutôt aisées, l’aristocratie au XVIII° siècle, la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie aux XIX° et XX° siècles.

     

     

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