• Le secret maçonnique (Partie 36)

    La contradiction principale au cœur de la franc-maçonnerie oppose, d’un côté, une organisation composée de membres de la classe privilégiée, et de l’autre côté l’affirmation de valeurs universelles.

    Il convient donc de distinguer deux catégories de francs-maçons, lors de chaque période historique :

    • Le franc-maçon mûr, « qui a bien compris l’Art sacré » : c’est le franc-maçon qui reste fidèle, jusqu’à la mort à l’idéal maçonnique, universel, de fraternité et d’amour. Il n’hésite pas, au besoin, de trahir ses intérêts de classe, comme l’a fait le franc-maçon « sans tablier », Maximilien Robespierre.
    • Le franc-maçon non mûr, qui n’a pas travaillé suffisamment sa pierre brute, et qui, rapidement, trahi l’idéal maçonnique, pour rester fidèle aux intérêts immédiats et égoïstes de sa classe sociale. Il affirme les principes de « liberté, égalité, fraternité » en paroles, lorsque cela ne lui « coûte » rien, mais les trahit dès qu’il s’agit d’unir la théorie à la pratique, et d’être cohérent et authentique. C’est le cas de La Fayette, par exemple.

    Le secret maçonnique (Partie 36) 

     

    Quelle doit être la relation entre le franc-maçon et la cité, entre le franc-maçon et le citoyen, à la fois en tant qu’individu et en tant que membre d’une organisation, que cela soit une loge ou une obédience ? La réponse se trouve dans les recommandations suivantes : « Ils [les francs-maçons] répandront au dehors [du Temple] les vérités acquises », ou encore : « Médite dans le Temple, agis sur le forum, mais ne prends pas le Temple pour un forum ». En conséquence, si la cité ne doit pas entrer dans le Temple, mais rester sur le parvis, car la loge doit rester sereine, adogmatique et ouverte, par contre, à titre individuel, et collectif, le franc-maçon doit s’engager dans la cité et prendre parti.

    A noter que par leur recrutement, exclusivement au sein des classes possédantes, la cité est déjà dans le Temple : aux XIX° et XX° siècles, le statut social du franc-maçon est celui de la bourgeoisie. En conséquence, la clause d’exclusion des sujets d’actualité dans les loges a comme objectif d’éviter la division de la classe bourgeoise, en tant que classe, afin de maintenir l’unité de celle-ci autour de ses intérêts fondamentaux.

    Au XVIII° siècle, les francs-maçons progressifs ont pris parti pour les Lumières, pour les libertés nouvelles (dont la liberté de conscience), pour l’éducation et toutes les valeurs mises en avant par la révolution bourgeoise. Au XIX° siècle, les francs-maçons progressifs ont pris parti pour l’école obligatoire et gratuite, la laïcité, les libertés (dont la liberté d’association), les droits sociaux, l’émancipation des femmes.,… Au XX° siècle, les francs-maçons progressifs ont pris parti pour la résistance contre le fascisme, contre l’antisémitisme et contre le racisme, pour l’égalité. Il serait logique que la loge en tant que loge, et l’obédience en tant qu’obédience, prennent également parti pour les mêmes valeurs progressives. Lorsque le franc-maçon s’engage à appliquer à l’extérieur les vérités apprises dans le Temple, il est certain qu’agir, c’est faire des choix et donc éliminer. Si une vérité apprise est de permettre à chacun de disposer d’un logement décent pour tous, que faut-il faire ? Défendre à tout prix la propriété privée des propriétaires de logements, ou autoriser la réquisition des logements disponibles ? Si une autre vérité apprise en loge est de permettre à chacun de vivre décemment de son travail, que faut-il faire ? Défendre à tout prix le statut quo et le libéralisme, ou bien prendre des mesures contraignantes pour créer un emploi pour tous ? Dans la pratique, dans le réel, un franc-maçon authentique est-il Versaillais ou Communard ? Est-il Résistant ou du côté du gouvernement de Vichy ? La neutralité, la modération, la synthèse,… sont-elles possibles et souhaitables ? La vérité historique de la franc-maçonnerie est-elle du côté de l’émigré aristocratique de 17789, du Chouan vendéen, ou bien du côté du révolutionnaire ? Et de quel révolutionnaire, Danton ou Robespierre, Robespierre ou Barras ? La tendance naturelle de nombreuses loges et obédiences est toujours de s’incliner devant le pouvoir en place, de s’inféoder à celui-ci, puis ultérieurement, de se « racheter » une conscience honorable en adoptant les idéaux des révolutionnaires massacrés par ce pouvoir en place.

    Comme nous l’avons vu, l’obstacle au choix de la vérité historique, c’est l’origine sociologique des francs-maçons : au début du XVIII° siècle, la plupart des francs-maçons étaient d’origine aristocratique et noble, ainsi que de la haute bourgeoisie (noblesse de robe). Ces nobles faisaient preuve d’élitisme, et les loges composées de ces possédants avaient tendance à la discrimination à l’égard des loges composées de membres d’origine plus plébéienne, bourgeoise et petite-bourgeoise. Ceci explique en partie la création des hauts-grades : ces derniers étaient un moyen, pour les nobles, de tenir à l’écart les « nouveaux » francs-maçons roturiers. A l afin du XIX° siècle, dans un souci d’égalité entre tous les frères, les francs-maçons « républicains » se sont opposés à l’existence de ces hauts-grades. Au XIX° siècle, il y a une composition plus « démocratique » des loges, mais les ouvriers, les paysans pauvres, et e particulier les femmes, demeurent exclues. Un objectif de Bakounine était de créer une franc-maçonnerie populaire, composée de révolutionnaires, qui soit capable de jouer dans les conditions nouvelles du XIOX° siècle, le rôle dynamique et progressiste qu’a joué la franc-maçonnerie dans le développement des idées révolutionnaires bourgeoises au XVIII° siècle. A noter au XVIII° siècle, et au début du XIX° siècle, l’émergence d’une franc-maçonnerie chrétienne et réactionnaire, représentée notamment par de Maistre. A la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle, un point commun entre la franc-maçonnerie bourgeoise (républicains opportunistes) et la franc-maçonnerie plus plébéienne et petite-bourgeoise, est la lutte anticléricale et laïque.

    Il n’en reste pas moins qu’en 1870-1871, l’obédience du Grand Orient de France a pris résolument parti contre les idéaux de la Commune de Paris, et pour le gouvernement de Thiers. L’obédience n’a pas hésité à condamner les francs-maçons communards. Il en a été ainsi pour François Jourde (1843-1893). . Arrêté le 30 mars 1871. Condamné à la déportation, il embarque le 13 juin 1872 pour la Nouvelle-Calédonie ; il s’évada avec Rochefort en 1874. Il est initié à la loge « Les Zélés Philanthropes », orient de Paris, le 9 novembre 1866. Admis aux grades de Compagnon et de Maître le 16 avril 1867, il est orateur de la loge pendant trois ans, de 1868 à 1871. Le 9 juin 1871, la loge le radie « pour conduite indigne dans sa vie profane ». Décembre-Allonier le fait exclure alors qu’il était déporté en Nouvelle-Calédonie, d’où il s’évada avec la complicité des frères de la loge locale, qui sera fermée. Exilé à Londres après son évasion du bagne, il écrit en 1874 aux « Zélés Philanthropes », pour demander qu’on lui adresse son diplôme de Maître. Sans doute voulait-il s’affilier à la loge « Les Philadelphes » à Londres. Refus de l’obédience : « Le frère Jourde a été signalé aux Ateliers et aux maçons de l’obédience comme étant exclu de la maçonnerie française… ». L’obédience avait choisi Thiers contre la Commune.

    De même, en 1940-1945, une partie des francs-maçons à la tête de cette obédience (Grousset) a envisagé un moment de négocier et de s’accommoder du régime raciste de Vichy.

     

    La contradiction principale au cœur de la franc-maçonnerie oppose, d’un côté, une organisation composée de membres de la classe privilégiée, et de l’autre côté l’affirmation de valeurs universelles.

    Il convient donc de distinguer deux catégories de francs-maçons, lors de chaque période historique :

    • Le franc-maçon mûr, « qui a bien compris l’Art sacré » : c’est le franc-maçon qui reste fidèle, jusqu’à la mort à l’idéal maçonnique, universel, de fraternité et d’amour. Il n’hésite pas, au besoin, de trahir ses intérêts de classe, comme l’a fait le franc-maçon « sans tablier », Maximilien Robespierre.
    • Le franc-maçon non mûr, qui n’a pas travaillé suffisamment sa pierre brute, et qui, rapidement, trahi l’idéal maçonnique, pour rester fidèle aux intérêts immédiats et égoïstes de sa classe sociale. Il affirme les principes de « liberté, égalité, fraternité » en paroles, lorsque cela ne lui « coûte » rien, mais les trahit dès qu’il s’agit d’unir la théorie à la pratique, et d’être cohérent et authentique. C’est le cas de La Fayette, par exemple.

    Les « métaux sont donc bien dans le Temple », et c’est ce qu’indique bien l’un des principaux mythes de la franc-maçonnerie : la mort du vieil homme et sa transmutation en nouvel homme, la légende du troisième degré, celui de maître, qui est la « seconde mort », le « deux fois né », Hiram. En effet, lors de cette cérémonie, Hiram préfère mourir que de trahir son serment de fidélité à la franc-maçonnerie, alors que « trois mauvais compagnons », qui sont aussi initiés francs-maçons, francs-maçons non mûrs, trahissent leur serment au nom de l’ambition, et cherchent indûment à obtenir une promotion non méritée. Abstraitement, on peut en déduire que sur quatre francs-maçons, dans une loge, trois sont maçons « non mûrs » et un seul est « maçon mûr ». Il est étonnant que de nombreux historiens de la franc-maçonnerie mettent en exergue les francs-maçons mûrs et positifs, sans indiquer les nombreux maçons non mûrs et négatifs.

     

     

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