• Le secret maçonnique (Partie 18)

    Les facteurs objectifs de la chute de Robespierre sont : la bourgeoisie ne voulait plus de Robespierre, et les faubourgs n’étaient plus disposés à soutenir Robespierre. D’ailleurs, Robespierre lui-même ne voulait plus s’appuyer sur les faubourgs. Les sans-culottes ne marchent plus: Quoi ? Prendre les armes pour sauver l’homme qui avait désarmé la révolution l’hébertisme, domestiqué la Commune, dispersé les sociétés populaires des sections ? Se battre pour l’homme sous le règne duquel le maximum avait été « assoupli », la vie rendue plus chère, la hausse des salaires ouvriers contenus, les grèves brutalement réprimées ?

     

    Le secret maçonnique (Partie 18) 

     

    L’ancien conventionnel Levasseur (de la Sarthe) s’exprime ainsi dans ses Mémoires : « La révolution perdit la vigueur de la jeunesse. Affaiblie par ses dissensions, la Montagne n’avait plus une majorité bien forte dans le sein de la convention et encore cette majorité était-elle fractionnée en un grand nombre d’opinions qui toutes avaient à pleurer des victimes (…). Le gouvernement révolutionnaire (…) n’était fort qu’à cause des haines qui séparaient sans retour les amis de Danton des anciens partenaires d’Hébert, et la Montagne des débris de la Gironde ». L’attaque de thermidor vient des rangs de la Montagne, « gauche » de l’assemblée.

    Le 11 messidor, une querelle survient au comité de salut public. Lorsque Levasseur (de Sarthe) témoigne en fructidor, en faveur des membres des comités contre Le Cointre, il déclare : « Je fus au comité de salut public, j’y fus témoin que ceux qu’on accuse aujourd’hui traitèrent Robespierre de dictateur. Robespierre se mit dans une fureur incroyable : les autres membres du comité le regardèrent avec mépris. Saint-Just sortit avec lui ». Robespierre porta la contre-attaque aux Jacobins, le 13 messidor (1° juillet). Les hostilités étaient donc ouvertes au comité de salut public, et Robespierre attisait le feu en cessant de paraître aux séances.

    Mais les rivalités internes aux groupes dirigeants ne cessent de croître. Les membres du comité de sûreté générale, qui cherchent à rogner les attributions de leurs collègues – et rivaux – du comité de salut public, trouvent de nouvelles raisons de s’oppose à Robespierre, en particulier lorsque celui-ci préside la fête de l’Etre suprême (8 juin 1794), cérémonie grandiose dans laquelle beaucoup de révolutionnaires voient le retour à une religion d’Etat. Le courant hostile se développe d’une manière diffuse dans la convention et les comités de gouvernement. Au cours de l’été 1794, des rumeurs prêtent des intentions monarchiques à Robespierre : elles insistent sur sa volonté de restaurer la religion et sur sa complicité avec une illuminée, Catherine Théot, qui se proclame « Mère de Dieu ». Son absence temporaire de la convention, en juillet – fatigue, écoeurement ? --, si elle renforce les craintes des députés, qui redoutent d’être victimes de la Terreur, permet les manœuvres politiciennes des opposants, qui s’entendent pour faire chuter « l’Incorruptible ». Le 8 thermidor an II (26 juillet), dans un grand discours programmatique, Robespierre, revenant à la convention, annonce de nouvelles mesures répressives contre des « conspirateurs », qu’il ne nomme pas. Le 8 thermidor, Robespierre déclare : « Depuis plus de six semaines, la nature et la force de la calomnie, l’impuissance de faire le bien et d’arrêté le mal, m’ont forcé à abandonner absolument mes fonctions de membre du comité de salut public ». Une difficulté pour comprendre la dernière séance de la convention, à laquelle participe Robespierre, est que le Procès-verbal officiel a été rédigé, non pas en l’an II, mais plus d’un an plus tard, en exécution d’une loi de brumaire an IV (octobre 1795). Dans le cadre du déroulement des faits, une coalition s’est formée contre Robespierre : Lors de la séance du 7 thermidor, Barère présente un rapport « tendant à éclairer les bons citoyens sur les circonstances actuelles, en présentant au peuple français un état comparatif de notre situation à l’époque du 31 mai 1793, et de notre situation le 7 thermidor ». Le 8 thermidor, Robespierre entame son long discours « testament » par : « Que d’autres vous tracent des tableaux flatteurs, je viens vous dire des vérités utiles (…). On vous parle beaucoup de vos victoires avec une légèreté académique. »La conclusion revêt un caractère suicidaire : « Il existe une conspiration conte la liberté publique », une « coalition qui intrigue au sein même de la convention », elle est dans le comité de sûreté générale, et « des membres du comité de salut public entrent dans ce complot ». « Quel est le remède à ce mal ? Punir les traîtres, renouveler les bureaux du comité de sûreté générale, épurer e comité lui-même, et le subordonner au comité de salut public, épurer le comité de salut public lui-même, constituer l’unité du gouvernement sous l’autorité suprême de la convention nationale qui est le centre et le juge ».

    La crise est engagée. Les accusés accusent le dénonciateur. Ainsi Cambon : « Il est temps de dire la vérité tout entière : un seul homme paralysait la volonté de la convention nationale ; cet homme est celui qui vient de faire le discours, c’est Robespierre ; ainsi jugez ». La séance du club des Jacobins, le 8 au soir, rompt les fils entre Robespierre et Couthon, d’une part, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois, d’autre part. Robespierre fait lecture de son discours prononcé à la convention dans l’après-midi : il est accueilli par les applaudissements des tribunes. Puis il déclare : « Frères et amis, c’est mon testament de mort que vous venez d’entendre (…) ? Héros du 31 mai, et toi surtout brave Hanriot, avez-vous oublié le chemin de la convention ? (…) Si vous m’abandonnez, vous verrez avec quel calme je sais boire la ciguë ».

    Le 9 thermidor an II (dimanche 27 juillet 1794), midi, Saint-Just commence le discours qui sera imprimé le 30 thermidor (17 août 1794). Il est interrompu par Tallien, puis par Billaud. Robespierre s’élance à la tribune, mais ce cri retentit : « A bas le tyran ! » Vers deux heures, Louis Loucheur, député montagnard de l’Aveyron, propose enfin l’arrestation. Le mouvement insurrectionnel de la commune de Paris échoue. Dans les jours suivants, on amalgame robespierrisme, terrorisme et Robespierre-roi.

    Le 9 thermidor, les députés mettent Robespierre en minorité, décrètent son arrestation et celle de ses amis. Arrêté, puis libéré, Robespierre est repris et exécuté avec ses partisans le 10 thermidor (28 juillet 1794).

    Le 9 thermidor (27 juillet 1794), Robespierre fut renversé, et ce jour inaugure une période de réaction qui débouche sur le premier Empire. Il convient d’observer le 9 thermidor dans la suite des diverses péripéties qui ont précédé ou suivi : Girondins, Brissotins, hébertistes, Dantonistes,… Après les robespierriste, les Babouvistes,… Le conventionnel Baudot écrit dans ses « Notes historiques » ; « Dans la lutte du 9 thermidor, il ne fut pas question de principes, mais de tuer. La mort de Robespierre était devenue une nécessité. En cas de succès de son côté, je suis persuadé qu’il aurait peu tardé à être mis à mort au milieu des conflits d’une guerre civile ». La mort de Robespierre est un tournant majeur de la séquence révolutionnaire. Le 9 thermidor ne signe ni la fin de la Montagne, ni celle du gouvernement révolutionnaire : un an encore, la révolution continue, avant de s’achever par une stabilisation qui renie en partie 1789, lorsque la convention, effrayée par la puissance des mots, gomme de sa déclaration des droits et des devoirs, toute référence aux « droits naturels et imprescriptibles de l’homme ».

     

    Parme les raisons de la chute de Robespierre, on trouve l’existence de clubs comme, par exemple le Cercle social, organisation fondée pendant les premières années de la révolution, de 1790 à l’an VIII, qui a compté près de 8000 membres. Un des principaux idéologues du Cercle social fut Claude Fouchet, qui demandait que la terre fut distribuée en parcelles égales, que la grande propriété fut limitée et que tous les bourgeois fussent mis au travail. Un des chefs du mouvement des enragés, Jacques Roux, alla beaucoup plus lin encore. Les milliers d’auditeurs de l’abbé Fouchet, orateur du club radical du Cercle social, apprenaient de lui que tout homme avait droit, pour vivre, à la propriété de la terre.

     

    Après le 9 thermidor s’effectue l’élaboration du discours officiel. Dès le 9 thermidor, Collot d’Herbois donne le ton : « Voyez, citoyens, les hordes fugitives de vos ennemis, voyez leurs armées consternées se répandre au lin ; leur dernière ressource était la guerre civile au sein de la convention, afin de nous forcer d’accepter un tyran. Mais tous les Français périront avant de transiger avec la tyrannie. Jamais, non, jamais le peuple français n’aura de tyran ». Collot dévoile ainsi un ultime « complot de l’étranger »dont la convention, une fois encore appuyée sur le peuple français, doit triompher. Il revient ensuite à Barère d’en parachever la version en deux Rapports. Le 10 thermidor, avant même l’exécution des 22 condamnés, Barère livre, au nom des comités de salut public et de sûreté générale un « rapport relatif aux détails de la conspiration de Robespierre et de ses complices ». Barère reproduit la fable du sceau à fleur de lys trouvé à la Maison-Commune, et celle de la visite au Temple. Il reprend l’accusation lancée contre Danton : le nouveau tyran voulait s’ériger en « dominateur de l’opinion publique », en idole. Va se répandre la fable de Robespierre-roi : Robespierre voulait régner, et pourquoi ne pas épouser « la fille Capet ». De ces textes qui véhiculent la fable dans les départements, on peut retenir :

    • La Relation de l’événement, par le conventionnel Roux (de la Marne) ;
    • Les Faits recueillis aux derniers instants de Robespierre et de sa fraction, où se retrouvent les quolibets lancés dans l’anti-salle du comité de salut public : « Sire, votre Majesté souffre ! », « Ne v’là-t-il pas un beau roi ? », etc.
    • Le parallèle Capet et Robespierre, rédigé par Merlin (de Thionville) ;
    • Sans compter les Vies secrètes qui se multiplient alors.

    Le prestige de Robespierre avait été tel que, pour le détruire, il fallait jeter sur sa mémoire beaucoup de boue.

    Après le 9 thermidor, un ministre prussien à Cologne, dira dans une dépêche à son souverain : « Je reçois à l’instant la nouvelle de la chute et de l’arrestation de Robespierre et de ses principaux partisans. […] La principale accusation portée contre lui est d’avoir entrepris des pourparlers secrets avec une des puissances belligérantes en vue de la conclusion de la paix ».

    La responsabilité de la liquidation d’Hébert et de Danton, les Carnot, les Barère, les Cambon, la portaient tout autant que Robespierre. Mais ils réussirent à exploiter contre lui seul les rancoeurs des survivants des deux factions. Autres ennemis de Robespierre : les représentants en mission, comme Tallien (dantoniste, vénal), Carrier, Javoques (hébertiste, coupable d’ « excès »), Fouché (hébertiste, puis modérantiste).

    Robespierre a engagé la bataille sur le seul plan parlementaire. Il tempéra l’ardeur de ses partisans, les détournant de l’action de rue. Robespierre est légaliste. Il croit à la fiction de la convention souveraine. Il a toujours enseigné le respect de la convention, seule expression de la souveraineté populaire. Etre mis hors la loi était la fin de tout pour ces hommes qui avaient toujours prêché la soumission à la loi et habitué leurs partisans à leur obéir. Si définitivement la loi les rejetait, si la sacro-sainte convention les reniait, ils n’étaient plus rien.

    Les facteurs objectifs de la chute de Robespierre sont : la bourgeoisie ne voulait plus de Robespierre, et les faubourgs n’étaient plus disposés à soutenir Robespierre. D’ailleurs, Robespierre lui-même ne voulait plus s’appuyer sur les faubourgs. Les sans-culottes ne marchent plus : Quoi ? Prendre les armes pour sauver l’homme qui avait désarmé la révolution l’hébertisme, domestiqué la Commune, dispersé les sociétés populaires des sections ? Se battre pour l’homme sous le règne duquel le maximum avait été « assoupli », la vie rendue plus chère, la hausse des salaires ouvriers contenus, les grèves brutalement réprimées ?

     

     

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