• La mission de la franc-maçonnerie en France au XXI° siècle.(Conclusion)

    Ce qui est essentiel, c’est la pratique de l’idéal maçonnique. Vous êtes ce que vous faites : ce qui prime, c’est la réalisation et l’expérimentation. Lorsque l’origine sociale du franc-maçon est l’appartenance à la classe dominante, à la classe privilégiée, la pratique de l’idéal maçonnique conduit à la trahison de sa classe d’origine. Comme pour la Résistance de 1940-1945, « Obéir, c’est trahir, désobéir, c’est servir ».

    Quelles sont les relations du franc-maçon avec les autorités dominantes du moment ? La soumission, le respect ou la lutte et l’opposition ?

    Quelles sont nos références aujourd’hui ? Pour la période de 1789-1794, ce sont les francs-maçons qui ont lutté pour la Révolution. Pour la période de la Commune de Paris de 1871, ce sont les francs-maçons qui ont lutté au côté des Communards contre les Versaillais. Pour la période de la Résistance de 1940-1945, ce sont les francs-maçons résistants qui ont lutté contre le nazisme et le régime de Vichy. Aujourd’hui, ce sont le francs-maçons qui luttent contre un système injuste, contre la barbarie, pour le socialisme.

    Nos références sont internationalistes, contre le nationalisme et les barrières : les francs-maçons sont pour le mélange, le métissage (« Une seule race, la race humaine »), et pour la partage : ami des riches et des pauvres, mais les francs-maçons sont sûrement les ennemis des très riches, des exploiteurs et des accapareurs.

    Quelles sont les relations du franc-maçon avec les religions ? De 1789 à aujourd’hui, les francs-maçons ont été les partisans de la laïcité et de la liberté absolue de conscience. C’est pourquoi ils combattent toutes formes de fanatisme, de fondamentalisme et de communautarisme. « Dieu » n’a pas de religion. Dans la mesutre ou il n’y a qu’une seule humanité, il ne peut y avoir qu’une seule religion. Il y a un seul « Dieu », sous des noms différents. Tout le reste est humain.

    Il faut choisir son camp : Révolutionnaires ou émigrés nobles en 1789 ? Communards ou Versaillais en 1871 ? Résistants ou collaborateurs en 1940-1945 ? Socialisme ou barbarie en 2014 et demain ?

     

    La mission de la franc-maçonnerie en France au XXI° siècle.(Conclusion)

     

    Introduction :

    La méthode.

     

    Il s’agit de répondre aux questions : « D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? », en tant que collectivité de francs-maçons.

    Il y a plusieurs façons d’appréhender la franc-maçonnerie. Nous en distinguerons au moins deux : mythos et logos.

    On peut étudier la franc-maçonnerie d’un point de vue légendaire, le mythe, ou mythos. C’est la façon de la concevoir que l’on trouve dans les « Constitutions » d’Anderson de 1723. On disposait alors de peu d’éléments historiques et on n’avait pas connaissance de faits relatifs à la franc-maçonnerie. Ceci explique le recours à la mythologie et à l’allégorie. Par exemple, l’affirmation que la franc-maçonnerie « existe » depuis l’origine du monde, élément qui est représenté par le fait d’ajouter quatre mille années au millésime de l’année (an 6014 pour 2014), a un aspect symbolique. De même, on évoque différents personnages « fondateurs » légendaires de la franc-maçonnerie : Adam, Noé, Salomon, Pythagore, etc.

    Mais aujourd’hui, on dispose d’une connaissance de faits historiques relatifs à la franc-maçonnerie :

    • De 1717 à aujourd’hui, il y a une histoire de la maçonnerie, soit près de trois siècles de faits connus et de documents écrits ;
    • De même, dès sa naissance, la franc-maçonnerie a suscité l’apparition de mouvements dirigés contre elle, avec également l’existence de publications diverses : Barruel, Léo Taxil, le régime de Vichy…
    • Enfin, depuis plusieurs dizaines d’années, la franc-maçonnerie fait l’objet d’une branche spécifique de l’histoire scientifique, la « maçonnologie ».

    En conséquence, la méthode retenue est le rationalisme (logos), l’histoire scientifique de la franc-maçonnerie, le recours à la raison pure et dure, en éliminant toute référence à la sentimentalité, à l’émotion, à l’allégorie.

    Quels éléments fiables peut-on retenir de l’histoire de trois siècles de la franc-maçonnerie ? L’objectif est de tenter de définir ce qu’est la franc-maçonnerie et d’en donner une définition. Egalement, il s’agit de s’interroger sur ce que l’histoire passée de la franc-maçonnerie nous apprend sur la mission de la franc-maçonnerie, aujourd’hui, au XXI° siècle, en France.

     

    Première partie :

    Définition de la franc-maçonnerie.

     

    L’idéal maçonnique est la fraternité universelle.

     

    1.1)        La franc-maçonnerie dans l’histoire :

    S’il ne s’agit pas d’exposer une conception de l’histoire, on peut néanmoins accepter les axiomes suivants :

    • L’histoire a un sens : elle a un développement nécessaire et déterminé.
    • L’évolution historique n’est pas une ligne droite, ni un cercle fermé, avec le retour du même, mais l’histoire peut être représentée par une spirale, avec des avancées et des retours en arrière.

    Ceci posé, la franc-maçonnerie, au sein de l’histoire française, peut être partagée en deux périodes bien distinctes :

    • Des « pages blanches », des périodes « pacifiées », ou de gestation : la vie maçonnique suit son cours, avec toutefois des crises et des périodes de « glaciation », mais toujours une certaine continuité ;
    • Et puis des périodes de rupture, des coups de tonnerre et des éclairs.

    Le symbole pourrait être le changement d’état de l’eau : l’eau chauffée reste liquide de 0 à 100 degrés. Puis à 100 degrés, il y a un saut qualitatif et l’eau liquide se transforme en vapeur d’eau. Inversement, si l’on baisse la température de l’eau, pour la faire passer en dessous de 0 degré, elle va geler et se transformer en glace solide.

    Il en est de même de la franc-maçonnerie :

    • Il y a des périodes de « calme » relatif, par exemples :
      • De sa « création » en 1717 à la Révolution française de 1789 ;
      • Lors du consulat et de premier Empire, ou lors du second Empire ;
      • Ou encore depuis la fin de la guerre de 1945 à aujourd’hui.
    • Puis, il y a des périodes de ruptures. Nous prendrons à titre d’exemples, trois périodes de ruptures :
      • La Révolution française, de 1789 à 1794 ;
      • La Commune de Paris de 1871 ;
      • La Résistance française de 1940 à 1945.

    La franc-maçonnerie est un phénomène urbain, élitiste, dont le mode de sélection des adhérents est l’argent et la culture. La franc-maçonnerie crée de la sociabilité, mais dans les classes aisées, ou les classes moyennes. Au XVIII° siècle, ces classes sont l’aristocratie et la haute bourgeoisie. Au XIX° siècle, ces classes sont la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et l’aristocratie ouvrière.

    L’Autre a toujours été exclu : les pauvres, les femmes, les hommes de couleur, les juifs, les handicapés, les personnes laides, difformes, homosexuelles, libertines, athées, saltimbanques, artistes et comédiens, musulmans,,…

    Il y a une contradiction entre ce qui est affirmé en tenue : l’égalité, l’universalisme, la « République universelle », etc. et complètement nié par la réalité : c’est un phénomène masculin, urbain, « république chrétienne », élitisme, blanc, culture bourgeoise,…L’argument donné pour n’accepter que les personnes ayant un certain niveau de richesse est qu’il faut pouvoir participer aux « œuvres de bienfaisance ».

    Le mur de l’argent est un obstacle suffisant pour écarter les catégories sociales modestes. Derrière des discours maçonniques généreux, le poids du réel demeure prégnant.

    Le Règlement (1779) de la loge toulousaine de Clermont précisait : « Nul ne pourra être reçu ni affilié qu’il n’ait 25 ans accomplis, qu’il ne soit noble ou officier de Cour souveraine. Quoi que la maçonnerie égale tous les états, il est cependant vrai que l’on doit plus attendre des hommes qui occupent tous un état distingué dans la société civile que l’on ne doit attendre du plébéien ».

    Les classes populaires, urbaines et rurales, sont donc absentes des loges, à l’exception des frères servants, dont la situation est précisée dans une Circulaire du Grand Orient de France : « Un domestique quel qu’il soit, ne sera admis qu’au titre de frère servant ». (Concierge, factotum, cuisinier, …). Le grade de maître (et parfois même de compagnon), leur était refusé ! Le recrutement des loges d’adoption était encore plus inégalitaire.

     

    1.2)        Les valeurs maçonniques :

    Depuis son « origine », la franc-maçonnerie a une certaine idée d’elle-même. Si on lui tend un miroir, quelles sont les valeurs dont la franc-maçonnerie se réclame ?

    Ces éléments se trouvent dans la « Constitution » du Grand Orient de France. La franc-maçonnerie se définit elle-même comme le « centre de l’union ». Elle vise donc à réunir toutes les personnes, sans condition de race de sexe, de genre, de classe, de religion, quelles que soient les différences (beau-laid, bonne santé-malade, riche-pauvre,…). Ce sont notamment les valeurs suivantes :

    • La fraternité universelle (Tous frères/sœurs) ;
    • La tolérance :
    • Les diverses libertés (de réunion, d’expression, etc.)
    • La laïcité.

    Pour résumer ce panel de valeurs, on peut utiliser le mot d’ordre : « Liberté, Egalité, Fraternité ».

    Il est à noter que cet « idéal » a lui-même une histoire, et il ne s’est pas imposé en une seule fois. Des obstacles ont empêché l’affirmation de cet idéal, dont diverses exclusion : exclusion des femmes, etc.

    A ce socle de valeurs communes se sont opposées d’autres valeurs contraires : le fanatisme, l’ignorance, l’intolérance, les privilèges, etc. On peut symboliser ces valeurs contraires à celles de la franc-maçonnerie, par le terme de « barbarie ». Cette barbarie s’est manifestée, selon les périodes, par les aspirations religieuses, fanatiques et dogmatiques, notamment de l’Eglise catholique et du communautarisme, ou les aspirations politiques, tels le fascisme et le nazisme.

    Il y a donc, d’une part, l’idéal maçonnique « Liberté, Egalité, Fraternité », et d’autre part, divers obstacles à cet idéal, à savoir tout ce qui divise et sépare les humains et les êtres vivants : privilèges, classes sociales, nations, races, sexes (patriarcat),...

     

    1.3)        La « machinerie » maçonnique :

    La franc-maçonnerie se vit à trois niveaux :

    • Au niveau individuel : transformer sa pierre brute en pierre cubique, transformer le plomb en or ;
    • Au niveau de la Loge : un maçon libre dans une Loge libre ;
    • Au niveau de l’obédience, qui est un Ordre et un regroupement administratif.

    Pour réaliser l’idéal maçonnique, il y a un ensemble de procédures et de moyens : l’initiation, les rituels, les tenues en loge, l’occupation des diverses fonctions et responsabilités en loge, les agapes, la chaîne d’union, les hauts grades, l’étude des symboles, etc.

    La franc-maçonnerie regroupe des personnes très différentes, d’où l’absence en Loge des discussions sur certains sujets qui divisent. Tout peut se dire en Loge, mais de façon fraternelle, d’où l’importance du secret et de la discrétion, afin de permettre l’expression de tous les points de vue.

    La franc-maçonnerie peut être appréhendée de deux points de vue : c’est à la fois une démarche individuelle et une démarche collective.

    La démarche individuelle est bien sûr personnelle. En quoi consiste-t-elle ? C’est une voie qui a un début et une fin : le début, c’est l’initiation et la fin, c’est l’Orient éternel. C’est, de manière imagée, escalader une montagne, partir du multiple pour parvenir à l’Un. L’objectif est d’atteindre le sommet de la montagne, où le point de vue est unique. Ceci suppose que la franc-maçonnerie est une voie initiatique et traditionnelle parmi d’autres. Il y a une multitude de voies qui mènent au même objectif : l’Un, le sommet de la montagne. Quel est le travail du franc-maçon ? C’est, en partant de la pierre brute, de transformer celle-ci en pierre cubique. A noter que cette pierre cubique existe depuis toujours au sein de la pierre brute, tout comme la statue est présente au cœur du bloc de marbre que va travailler le sculpteur. En franc-maçonnerie, le maçon est, à la fois, le sculpteur et la statue qu’il façonne ; il est son propre chef-d’œuvre, contrairement aux religions révélées et dogmatiques.  Il y a deux façons de travailler cette pierre brute. La première façon, c’est de travailler « en profondeur », d’aller au fond de soi. Il s’agit, sur le chemin de la vie, de perdre des choses, c’est le « ni-ni ». La seconde façon, c’est de travailler « en superficie ». Dans ce second cas, on enrobe la pierre brute, en la falsifiant, et en lui donnant l’apparence d’une pierre cubique. C’est créer un « super-ego » ? C’est donner de l’importance au paraître et non à l’être. Dans le premier cas, il s’agit du maçon « mûr ». Dans le second cas, il s’agit du maçon « non-mûr ». Quelle expérience a-t-on de la pierre cubique ? Tout être dispose de cette « pierre cubique ». D’autres traditions appellent cette pierre cubique le Soi, le « fond », l’ « écran blanc », … La pierre cubique est ce qui est éternel, immuable, infini. Le franc-maçon peut en faire l’expérience lors de l’initiation : alors est levé le voile pour la faire apparaître. La pierre cubique est ce qui fait que les hommes peuvent communier les uns avec les autres. Chacun doit en faire l’expérience individuellement. La seule chose que peut faire la franc-maçonnerie, c’est de donner les poteaux indicateurs, les outils, les symboles.

    Le franc-maçon « mûr » est le maître qui a parcouru le sentier, passant de l’arbre sec à l’arbre fleuri, en passant par les 33 étapes.

    Quelle est la relation entre l’initiation individuelle et l’universalité (l’humanité, la nature, le cosmos, l’univers) ? L’initiatio individuelle a justement pour objectif d’intégrer l’individu dans la totalité, de lui faire redécouvrir le sens de l’universel, en levant le voile d’Isis, en démasquant Mâyâ… Si le franc-maçon échioue sur ce point, il devient « non-mûr ».

    La franc-maçonnerie est aussi une démarche collective : qu’avons-nous à faire ensemble ? Quel est le but collectif ? Trois réponses sont possibles :

    • La Loge doit créer les conditions permettant de se réaliser soi-même, d’aller vers l’Un, la sagesse,…
    • Au niveau de l’obédience, il s’agit de créer, avec d’autres traditions, les conditions permettant l’émergence d’une société libre, égale, fraternelle, qui favorise la réalisation de tous.
    • Enfin, il s’agit d’aller vers la fraternité universelle (suppression des nations, des classes sociales, des guerres et des conflits…

     

    1.4)        Praxis et théorie :

    Chaque franc-maçon, individuellement, mais aussi chaque Loge et chaque obédience, doivent aussi appliquer à l’extérieur du Temple les vérités apprises. Chaque franc-maçon est aussi un citoyen. Cela signifie que la franc-maçonnerie refuse l’entre-soi et le sectarisme. La franc-maçonnerie a la volonté d’agir sur et dans la Cité, sur la réalité, que ce soit individuellement ou collectivement.

    La contradiction à surmonter est la suivante :

    • La franc-maçonnerie regroupe des personnalités très différentes, opposées même :
        • Du point de vue politique : gauche/droite,…
        • Du point de vue religieux : athée, catholique, musulman,…
        • Du point de vue économique : riche/pauvre,…

    De ce point de vue, la franc-maçonnerie est le « centre de l’union », qui regroupe des personnes qui, sans la franc-maçonnerie, ne se seraient jamais rencontrées.

    • Afin de pacifier les débats en Loge, et de permettre cette fraternité entre personnes (très) différentes, les discussions sur des thèmes qui divisent, comme la politique et la religion, sont interdites.
    • Mais chaque franc-maçon s’engage aussi à appliquer à l’extérieur du Temple les vérités acquises dans le Temple. Dans son ensemble, comme l’affirme la Constitution du Grand Orient de France, la franc-maçonnerie s’engage à améliorer l’état moral et matériel de l’humanité, et à combattre pour une humanité où existe la fraternité universelle. Ceci suppose une lutte intransigeante contre les obstacles qui s’opposent à cet idéal : fascisme, racisme, antisémitisme, nationalisme, sectarisme, individualisme,…

    Il y a d’une part, la théorie maçonnique (l’idéal), et d’autre part la pratique maçonnique. Le critère de vérité est la pratique, qui doit être en liaison cohérente et en résonance avec la théorie.

    A partir de ce critère, on peut distinguer le franc-maçon « mûr » et le franc-maçon « non-mûr ». Les maçons mûrs sont les maçons qui réalisent effectivement ce dont ils parlent. Les maçons non-mûrs ne font que parler, et restent sur le plan théorique, sans passer à l’action. Les maçons non-mûrs répètent en Loge les principes maçonniques, l’idéal maçonnique, mais refusent de mettre en œuvre cet idéal.

     

    Deuxième partie :

    Les obstacles à l’universalité maçonnique et à l’application de la fraternité universelle.

     

    2.1) Le levain maçonnique :

    La voie maçonnique est une voie progressive parmi d’autres voies. Un premier obstacle relève d’une mauvaise perception de ce qu’est réellement la franc-maçonnerie du point de vue organisationnel. En effet, la franc-maçonnerie n’a jamais représentée toute la société, mais elle représente une catégorie sociale, plutôt aisée économiquement et financièrement et participant à un haut niveau culturel. Ainsi, au XVIII° siècle, elle regroupait essentiellement l’aristocratie et la haute bourgeoisie, au XIX° siècle, elle regroupait la bourgeoisie et au XX° siècle, la petite-bourgeoisie, dite « classe moyenne ».

    Les francs-maçons ont donc représentés une partie de la classe dominante, partie progressive, qui a trahi l’intérêt de sa classe d’origine, pour se ^placer du côté des classes progressistes, aidant celles-ci à aller vers plus de démocratie, plus d’égalité, plus de libertés, et donc plus de fraternité.

    Pour faire partie de la franc-maçonnerie, à chaque période, il ne faut sous-estimer ni les contraintes financières (cotisations diverses,…), ni les contraintes culturelles.

    Ceci est un constat : la franc-maçonnerie regroupe une partie de la population, plutôt aisée, et progressive. Individuellement, la franc-maçonnerie est une voie initiatique, parmi une multitude d’autres voies. C’est un levain dans la pâte. Et il faut peu de levain pour faire lever une grande quantité de pâte.

     

    2.2) Le « complot maçonnique » :

    Le complotisme affirme qu’il existe une sorte de « centre » occulte qui manipule les foules et mène l’histoire. C’est une idée qui existe depuis l’origine de la franc-maçonnerie, au XVIII° siècle, et qui a prospéré, s’est nourrie et développée en « complot judéo maçonnique », notamment au sein de l’extrême droite.

    Paradoxalement, c’est aussi une théorie reprise par certains francs-maçons, selon lesquels les maçons seraient « à l’origine » de divers mouvements historiques : la Révolution française de 1789, la III° République, diverses lois,…

    Du point de vue de l’histoire, du logos, il n’y a pas eu de « complot maçonnique », mais les francs-maçons ont joué un/leur rôle dans l’histoire.

     

    2.3) Rôle historique lors des trois périodes envisagées :

     

    a)     Révolution française, 1789-1794 :

    Du début du XVIII° siècle à 1789, c’est une période de « cumul » des forces : les aristocrates et la haute bourgeoisie créent des loges et se réunissent autour de l’idéal maçonnique.

    Mais il y a d’autres organes que les loges maçonniques qui expriment les Lumières et préparent la fin du féodalisme : ce sont les académies, les divers clubs, les salons, l’ « Encyclopédie », etc.

    Les loges sont un lieu d’apprentissage du fonctionnement « démocratique » des assemblées.

    Au moment de la Révolution, on trouve des francs-maçons dans les deux camps, le camp révolutionnaire et le camp réactionnaire. Un se divise en deux : il y a implosion et certains maçons choisissent leurs intérêts de classe et le maintien de leurs privilèges. Certains maçons choisissent l’émigration ; d’autres sont décapites. Enfin, les plus progressistes sont révolutionnaires. Lors des diverses étapes de la Révolution, plus celle-ci est « démocratique », plus certains francs-maçons reculent et cherchent à préserver leurs intérêts de classe. A un moment donné, les loges disparaissent et c’est toute la société qui devient le Temple.

     

    b)    La Commune de Paris de 1871 :

    Au XIX° siècle, les loges sont des « lieux » républicains, opposés au second Empire. Il y a une période de gestation, les années 1860, suivie d’une période de rupture, la Commune de Paris. Au cours des années 1860, la franc-maçonnerie compte de nombreux blanquistes.

    Encore une fois, un se divise en deux. Si la Commune comprend une forte représentation de francs-maçons, ceux-ci sont également présents parmi les Versaillais, et les hommes politiques de la bourgeoisie classique. En particulier, la plupart des responsables de l’obédience du Grand Orient de France sont résolument du côté de Thiers.

    Plus tard, certains francs-maçons favorables à la Commune de Paris seront présents dans le camp du boulangisme et des dreyfusards.

     

    c)     La Résistance, 1940-1945 :

    Lors de cette période, on trouve également des francs-maçons présents dans le camp de la Résistance et d’autres favorables au régime de Vichy et à la Collaboration.

    Par exemple, une partie des députés francs-maçons va refuser les pleins pouvoirs à Pétain, une autre partie va voter pour accorder ces pleins pouvoirs à Pétain.

    Dès 1940, le général de Gaulle a montré, par ses actes, la seule position digne que l’on pouvait avoir alors : rebelle, c’est-à-dire lutter contre l’occupant nazi et les collaborateurs français. Le général de Gaulle représente alors la fraction indépendantiste et nationaliste de la bourgeoisie impérialiste française. Par contre la direction du Parti Communiste Français, avant-garde de la classe ouvrière, avait une position opportuniste, et n’a pas su élaborer une ligne idéologique et politique de guerre populaire jusqu’au socialisme. Le résultat de ce rapport de force sera la IV° République bourgeoise.

    Les deux principales obédiences comptaient, en 1939, 45 000 frères : 29 000 frères répartis en 451 loges (dont 98 à Paris) pour le Frand Orient de France, et 16 000 frères répartis en 224 loges (dont 88 à Paris) pour la Grande Loge de France. Les autiorités de Vichy ont établi 170 000 fiches de « suspects ». 18 000 franc-maçons virent leurs noms publiés au Journal Officiel ; la franc-maçonnerie déclarait quelque 500 morts en 1945 pour faits de résistance.

    On peut donc en conclure que la résistance de la franc-maçonnerie relève du mythe : celle-ci représentait un danger dans l’imaginaire de quelques fasciste fanatique, mais on ne peut pas dire que la franc-maçonnerie ait constitué une force d’opposition à la hauteur de ses effectifs.

     

    L’Histoire comprend donc une succession de trois étapes : l’ancien Temple, la destruction du Temple, la construction du nouveau Temple. Les francs-maçons qui n’adhèrent pas à cette évolution, qui par exemple, restent obstinément attachés à l’ancien Temple, comme les émigrés de 1789, les Versaillais de 1871 et les collaborateurs de 1940, deviennnent des « non-mûrs », c’est-à-dire des obstacles à la réalisation de l’idéal maçonnique.

    Il y a destruction de l’ancienne société, le féodalisme, par la révolution bourgeoise ; puis construction de la nouvelle société, le capitalisme. Enfin la destructioon de l’ancienne société, le capitalisme, par la révolution prolétarienne, et la construction de la nouvelle société, le socialmisme, suivi du communisme.

     

    Troisième partie :

    La mission de la franc-maçonnerie :

     

    3.1) Les enseignements du passé :

    Comme on peut le constater, dans l’avancée vers la fraternité universelle, la franc-maçonnerie ne résiste pas aux luttes de classes. Etant composé des classes privilégiées, immanquablement, en cas de rupture, après une période de gestation, la franc-maçonnerie se scinde en deux, une partie s’engage aux côtés des forces révolutionnaires, et une autre partie fait un retour vers les privilèges, et trahit l’idéal maçonnique.

    L’alternative est donc la suivante pour les francs-maçons : soit trahison des intérêts de sa classe, la classe dirigeante, et fidélité à l’idéal maçonnique, soit fidélité aux privilèges de sa classe d’origine et trahison de l’idéal maçonnique.

    Des trois exemples de rupture examinés, on peut déduire ce que peut être la démarche collective de la franc-maçonnerie aujourd’hui, en France.

    L’obédience, et chaque Loge, doivent lutter résolument pour tout ce qui contribue à développer la solidarité, et tout ce qui va vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité. L’obédience, et chaque Loge, doit lutter résolument contre tout ce qui divise le genre humain : les guerres injustes, les génocides, le racisme, … Individuellement, les francs-maçons non-mûrs ne sont pas à l’abri de ces maux : certains frères diffusent l’idéologie du Front national, les idées de Dieudonné, le révisionnisme et l’antisémitisme : ceci doit être combattu. Lors des périodes « pacifiées », il faut combattre contre ce qui concourt au retour de la barbarie, tout en maintenant l’union des francs-maçons très différents. En période de crise ouverte, de violence (révolution, guerre,…), il s’agit de prendre résolument parti, tant en ce qui concerne l’obédience, que chaque Loge, pour l’avenir, contre le passé, pour le nouveau, contre l’ancien. Ceci signifie, lors de la Révolution française, pour les révolutionnaires, contre les émigrés, lors de la Commune de Paris de 1871, pour les Communards, contre les Versaillais, lors de la résistance, pour les résistants, contre les collaborateurs et les fascistes. Alors, lorsque la franc-maçonnerie se scinde en deux, il convient d’être du bon côté, celui de l’idéal, de la fraternité, du progrès, et non du côté des privilégiés et des réactionnaires. La démarche individuelle rejoint la démarche collective : lorsque les conditions sont « normales », c’est-à-dire pacifiées, il n’y a aucune différence entre les maçons « de surface » et les maçons « de profondeur », les maçons « non-mûrs » et les maçons « mûrs ». Lorsqu’il y a crise, les maçons « de surface » répudient l’idéal maçonnique, font retour à leurs privilèges, et deviennent les ennemis des maçons « de profondeur ». Lorsque la société tout entière devient le Temple, alors les francs-maçons se divisent en deux, les maçons « de surface » deviennent les profanateurs du Temple, et les maçons « de profondeur » sont les garants de l’idéal maçonnique.

     

    3.2) Désormais, qu’il en soit ainsi :

    Tenant compte des éléments du passé, que peut-on prévoir de ce que fera la franc-maçonnerie dans l’avenir ?

    Les constats :

    ·        La formation sociale actuelle est en bout de course : c’est l’impérialisme français pourrissant. L’avenir, c’est soit le socialisme, soit la barbarie ;

    ·        La classe sociale d’avenir, chargée historiquement de diriger la société, sous la direction de son état-major, le parti communiste, est la classe ouvrière, unie au peuple ; l’objectif est une dictature du prolétariat, à savoir la démocratie réelle la plus totale pour le peuple, et la dictature pour les ennemis du socialisme ;

    ·        Pour défendre le système ancien, de plus en ^plus les classes conservatrices, la bourgeoisie la plus rétrograde, va se coaguler autour d’un nouveau fascisme, d’une extrême-droite réactionnaire ;

    ·        Les risques à la fois de guerre mondiale pour se répartir les néo-colonies vont grandissant ; parallèlement, se développent les facteurs subjectifs et objectifs de guerre civile ;

    ·        En raison de son caractère progressif, « Liberté, Egalité, Fraternité », la franc-maçonnerie, en tant que collectivité, au niveau de son idéal, sera perçue, de toute façon, comme un ennemi irréductible du nouveau fascisme, qui va à nouveau reprendre la vieille lune de « complot judéo-maçonnique » ;

    ·        En conséquence, l’intérêt de la franc-maçonnerie est de combattre pour le socialisme aux côtés de l’avant-garde communiste. Bien évidemment, comme par le passé, les francs-maçons vont se scinder en deux camps : d’un côté ceux qui choisissent la réalisation pratique de leur idéal, qui se traduit dans un socialisme réel. De l’autre côté, ceux qui renient leur idéal maçonnique, pour se tourner vers leurs intérêts de classe privilégiée, la bourgeoise rétrograde.

    Aujourd’hui, dans la société française, l’obstacle à une véritable fraternité, c’est l’existence de la bourgeoisie, et de ses intérêts de classe égoïste. Comme par le passé, ce serait irréaliste d’espérer que la classe bourgeoisie, dans son ensemble, va renoncer à ses privilèges de façon volontaire, sans y être obligée par une action violente.

    Si une lutte s’engage entre la barbarie et le socialisme, quel camp choisiront : l’obédience, les loges, les francs-maçons individuellement ?

    L’avenir, c’est la République sociale. Il ne peut y avoir fermeture aux problèmes sociaux : classes sociales, salariat, écologie,…

    Nécessité, non pas d’être élitiste, mais d’avant-garde, en anticipant sur la réalité de demain. Cela ne peut être qu’une minorité.

    Sans doute d’abord une minorité à chaque fois.

    L’étape politique et sociale est, en France, au début du XXI° siècle le choix entre deux types de société : le socialisme ou le fascisme. Il n’y a plus qu’une seule alternative : la révolution prolétarienne ou la révolution nationale.

    L’étude de la franc-maçonnerie, du point de vue du logos, comporte symboliquement trois étapes : l’ancien Temple, la destruction du Temple et la construction du nouveau Temple. En d’autres termes : l’ancienne société, le féodalisme. La destruction du féodalisme par la révomution bourgeoise. La construction de la nouvelle société, le capitalmisme. La destruction de l’ancienne société, par la révolution prolétarienne. La construction de la nouvelle société, le socialisme, suivi du comunisme.

     

    3.3) La loge :

    Qu’en est-il si on applique cette grille de lecture à une loge ?

    La participation aux Hauts grades, ou bien l’exercice d’une fonction dans la loge, comme vénérable maître, ne donnent aucune supériorité et n’apportent pas l’acquisition de nouveaux pouvoirs, occultes ou non, ni de nouveaux secrets. Affirmer le contraire est une mystification. En effet, le grade de maître donne la plénitude au franc-maçon, et il y a égalité parfaite entre tous les maîtres. Lors de l’initiation, ce n’est pas l’ego qui est exalté, mais le contraire : la mort de l’ego conduit à exalter le Soi. Le maçon doit ciseler sa pierre cubique, et non rester à la surface de la pierre brute. Le travail à faire, ce n‘est pas un gonflement de l’ego, mais un travail sur Soi. Pour supprimer les métaux (le pouvoir, le sexe, l’argent,…) et non les faire entrer dans le Temple. L’égalité maçonnique, c’est l’égalité acquise par le travail sur Soi, pour faire émerger l’être réel et véritable, la pierre cubique, en passant ou non par les Hauts grades et en exerçant ou non des fonctions au sein de la loge.

    La fraternité repose sur les deux piliers que sont la liberté et l’égalité. L’égalité s’acquière par l’initiation au grade de maître. L’égalité est un des fondamentaux de la franc-maçonnerie. Il n’y a aucun « privilège » supplémentaire, autre que ceux qui s’acquièrent par l’initiation. La liberté est obtenue par la Règle, que ce soit la Règle nationale ou la Règle que se donne la loge à elle-même (le règlement intérieur). La liberté est fondée sur la Règle. Pas de liberté sans loi, mais la loi peut être modifiée.

    La crise actuelle de la loge provient de la présence de trop de métaux dans le temple, à savoir des ego surdimensionnés, qui répandent des idées fausses :

    • Par exemple, une supposée supériorité des membres qui occupent (ou ont occupés par le passé)  une fonction dans la loge ;
    • Une supériorité des frères participant aux Hauts grades ; une telle croyance est source d’illusions.
    • La démocratie serait contraire à l’initiation… Dans ce cas, la désignation aux diverses fonctions s’effectue par une opération du saint-esprit ? Quelle mystification.

    Ce sont là des erreurs. Il y a égalité totale de tous les maîtres de la loge : tous ont vécu une initiation qui a conduit à la mort de l’ego. Tous cheminent sur la voie royale. Il n’y a aucune supériorité de ceux qui auraient occupés le trône de Salomon.

    Les diverses fonctions sont des responsabilités de service, transitoires, qui ne donnent accès à aucune supériorité. Il en est de même des divers Hauts grades. Etre au 33° grade n’est pas une garantie d’être/de rester un bon maçon. Etre 33° n’est pas la garantie d’avoir véritablement progressé sur la voie maçonnique.

    La démocratie est indispensable dans le fonctionnement des loges, surtout à une période où se développe l’idéologie fasciste. S’il la démocratie n’est pas mise en œuvre, alors sur quoi repose la désignation des frères aux divers postes ? La magouille ? Le favoritisme ?

    Si une Règle peut être modifiée et adaptée, par contre, il est indispensable que la loge dispose d’une Règle et l’applique, surtout en cas de défaillance de la fraternité. Il convient en particulier d’appliquer la règle que l’on se donne à soi même, le règlement intérieur. Si ce n’est pas le cas, on peut s’interroger sur la valeur du serment, mais aussi sur le caractère sérieux que l’on donne à toutes les autres valeurs, comme la laïcité. Sinon, c’est le règne du chaos et de l’arbitraire. La Règle représente les repères, comme les étoiles dans le ciel. Mais bien sûr, il est toujours possible de faire varier cette règle.

    Le fait de s’affranchir de la Règle, ou de l’appliquer de façon « aléatoire », conduit au désordre, au chaos et à l’absence de repères. La création d’un pseudo grade supplémentaire, celui de « trône de Salomon », rompt l’égalité entre les frères maîtres : sans liberté (« un maçon libre, dans une loge libre ») et sans égalité, il ne peut y avoir de fraternité : la loge devient une association profane.

    Ainsi, il y a la franc-maçonnerie mûre, qui travaille en profondeur, et la franc-maçonnerie non mûre, qui reste en surface. Les francs-maçons non mûrs clament comme des perroquets le leitmotiv « Liberté-Egalité-Fraternité », mais ne font aucun effort pour effectuer un début de mise en œuvre de ces valeurs dans leur vie quotidienne, de même que la République française aujourd’hui, fait inscrire sur les murs, notamment des mairies, cette formule, sans qu’il n’y ait le début d’exécution de celle-ci : au contraire, les inégalités augmentent et les libertés se réduisent. Or sans égalité et sans liberté, la fraternité est impossible !

     

    Conclusion :

    Ce qui est essentiel, c’est la pratique de l’idéal maçonnique. Vous êtes ce que vous faites : ce qui prime, c’est la réalisation et l’expérimentation. Lorsque l’origine sociale du franc-maçon est l’appartenance à la classe dominante, à la classe privilégiée, la pratique de l’idéal maçonnique conduit à la trahison de sa classe d’origine. Comme pour la Résistance de 1940-1945, « Obéir, c’est trahir, désobéir, c’est servir ».

    Quelles sont les relations du franc-maçon avec les autorités dominantes du moment ? La soumission, le respect ou la lutte et l’opposition ?

    Quelles sont nos références aujourd’hui ? Pour la période de 1789-1794, ce sont les francs-maçons qui ont lutté pour la Révolution. Pour la période de la Commune de Paris de 1871, ce sont les francs-maçons qui ont lutté au côté des Communards contre les Versaillais. Pour la période de la Résistance de 1940-1945, ce sont les francs-maçons résistants qui ont lutté contre le nazisme et le régime de Vichy. Aujourd’hui, ce sont le francs-maçons qui luttent contre un système injuste, contre la barbarie, pour le socialisme.

    Nos références sont internationalistes, contre le nationalisme et les barrières : les francs-maçons sont pour le mélange, le métissage (« Une seule race, la race humaine »), et pour la partage : ami des riches et des pauvres, mais les francs-maçons sont sûrement les ennemis des très riches, des exploiteurs et des accapareurs.

    Quelles sont les relations du franc-maçon avec les religions ? De 1789 à aujourd’hui, les francs-maçons ont été les partisans de la laïcité et de la liberté absolue de conscience. C’est pourquoi ils combattent toutes formes de fanatisme, de fondamentalisme et de communautarisme. « Dieu » n’a pas de religion. Dans la mesutre ou il n’y a qu’une seule humanité, il ne peut y avoir qu’une seule religion. Il y a un seul « Dieu », sous des noms différents. Tout le reste est humain.

    Il faut choisir son camp : Révolutionnaires ou émigrés nobles en 1789 ? Communards ou Versaillais en 1871 ? Résistants ou collaborateurs en 1940-1945 ? Socialisme ou barbarie en 2014 et demain ?

     

     

     

    « La mission de la franc-maçonnerie en France au XXI° siècle.(Quarante-deuxième partie). Première Partie : Compte-rendu de la séance plénière du conseil régional de Lorraine des 26 et 27 juin 2014. »
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