• La fonction de la franc-maçonnerie (1)

    Pour le franc-maçon initié, cette contradiction entre le blanc et le noir ; entre la lumière et la part sombre, et ce travail sur soi est symbolisé par le pavé mosaïque.

     

     

     

     

     

    LA FONCTION DE LA

     

    FRANC-MACONNERIE

     

    ET DU

     

    ROSICRUCIANISME

     

    EN FRANCE

     

    AUJOURD’HUI

     

     

     

     

     

    SEPTEMBRE 2013

     

     

     

     

     

    Préface :

    L’Apocalypse, c’est ici et maintenant.

     

    La roue de l’histoire :

    L’histoire se caractérise par une évolution, sous forme de spirale, avec, à chaque étape, un horizon indépassable. Ainsi se sont succédés l’esclavagisme, le féodalisme et le capitalisme.

    En 1789, l’horizon indépassable est la République bourgeoise.

    En 1871, avec la Commune de Paris, l’horizon indépassable est la République socialiste.

    L’histoire se déroule, avec des retours en arrière et de fortes résistances, vers plus de liberté, plus d’égalité et plus de fraternité.

    Le point clé est aujourd’hui celui de la classe sociale qui doit détenir le pouvoir et donc l’Etat, ainsi que le problème de la propriété des moyens de production. Deux camps sont en présence : Socialisme ou barbarie.

     

    Les deux républiques :

    Il faut différencier République et République : en effet, quel point commun entre la République de Cavaignac, Thiers, Blum, de Gaulle, Mitterrand et Mélenchon d’une part, et la République de Marat, des sans-culottes enragés, des révoltés de juin 1848, des Communards, des résistants communistes et des francs maçons authentiques , d’autre part?

    Rien, sinon une appellation commune, qu’il convient de préciser : la première république est bourgeoise, la seconde république est socialiste.

    Quand le ministre Manuel Valls déclare à hue et à dia, exercer une répression policière contre les jeunes des cités, il est du côté de la république bourgeoise, celle des nantis et de la minorité des privilégiés, rétrograde et réactionnaire, alors que les jeunes des cités sont du côté de la république sociale, celle de la majorité et de l’avenir.

    Lorsque certains francs-maçons, en fin de tenue, s’écrient : « Vive la République ! », il serait opportun qu’ils précisent à quelle république ils font référence. On raconte que Pierre Mauroy, lorsqu’il était premier ministre, rendait hommage, à la fois, aux communards, en se rendant aux murs de fédérés, au cimetière du Père Lachaise, ainsi qu’aux Versaillais, en se rendant à l’Eglise du Sacré Cœur, de Montmartre, œuvre versaillaise. Il s’agit là d’une contradiction antagonique, inconciliable. C’est en quelque sorte, sans doute pour des raisons bassement électorales, « ménager la chèvre et le choux ». Il s’agit de « ou, ou », et non de « et, et » : on ne peut être des deux côtés à la fois, car ces deux aspects s’excluent l’un l’autre. Rendre hommage à ces deux ennemis inconciliables, c’est en fait bafouer les morts de la Commune, et s’inféoder aux Versaillais, et donc au passé, et aux privilégiés du présent. Il y a bien deux « ordres » républicains, l’un représente le passé, et l’autre l’avenir. A chacun de faire son choix.

     

    L’Apocalypse :

    Aujourd’hui, on assiste au combat entre les fils/filles de la Lumière et les fils/filles de l’Obscurité :

    La classe ouvrière est le nouveau messie attendu. La bourgeoisie est donc l’Antéchrist, qui règne déjà depuis mille ans. Armageddon va donc se dérouler au cours des prochaines années, lutte ultime entre le Bien et le Mal, le Diable et Dieu.

    Ainsi, nous vivons la fin d’un cycle et un changement de civilisation, qui est la fin d’un monde, la fin du monde de la bourgeoisie. Le signe, c’est le code barre, c’est-à-dire la marchandisation de tous et de tout. Voilà donc la lutte des fils/filles de Lumière contre les fils/filles de l’Obscurité, qui doit se solder par le triomphe du socialisme ou de la barbarie. De cette lutte dépend la survie de l’humanité et de l’espèce humaine.

     

    Si on laisse la civilisation mondiale suivre son cours actuel, d’ici la fin du 21° siècle, on peut prophétiser la fin de la Terre, car les méthodes d’exploitation de la nature conduisent immanquablement à détruire les quatre éléments, la terre, l’eau, et l’air, en raison de considérations uniquement financières et de profit. C’est le cas notamment :

    ·   De la destruction des animaux, dans le cadre d’une alimentation désordonnée ;

    ·   De la pollution de l’eau et de l’air.

    La santé de l’homme est mise à mal.

     

    Face à cette situation, le constat, c’est l’échec de la bourgeoisie, qu’elle soit de droite ou de « gauche ». Elle ne peut plus gouverner, et elle est arrivée au bout de ses potentialités.

    Seule la classe ouvrière, constituée en classe dominante et dirigeante, et alliée à l’ensemble du peuple, pourra faire évoluer l’humanité. Encore est-il nécessaire de créer un véritable parti communiste, internationaliste et révolutionnaire. La classe ouvrière doit elle-même être éduquée et autonome. Si la classe ouvrière ne s’éveille pas pour prendre conscience e de sa mission historique, la Terre est perdue. Elle doit reprendre le flambeau là où l’ont laissé les Communards, s’engager dans la guerre populaire, détruire l’Etat ancien bourgeois dans le cadre d’une révolution continue et perpétuelle, et instaurer le véritable socialisme. C’est poursuivre l’œuvre inachevée : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Sans parti politique, la classe ouvrière n’existe pas. Sans armée révolutionnaire, le peuple n’a rien.

     

    Le point clé, depuis 1789, est celui de la propriété : propriété bourgeoise ou propriété socialiste, c’est-à-dire notamment collectivisation des moyens de production dans le cadre de la dictature du prolétariat ? Socialisme ou barbarie ? Le socialisme est la seule solution, l’horizon indépassable, permettant de donner consistance aux idéaux maçonniques : « Liberté, Egalité, Fraternité ». tout le reste est vain bavardage !

     

     

     

    Première partie :

    La démarche maçonnique au niveau individuel

     

    Un Frère du Trentième grade a déjà cheminé depuis, en moyenne, plus d’une vingtaine d’années sur le chemin initiatique. Arrivé près du sommet de la montagne, il peut se retourner afin de contempler le chemin parcouru, ne serait-ce que pour le motiver sur le chemin restant à parcourir. Ceci dans le cadre d’une vie profane qui suit également son cours.

    Ainsi, on peut scinder cette vie profane en trois époques, ou étapes :

    ·          L’Apprenti ou l’enfance et la jeunesse, qui est une étape de formation et d’apprentissage à tout point de vue. Disons qu’elle peut, aujourd’hui, se prolonger jusqu’à environ vingt-cinq ans. C’est une étape où il n’y a pas d’autonomie, et ou l’individu dépend de sa famille et de la société. ECOUTER et VOIR.

    ·          Le Compagnon ou la maturité : c’est l’étape où l’individu acquière l’autonomie à tout point de vue. A la fois il se rend utile à la société, en prenant des responsabilités, par son travail, et ses diverses activités sociales et politiques, et il fonde également une famille. Il élève ses enfants. Il s’attache à réaliser une œuvre : faire un enfant, écrire un livre, planter un arbre… GLORIFICATION DU TRAVAIL.

    ·          Le Maître ou la vieillesse : le passage à cette ultime étape se produit, en général, au moment de la retraite : au sens propre, c’est une période de retrait. L’individu se retire peu à peu de la vie sociale (ne serait-ce que pour des raisons de santé). Les enfants sont « éduqués » et autonomes. La tâche est accomplie. Peu à peu, l’individu prépare sa transition. LACHER PRISE.

    Il est important de prendre en considération à la fois la vie profane et la vie maçonnique : la vie maçonnique donne de la couleur et du sens à la vie profane. Cependant, en général, la vie maçonnique débute lors de la seconde période de la vie profane.

     

    Le passé maçonnique :

    Au moment de l’initiation maçonnique, l’engagement pris est de « tailler sa pierre brute », de « dégrossir la pierre brute ». Cela signifie que l’objectif fixé à tout maçon est de se perfectionner soi-même, d’acquérir petit à petit la maîtrise de soi, d’arriver à un résultat où l’individualité soit le plus utile possible à la collectivité, de trouver le joyau qui est au centre de notre être. Cela signifie donc, du point de vue initiatique, de « tuer le vieil homme » pour faire émerger l’homme nouveau : il s’agit de combattre le fanatisme, l’égoïsme et le mensonge et de faire émerger la tolérance, la fraternité et la vérité. L’initiation est donc une résurrection. C’est un travail à la fois individuel, mais aussi collectif, puisque, de manière constructive, les frères de la Loge contribuent à cet objectif. Au niveau de l’égrégore, il convient de tenir compte des métaux dans le Temple. A partir des outils que donnent la maçonnerie (rituels, progression des grades,…), à travers les épreuves de la vie profane, il s’agit d’aller vers cette pierre cubique qui s’insère dans le Temple idéal de l’humanité.

    L’objectif idéal, la pierre cubique, n’est pas immédiatement accessible. L’absolu n’est pas de ce monde. Si nous sommes encore présents en ce monde, c’est que l’objectif n’est pas pleinement atteint. Sinon, nous aurions changé d’appartement, ou d’étage, dans la mesure où l’on accepte l’idée qu’il y a d’autres appartements, ou d’autres étages, dans le monde. On peut dire que ce travail de façonnage consiste en pertes : il s’agit de s’épurer soi-même, en remplaçant peu à peu les défauts, les vices, par autant de qualités, de vertus. Chaque perte est une petite mort. C’est une purification, au sens chimique. Donc, le passé maçonnique est constitué de « restes », de débris, qui jonchent le sol du chantier : il s’agit de mues, et à chaque fois, comme le papillon, on abandonne la chrysalide, ou comme le serpent, on abandonne la vieille peau. Il s’agit d’alléger ses bagages, d’abandonner le superflu pour conserver l’essentiel.

    Une autre façon d’illustrer le cheminement maçonnique, c’est le fait d’escalader une montagne : Arrivé au sommet la vue d’ensemble est magnifique : on peut se croire arrivé. Mais souvent à l’arrière-plan, il y a une nouvelle étape, avec une vallée (ou nuit obscure ?), une autre montagne et un nouvel horizon. L’erreur serait justement de se croire arrivé. Dans ce cas, le passé maçonnique est constitué de souvenirs, d’expériences..., d’aspects positifs, mais aussi d’aspects négatifs, réussites et échecs,..., mos manques et nos faiblesses, mais également nos capacités et nos talents, en friche. Ce passé est un socle, un point de départ vers de nouvelles aventures.

    La maçonnerie est une voie –- voie occidentale, méditerranéenne, judéo-chrétienne. Il y a de nombreuses autres voies tout aussi respectables : l’alchimie, la kabbale, le rosicrucianisme, le tarot,… le soufisme, le taoïsme, etc. Cependant il est important de se consacrer pleinement à une voie précise, afin d’éviter de papillonner en passant continuellement d’une voie à l’autre, et donc, par la patience et la persévérance d’aller au fond des choses. Cependant, rien n’empêche de quitter de temps en temps le sentier choisi pour bifurquer par curiosité vers une autre voie, ne serait-ce que pour approfondir sa tolérance à l’égard des autres traditions. Les symboles maçonniques, sont des panneaux indicateurs ou balises  placés sur la voie. Le passage des divers grades constitue autant de moteurs d’appoints qui boostent l’impulsion initiale donnée par la première initiation.

    « Faire entrer dans l’oreille des autres de belles choses pour atteindre leur cœur ». Ceci est une bonne définition de la voie maçonnique. Et cela prouve la préexistence de la pierre cubique chez les commençants ! On pourrait donc dire que l’objectif de la maçonnerie est de faire voir et faire entendre, notamment à ses frères, en Loge, mais aussi à l’extérieure de l’Atelier, de belles choses, qui atteignent le cœur des écoutants et des regardants. C’est une éducation de l’ouïe et de l’écoute. En somme, il s’agit d’organiser une façon de voir et d’écouter les choses. Et comme la réalité varie sans cesse à l’infini, c’est un travail qui n’est jamais fini, toujours recommencé.

    L’une des conditions nécessaires pour parcourir dans de bonnes conditions cette voie est la nécessité de l’assiduité, mise en œuvre de la fraternité. Cela indique également l’importance de création d’habitudes, par la répétition : le rituel et l’assiduité conduisent à forger l’homme nouveau. La maçonnerie est également réflexion sur la mort, la vieillesse, la maladie et l’oubli. Apprendre à mourir, c’est apprendre à vivre pleinement. « Philosopher, c’est apprendre à mourir », et apprendre à mourir c’est aussi apprendre à vivre pleinement. A noter l’importance de la nuit et de la lumière : lorsque l’initié arrive au bout de son périple, dans les Temples antiques, égyptiens ou dans le Temple de Salomon, il entre dans le naos, ou saint des saints. C’est une pièce cubique, sans orifice, sauf l’entrée, cachée par un voile. L’initié est donc dans l’obscurité : c’est le cas du détenteur des grades administratifs. Mais il « voit », c’est-à-dire connaît, il a l’intuition: cela suppose donc que dans son périple, il a ingurgité suffisamment de lumières pour ne plus avoir besoin de la lumière « extérieure ».

     

    L’heure du bilan, ou retour sur le passé (et vers le futur ?).

    Comment juger les autres si l’on ne commence pas par porter un jugement objectif et lucide sur soi-même ? Sans mémoire, pas d’avenir. ; Si le passé est passé, c’est-à-dire mort, l’avenir est une possibilité. Cependant il faut à la fois accepter et préserver le passé. Le pire est l’oubli. En fin de compte, sans passé, pas d’avenir. Revoir son cheminement, c’est se tourner vers l’arrière. Et de toute façon, le passé fait partie des éléments à maîtriser par le Maître. C’est la figure de Janus : si le passé mort n’est pas maitrisé, celui-ci saisit le présent vivant. Les hindouistes utilisent l’image suivante : le passé est une épine enfoncée dans la peau, qu’il faut retirer avec une autre épine (l’avenir) ; une fois libéré, une fois débarrassé du passé, l’individu peut jeter les deux épines et vivre dans l’éternel présent (l’Orient éternel).

    Souvent la période comprise entre les fêtes de Noël et de Nouvel An  se prête bien à un bilan de l’année écoulée et à la prise de bonnes résolutions pour l’année à venir. C’est aussi le cas après une période de crise (maladie, divorce, licenciement,…). Sans compter que les Hauts Grades ou Grades Supérieurs permettent de répondre à des questions que les grades bleus ont laissé sans réponse : que deviennent les assassins d’Hiram, va-t-on les poursuivre, les juger, les châtier, que remplacent les mots substitués, etc. ? Et ils permettent donc de s’interroger sur les questions de l’Amour, de la Mort, du Bien, du Beau, du Vrai, du Juste, de la Liberté, etc. 

    Avant l’initiation, la pierre cubique est présente depuis le début jusqu’à la fin : elle est insérée dans la pierre brute, tout comme le diamant taillé est déjà présent dans le diamant brut, ou que la statue est présente dans le morceau de marbre qui va être taillé par le sculpteur. Dans la progression maçonnique, il est essentiel de faire périodiquement le point, afin de connaître ce qui a été déjà fait et ce qui reste à faire. En somme, il s’agit de se pencher vers le passé pour préparer l’avenir.

    La pierre cubique est là de toute éternité : mais elle a été recouverte par des miasmes dus aux mauvaises habitudes, à une mauvaise éducation, … Il s’agit donc de la redécouvrir, de la dévoiler. Présente, la pierre cubique est oubliée, et il faut se ressouvenir. Par ailleurs, il y a le facteur temps et le changement, qui apportent toujours du nouveau. On ne peut rester statique. Comme l’écrit Joannis CORNELOUP : « Persuadons les hommes que l’incertitude est notre loi ; que tout varie, que tout se transforme et que nous devons évoluer sans cesse pour nous trouver en harmonie avec notre temps et l’espace que nous occupons. ». Le maçon qui refuserait de se pencher sur son passé serait imbu de lui-même, ou aurait abandonné toute recherche. Il serait en quelque sorte « arrivé » ! Quelle prétention ! Ainsi que l’écrit Jean MOURGUES : « Il n’y a jamais de dernier mot. L’espace continue et la nécessité de s’adapter à chaque circonstance nouvelle, c’est la vie. La véritable initiation est un apprentissage incessant. Ce que l’on a cru comprendre, il faut le réapprendre, ce que l’on a éprouvé, il n’est pas toujours sûr de le tenir pour acquis. ».  Là aussi, il est important de fréquenter avec assiduité l’Atelier supérieur, car cela permet de bénéficier de la multiple expérience des frères (et demain, des sœurs) qui se penchent également sur leur passé maçonnique pour préparer l’avenir.

    La Parole perdue, le Verbe, c’est en réalité une vibration, celle qui fait vibrer l’être avec la totalité. Le plus proche de cette Parole, ce ne sont pas les mots, qui relèvent de l’intellect, mais le chant et la musique, qui relèvent du cœur. L’objectif à atteindre est donc de faire résonner harmonieusement l’être profond avec la dimension infinie et éternelle de l’univers (d.i.e.u., ou GADLU ?), de faire un et non plus deux : pour y parvenir, il s’agit à la fois de faire et de ne pas faire, de dire et de se taire, ce qui renvoie au « wu wei » chinois, au non agir et au lâcher prise taoïste. En somme le trésor à découvrir, la pierre cubique ou pierre philosophale, nous devons le rechercher dans la nuit (nuit obscure et nuit profonde, nuit du saint des saints) et dans le silence (musique des sphères). Ce secret de la vie, qui permet d’affronter victorieusement la mort, que chacun a en soi, caché derrière le voile d’Isis, mais que peu connaissent, ne peut être atteint si l’on ne reconsidère pas périodiquement le passé, aves ses réussites, ses avancées (en spirale, avec des retours en arrière), mais aussi ses échecs : se pencher sur ce passé, ce n’est donc pas une éventualité, mais une nécessité. L’initié est donc celui dont l’expérience du passé l’a conduit à tenter de s’identifier, non pas avec le sexe, l’argent ou le pouvoir (normalement, le maçon commençant devrait avoir fait « un sort » à ces métaux « fausses valeurs »lors de son testament philosophique, lorsqu’il s’est mis en route), mais avec ce trésor, peu importe son nom substitué par telle ou telle tradition (pierre cubique, pierre philosophale, Ciel, or philosophique, Soi, Je Suis,…).

     

    A tout moment, et périodiquement, chaque être humain devrait faire un état des lieux, et un diagnostic du chemin déjà parcouru, afin d’en dresser le bilan, de prendre des bonnes dispositions pour l’avenir, peut-être de nouvelles orientations. Cela est vrai pour le maçon qui est sur un chemin initiatique : comme l’Amoureux de la carte 6 du Tarot, le maçon est périodiquement à la croisée de deux chemins, vertu/vice, bien/mal,… et il doit choisir. Considérer le passé, c’est voir si le vœu de libération que j’ai exprimé lors de l’initiation a été atteint, et à quel niveau : ai-je dénoué les nœuds qui enserrent le Soi, c’est-à-dire ai-je « dégrossi ma pierre », en la débarrassant des soucis, problèmes, culpabilités, etc. afin d’ouvrir la libre circulation des énergies et libérer le moi profond de tous sentiments tordus, noués, enfermés…Vivre, c’est être ouvert et non fermé, par protection, peur, peur de dire oui et non. Le fait d’entamer une nouvelle étape de la vie, la vieillesse, vieillesse, suivie immanquablement de la mort, qui est sans doute la réelle, unique et ultime  initiation, , est l’occasion de se pencher sur le passé, afin de mieux préparer cet « avenir », et de choisir les valeurs, l’amour, l’or philosophique et l’autorité modeste qui accompagneront sur le chemin restant à parcourir .

     

    Il est banal de dire que l’ombre est absence de lumière. On peut dire aussi qu’il y a ombre parce qu’un obstacle s’interpose et empêche le passage de la lumière. La première prise de  conscience de la part sombre, c’est l’ombre que chaque personne emmène avec elle. On a beau courir, cette ombre nous suit partout. La seule façon de la supprimer, c’est la lumière : il faut que le soleil nous atteigne de telle manière, par exemple lorsqu’il est à l’aplomb, et que l’ombre demeure alors sous nos pieds.

    A noter que la part sombre s’oppose à la part claire. Sombre signifie : origine douteuse, qui reçoit peu de lumière, foncé, tirant sur le noir et le brun, inquiétant, morne, triste, obscur, ténébreux. Par opposition, clair signifie : brillent, qui reçoit beaucoup de lumière, qui laisse passer la lumière, qui est transparent, qui brille comme la lumière, qui est luisant, poli, net, qui n’est pas trouble, qui est pur, limpide, serein, qui est sans équivoque, manifeste, facile à comprendre. Cela oppose aussi le dehors (visible) et le dedans (invisible).

     

    Part lumineuse, part sombre.

    La « part sombre » sera comprise en deux sens tout à fait différents :

    ·              D’une part, il y a la « part sombre » qui est le contraire de la « part claire ». En ce sens, la « part sombre » est un aspect négatif, qui s’oppose à un aspect positif : Noir-Blanc, Mort-Vie, Mal-Bien, Laid-Beau, etc.

    ·              D’autre part, il y a la « part sombre » qui présente un caractère neutre. En ce sens, il n’y a pas de jugement de valeur, comme précédemment, mais un contenu objectif. Par exemple, l’inconnu, « part sombre » est ce qui s’oppose au connu, « part claire ». De même, la force vitale, l’énergie, quel que soit son nom (Dharma, chi, pulsions, orgone, passions, libido, etc.), est neutre. C’est l’orientation ou l’intention qui donne une forme bonne ou mauvaise. Ainsi s’oppose : Connu-Inconnu, Conscient-Inconscient, Mesure-Démesure, etc.

    Si l’on considère la pensée, la parole et l’action, du point de vue de l’observateur extérieur, la pensée fait partie de la part sombre, cachée, non exprimée, non tangible, alors que la parole et l’action font partie de la part claire, exprimée, objectivée, tangible. Par ailleurs, l’intention, bonne ou mauvaise, positive ou négative fait également partie de la part sombre.

    Le Chevalier Kadosch informe (au sens de donner une forme) de façon positive (lumineuse) ou négative (obscure), dans le sens du Bien, ou dans le sens du Mal, de l’énergie vitale neutre (« part sombre ») qu’il porte en lui ?

    La lumière et l’ombre sont présents tant dans la nature que dans la société. On les symbolise par le Blanc et le Noir.

    La part sombre que chaque homme a en lui est le moi secret et caché, ce que l’on appelle parfois le « jardin secret ».

    L’homme rencontre sa part sombre en période de mélancolie, de dépression, de nuit obscure,…dans le sommeil, l’oubli et la mort.

    Par rapport aux autres, la part claire est le « paraître », ce que chacun laisse entrevoir de soi, et la part sombre est le moi profond, le moi réel, l’ « être ». L’objectif de l’initié, du maçon, et a fortiori, encore plus du Chevalier Kadosch, est de faire coïncider le paraître et l’être, le dehors et le dedans, de faire l’unité des deux.

    Dans la société aussi, il y a des parts sombres qui coexistent avec les parts plus claires. Par exemple, pendant longtemps, dans le cadre de la démocratie parlementaire, les femmes étaient exclues. De même, si l’on prône l’égalité, celle-ci reste plus formelle (« égalité devant la loi ») que réelles (égalité économique).

    Sans le Mal, il n’y a pas non plus de Bien, et dès l’origine, l’un et l’autre se combattent indéfectiblement.

    Le principe mâle féconde le principe femelle et ordonne ainsi le Chaos en Cosmos.

    Pour vivre heureux, il faut vivre caché, disait Spinoza : il faut donc vivre dans l’ombre.

    Non seulement l’homme vit dans le Monde du Deux, mais lui-même est un être double. Il porte en lui une part lumineuse et une part sombre.

    Ceci est parfaitement représenté par la psychanalyse. Ainsi, selon Freud ou Jung, il y a notamment la partie consciente, que l’on peut identifier à la part lumineuse et la partie inconsciente, représentée par la part sombre.

    Chaque individu est double : corps et esprit, matière et esprit,… Plus précisément, d’un point de vue psychanalytique, l’individu est à la fois être conscient et être inconscient. L’inconscient est la part sombre. C’est une sorte d’iceberg, la partie la plus importante étant immergée et ignorée.

    On peut dire que le conscient, part lumineuse émerge de l’inconscient, part sombre. La lumière naît des ténèbres. Avec la conception freudienne s’est opérée une véritable révolution copernicienne : l’inconscient devient dominant.

    Pour le franc-maçon initié, cette contradiction entre le blanc et le noir ; entre la lumière et la part sombre, et ce travail sur soi est symbolisé par le pavé mosaïque.

    Le côté sombre, c’est le caractère brut de la pierre non taillée. C’est l’ensemble des aspérités, que l’on devrait, au cours de la vie maçonnique, avec l’aide des frères et sœurs, éliminer pour dégager la pierre cubique. La part sombre est aussi le chemin qu’il reste à parcourir sur le sentier initiatique.

    A l’image de chaque homme, de chaque maçon, le Chevalier Kadosch a en lui une part de lumière et une part sombre.

    Il y a le Chevalier, et il y a le cheval, (ou cavale, ou kabbale). Le cheval symbolise notamment l’aspect animal. C’est l’animalité en l’homme. Il convient de maîtriser cette monture, qui peut être objet de chute. La maîtrise s’effectue par la bouche, tant la bouche du cavalier (le verbe), mais aussi la main de ce dernier qui tient les rênes, et la bouche du cheval (par l’intermédiaire du mors et des rênes et du collier). Le cou est l’intermédiaire entre la tête et le corps et, symboliquement entre le ciel et la terre.

    En conséquence nous pouvons dire que la dualité, ombre et lumière, existe tant dans la nature, dans la société, que dans l’homme, le maçon et aussi le Chevalier Kadosch. Il nous reste à examiner ce que fait le Chevalier Kadosch de cette part sombre présente en lui.

     

    Le Chevalier Kadosch, passeur : de Lumière, à partir de la part sombre, socle et énergie : La part sombre est également l’énergie qui nous anime. C’est la force de la vie.

    Cette force est appelée libido par la psychanalyse, « dao » ou « chi » par la philosophie chinoise, « dharma » et « karma » par la philosophie hindoue, le destin par la philosophie grecque, les passions par Descartes, etc.

    C’est dire que cette force est unique, commune à l’homme bon et à l’homme mauvais, à l’ange et au saint (Kadosch signifie saint, séparé), ainsi qu’au diable et à l’être satanique. Cependant on peut donner deux orientations différentes à cette force : soit vers le haut, soit vers le bas ! La part sombre est donc le levier, le point d’appui, ce qui fournit l’envie d’abord, l’énergie ensuite. Il faut sublimer cette part sombre et transformer la part sombre en lumière.

    Cela signifie donc deux choses essentielles :

    ·              Il ne s’agit pas de détruire cette force, car ce serait mourir. Mais il s’agit de la dompter, de la maîtriser ; le chevalier Kadosch ne supprime pas la part d’ombre qu’il y a en lui, mais il apprivoise le cheval.

    ·              Il s’agit aussi de lui donner une orientation positive, lumineuse, vers le vrai, le bien et le juste.

    Arrivé au 30° grade, on peut estimer que le Chevalier Kadosch a ingurgité suffisamment de Lumière pour être un être positif.

    Dans le rituel de réception au 30° grade, la part sombre apparaît implicitement ou explicitement à plusieurs endroits :

    « Le blason du grade montre un aigle bicéphale, mi-partie blanc, et noir, tenant une épée dans ses serres. Cette opposition, en même temps que ce rapprochement des couleurs, symbolise la confrontation des contraires que l’initié a la charge de concilier. »

    La part sombre peut donc surgir à deux niveaux chez le Chevalier Kadosch :

    ·        D’abord dans le fait de côtoyer le Mal (par exemple, la volonté de puissance du roi, du pape et du général), de chercher à le comprendre, ne serait-ce que pour mieux le combattre, peut conduire à s’identifier avec celui-ci et à en être la victime ;

    ·        Ensuite, le Kadosch peut connaître des moments de fatigue, de relâchement, ainsi décrits dans le rituel : « S’il advenait que le combat vous parût inégal, que le Mal semblât  triompher et que le découragement vous saisît, alors, Chevalier de l’Aigle Blanc et Noir, souvenez-vous, ainsi que l’étendard l’indique symboliquement, que toujours le blanc prévaut sur le noir, comme la nuit doit faire place au jour. Si vous sentiez votre foi faiblir, si votre dignité risquait de s’abaisser, ressaisissez-vous en vous rappelant qu’en un jour solennel, CELUI-CI, vous avez promis de lutter avec l’arme de lumière et de justice, votre épée, que vous brandissez contre les forces de la nuit qui ne pourront rien contre elle. ».

    L’architecture d’un temple égyptien, ou du temple de Salomon illustre parfaitement la démarche maçonnique. Après les deux colonnes, une fois l’entrée franchie, on pénètre dans le Pronaos, ou chambre extérieure. Dans cette partie, éclairée par la lumière du Soleil, le peuple peut être présent. Puis, séparé par un voile, on pénètre dans le Naos, ou « Saint ». Seuls les prêtres initiés peuvent accéder à cette partie, éclairée par le chandelier à sept branches, et un éclairage à base d’huile d’olive. Enfin, séparé par un second voile, on trouve le « Saint des Saints ». C’est une pièce cubique obscure, entièrement plongée dans l’obscurité la plus totale. C’est là que se trouve la divinité (Shekina, arche d’alliance). Seul le Grand Prêtre peut entrer dans cette pièce, une fois par an. L’initié véritable « voit », parce qu’il a accumulé suffisamment de lumière en lui. Cette lumière accumulée, qui est en quelque sorte le vêtement nuptial d’or, n’est pas composé de connaissances, mais de l’ensemble des bonnes actions effectuées au cours de la vie.

    Le  sens de l’obscurité dans le Saint des Saint, est que l’on cherche vainement la Vérité dans les ténèbres qui nous environnent, alors que la clarté ne saurait être trouvée qu’en soi-même (« Connais-toi toi-même »).

    L’objectif est de faire Un de fusionner cavalier et cheval, masculin et féminin, intérieur et extérieur d’abord et de répandre cette lumière acquise à l’extérieur ensuite.

    Notre devise est : AVEC DES ARMES PURES, SANS PEUR ET SANS REPROCHE  «  FAIS CE QUE DOIS, ADVIENNE QUE POURRA » 

    La devise participe obligatoirement de l’utopie; elle contient dès lors une part importante d’idéal et implique un décalage entre action (fais) et réalité (advienne que pourra). La part d’ombre est le décalage qu’il peut y avoir entre l’action, l’intention du Kadosch et la réalité, entre « fais ce que dois » et « advienne que pourra ». Cet écart représente notre incomplétude, le sens de nos souffrances : le sentiment de notre insuffisance pour parvenir à l’idéal. C’est l’écart entre le fini et l’infini, le temps et l’éternité, le réel et l’absolu.

     

    Yin et yang : lumière ou aspect clair et aspect sombre sont intimement liés. On ne peut qu’assumer l’un et l’autre. Chacun de nous peut adopter l’une ou l’autre mentalité : soit la modestie, l’humilité, la patience et la persévérance, soit l’orgueil, la vanité, le fanatisme et l’égocentrisme.

    Ceci est illustré par l’historiette issue de la sagesse amérindienne suivante : Un vieil indien explique à son petit fils que chacun de nous a en lui deux loups qui se livrent bataille. Le premier loup représente la sérénité, l’amour et la gentillesse. Le second loup représente la peur, l’avidité et la haine. En quelque sorte, ils représentent le bon et le mauvais ange gardien ; les maçons diraient le bon et le mauvais compagnon. « Lequel des deux loups gagne ? » demande l’enfant. « Celui que l’on nourrit » répond le grand-père.

    C’est pourquoi le Chevalier Kadosch nourrit la part de lumière en lui et laisse mourir de faim la part d’ombre qu’il porte en lui. C’est une autre façon de dire qu’ « il élève des temples aux vertus et creuse des cachots pour les vices ».

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Deuxième partie :

    La démarche maçonnique au niveau collectif

     

    A.                   La Révolution française :

     

    La franc-maçonnerie se réclame d’idéaux révolutionnaires (« Liberté, Egalité, Fraternité », laïcité,…) ; aussi convient-il d’examiner le contexte de ces idéaux. Lorsque l’on parle de la révolution, de quoi parle-t-on ? Il y a eu plusieurs phases. Et les révolutionnaires eux-mêmes ont daté l’an I de la révolution, non de 1789, mais de 1792 !

    En 1789, il y a très peu de républicains, mais il y a beaucoup d’opposants à la monarchie absolue.

    Alors que pour certains, la Révolution aurait dérapée en 1791, il apparaît plutôt que l’an II reste un exemple de révolution égalitaire et fraternelle. Tant que la révolution n’est pas terminée, la violence est légitime.

     

    La grande révolution fut une révolution bourgeoise et, dans ses résultats, elle ne pouvait être que bourgeoise.

    Sous l’angle de ses résultats objectifs, la révolution française n’avait pu être, étant donné les conditions objectives matérielles de l’époque, que bourgeoise.

    Mais la révolution bourgeoise sous-tendait un second mouvement, populaire, qui voulait aller plus loin.

    Engels : « À côté de l’antagonisme de la féodalité et de la bourgeoisie, existait l’antagonisme universel des exploiteurs et des exploités, des riches paresseux et des pauvres laborieux. »

    Engels a énoncé la loi suivante : « Tout parti bourgeois, un moment placé à la tête du mouvement, se voit déborder dans ce mouvement même par le parti plébéien ou prolétarien qu’il a derrière lui. »

    Marx montra que le mouvement révolutionnaire en 1793 tenta (un moment) de dépasser les limites de la révolution bourgeoise ;

    Les bras nus mènent la révolution bourgeoise jusqu’à son terme.

    La peur qu’inspire à la bourgeoise l’avant-garde populaire la fait renoncer à porter des coups trop rapides et trop brutaux à la contre-révolution. Elle hésite à chaque instant entre la solidarité qui l’unit au peuple contre l’aristocratie et celle qui unit l’ensemble des possédants contre les non-possédants. Cette pusillanimité la rend incapable d’accomplir jusqu’au bout les tâches historiques de la révolution bourgeoise. « Aucun des démocrates de la gauche la plus populaire, ni Robespierre, ni Pétion, n’osèrent parler de l’expropriation sans indemnité. » (Lefebvre).

    La révolution française est jusqu’en 1871 un horizon français indépassable.

    La révolution française est une référence de la franc-maçonnerie, ne serait-ce que par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le mot d’ordre : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Si l’historien Michelet interrompt le courant révolutionnaire par la mort de Robespierre, la période qui suit étant un contre-courant réactionnaire, il est légitime de prendre en considération les périodes 1789 à 1799, et même au-delà, jusqu’en 1815, la période du consulat et de l’Empire étant une période de consolidation des acquis révolutionnaires.

    Cependant, concernant la franc-maçonnerie, étant donné la très grande diversité au sein de ces périodes, il est juste de s’interroger sur le contenu exact des références que sont la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la devise « Liberté, Egalité, Fraternité »/

    Il est à noter que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :

    ·   Appartient au début de la révolution, période qui n’a pas encore mis fin à la monarchie absolue, et qui correspond à la lutte pour la Liberté. Une seconde période de 1792 à 1794 correspond à la lutte pour l’Egalité et à un approfondissement des droits qui se manifestent dans la Déclaration des droits de 1793. L’an I de la Liberté est inauguré par le 14 juillet 1789, et l’an I de l’Egalité est ouvert par le 10 août 1792 ;

    ·   La déclaration de 1789 présente un aspect inachevé, puisqu’elle s’arrête sur l’article 17 relatif à la propriété ;

    ·   L’ensemble des déclarations des droits présentent un aspect bourgeois : ils sont à la fois formels, et accentuent la protection de la propriété bourgeoise ;

    1. Ces déclarations doivent être complétées par les acquis obtenus depuis la révolution, notamment par la Commune de Paris de 1781, le Front Populaire et la Résistance.

     

    LA FRANC-MACONNERIE ET 1789 :

     

    Mort du Roi :

    Neuf francs-maçons refusent la mise en accusation et toute condamnation : Defermon, FoKedey, Le Maréchal, Le Maignan, L’Official, de Mazède, Morisson, Doulain de Grandpré, Dayre.

    Trente-six députés francs-maçons votent la réclusion ou le bannissement. Parmi eux : Bobay, Bancal des Issarts, Barère de Vieuzac, Chaset, Collombel, Coupé de Kervenno, Duport, Gouly, Humbert, Mercier, Peries, Saurinve, Savary, de Pillery, etc.

    Dix-sept conventionnels francs-maçons, absents au moment du vote, approuvent par procuration la condamnation à  la mort : Belmain, Blairel, Cherner, Comte de Fourcroy, l’abbé Grégoire, Merlin de Thionville, Mirande, etc.

    Huit  autres conventionnels francs-maçons votent la mort avec sursis (sic) : Brissot, Duplantier, Fortuné, etc.

    Quatre-vingt  délégués francs-maçons ont voté la mort, dont certains nobles comme Philippe Egalité, le marquis de Jonquière, Le Peletier de Saint-Fargeau,…

     

    Composition des trois assemblées :

    Constituante :

    ·   Députés francs-maçons du Tiers : 115

    ·   Députés francs-maçons de la Noblesse : 80

    ·   Députés francs-maçons du Clergé : 19

    ·   Députés francs-maçons suppléants ayant siégé :

    o Tiers : 4

    o Noblesse : 5

    o Clergé : 2

     

    Législative :

    ·   Députés francs-maçons : 100

    ·   Députés francs-maçons suppléants ayant siégé : 8

     

    Convention :

    ·   Députés francs-maçons : 164

    ·   Députés francs-maçons suppléants ayant siégé : 8

     

    Composition des Etats généraux : plus de 500 francs-maçons y furent délégués sur 1600 membres, c’est-à-dire 30 %.

    Le nombre de députés et députés suppléants francs-maçons, respectivement à la Constituante, puis à la Législative et enfin à la Convention, est estimé à environ 210 à 220, soit 30 % de la composition de ces assemblées.

    En 1736, un édit royal interdisait les tenues de loges. En 1738, le pape Clément XII interdit la franc-maçonnerie. En France, la franc-maçonnerie était opposée à la fois à l’Eglise et à la monarchie.

    En 1789, on compte plus de 600 loges, dont 39 dans les colonies d’outre-Atlantique, et 69 dans les régiments.

    Il se fonda à Paris, par des maçons, une « Société des Amis des Noirs »prônant leur libération des chaînes de l’esclavage. Chevilles ouvrières : Brissot et Olympe de Gouges.

    En 1789, déjà 30 000 aristocrates émigrent, chiffre énorme pour l’époque.

    Il y avait tout un panel de francs-maçons, depuis la franc-maçonnerie de pacotille qui entoure Marie-Antoinette, jusqu’à la franc-maçonnerie la plus révolutionnaire.

     

    Loges maçonniques: De 1727 à 1789, la France se couvre de 1000 loges civiles et 300 loges militaires, regroupant quelques 50 000 initiés.

     

    Les idées philosophiques, par de nombreux supports, et de multiples intermédiaires, ont fini par toucher les milieux populaires. Se développe le droit de penser et de juger par soi-même. Les collèges, la gazette, la presse, les lieux de sociabilité (loges maçonnique, Académies,…) sont autant de moyens.

    Les initiés n’ont pas provoqués la révolution française. Ils se sont même divisés sur la marche à suivre. Pour autant leurs valeurs se retrouveront dans les idées nouvelles : tolérance, liberté, abolition des privilèges…

    Une légende impute aux francs-maçons une lourde responsabilité dans la révolution et la Terreur. Née dès 1792 sous la plume de l’abbé Lefranc (Le voile levé pour les curieux), popularisée en 1797 dans les milieux de la contre-révolution par l’abbé Barruel (Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme), poursuivi au XX° siècle par Augustin Cochin (La révolution et la libre-pensée) elle met en évidence le prétendu grand nombre de révolutionnaires maçons.

    En 1789, les frères sont moins de 50000. Les maçons ont des réactions très variables face aux épisodes de la révolution : le duc de Luxembourg émigre dès 1789, Chaumette devient l’un des enragés les plus en vue pendant la Terreur, Buonarroti, le frère d’armes de Babeuf, est maçon, tout comme Joseph de Maistre, l’une des grandes voix de l’histoire contre-révolutionnaire du début du XIX° siècle. Cela s’explique par une maçonnerie très disparate – socialement, philosophiquement, politiquement.

    Dans la Sociétés des amis des Noirs, œuvrent, à partir de 1788, nombre de frères autour de Condorcet et de Brissot.

    Pendant les premières années de la révolution, les loges ralentissent leurs activités. D’autres espaces de sociabilité se sont ouverts : clubs, assemblées électorales, qui reprennent des pratiques fraternelles. Ainsi concurrencée, la maçonnerie perd de son intérêt. A Paris même ne subsiste, en 1794, que trois loges.

     

    Du symbole à la réalité :

    Comment expliquer la quasi disparition des loges maçonniques au cours de la Révolution ?

    Si la maçonnerie a été une école pour répandre les Lumières, l’esprit de liberté » et d’égalité, la laïcité, par contre dès le départ de la révolution, la réalité l’emporte dur le symbole.

    Ainsi pour couper court à toutes les spéculations entretenues sur ses intentions, Philippe d’Orléans fit publier cette lettre importante dans le Journal de Paris du 22 février 1793 :

    « Dans un temps où personne, assurément, ne prévoyait notre Révolution, je m'étais attaché à la franc-maçonnerie qui offrait une image d'égalité, comme je m'étais attaché au parlement qui offrait une image de la liberté. J'ai, depuis, quitté ce fantôme pour la réalité. Au mois de décembre dernier, le secrétaire du Grand Orient s'étant adressé à la personne qui remplissait auprès de moi les fonctions de secrétaire du Grand Maître, pour me faire parvenir une demande relative aux travaux de cette société, je répondis à celui-ci, sous la date du 5 janvier : « Comme je ne connais pas la manière dont le Grand Orient est composé, et que, d'ailleurs, je pense qu'il ne doit y avoir aucun mystère ni aucune assemblée secrète dans une République, surtout au commencement de son établissement, je ne veux me mêler en rien du Grand-Orient ni des assemblées de francs-maçons ». Un « froid glacial » accueillit cette déclaration puis on procéda à la dégradation maçonnique du citoyen Égalité en le faisant démissionnaire, et on le dépouilla de son titre de Grand maître

    Les maçons étaient présents dans de nombreuses couches de la société :

    o  A la cour du Roi ;

    o  Dans l’aristocratie, et en cela, la franc-maçonnerie a participé au « suicide de la noblesse » ;

    o  Dans le Tiers Etat, et plus particulièrement dans la haute bourgeoisie et la bourgeoisie ;

    Ainsi, certains maçons ont émigré, d’autres ont été tués et guillotinés. A chaque phase d’approfondissement de la révolution, de nouveaux maçons ont soit émigrés, soit été tués, notamment en 1792 et lors de la Terreur. Ces maçons ne voulaient pas aller jusqu’au bout de la logique révolutionnaire. Au fur et à mesure de la progression de la révolution, certains défenseurs de celle-ci veulent freiner son train, et l’arrêter. Mais il est trop tard. Pour certains, sans roi, pas de propriété. La propriété doit être préservée. Pour d’autres (tel Billaud Varenne), la répartition des biens entre les citoyens doit s’effectuer de la manière la plus égalitaire possible.

    Le franc-maçon est, par définition, selon le rituel du 1° degré de l’époque, « également ami du riche et du pauvre, s’ils sont vertueux ».

    Robespierre n’était pas franc-maçon. Mais il avait toutes les caractéristiques d’un maçon sans tablier. Par contre son père et son grand père paternel l’étaient.

    Dans un discours, daté du 5 décembre 1790, concernant les gardes nationales, Robespierre fait la proposition de dix-sept articles du décret et il insiste particulièrement sur l’article 16 : « Les gardes nationales porteront sur leur poitrine ces mots gravés : LE PEUPLE FRANÇAIS, et au-dessous : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux qui porteront les trois couleurs de la nation. »

    Robespierre vient d’inventer la devise de la république, qui est aussi celle d’une partie de la franc-maçonnerie.

    Alors qu’une grève a éclaté à l’Arsenal de Toulon, en décembre 1790, Robespierre intervient en faveur des grévistes. L’intervention est vite connue et imprimée à Toulon et le club patriotique de Toulon adresse au « frère Robespierre » une lettre :

    « Robespierre, car votre nom vaut lui seul l’éloge le plus pompeux, La Société des Amis de la Constitution a reçu avec reconnaissance le nouveau discours que vous lui avez fait passer… Continuez, bon citoyen, à éclairer la Nation sur ses véritables droits. Bravez l’opinion de ces hommes vils et ignorants que l’aspect de la liberté effraye et dont l’âme pétrie de préjugés est insensible à la voix de la Raison et soyez sûr de l’estime de vos frères que vous aurez si bien méritée par votre dévouement à la chose publique. »

     

    LA LUTTE CONTRE L’OPPRESSION RELIGIEUSE (LE PAPE)

    LE CULTE DE L’ETRE SUPREME ET LA LAÏCITE :

    LE TRONE ET L’AUTEL, L’UN SUPPORTANT L’AUTRE.

     

    Le déisme de Robespierre n’est pas éloigné de la notion d’un dieu, Grand Architecte de l’Univers, selon Rousseau.

    Robespierre se méfie du clergé, toujours en rapport avec les contre-révolutionnaires, alors que la France est en guerre contre eux, et il demande avec insistance que les prêtres réfractaires au serment à la Constitution et à la vente des biens du clergé soient arrêtés.

    La création du calendrier républicain, les décadis, par Fabre d’Eglantine qui commence en vendémiaire, an II de la république, est faite dans une intention anticléricale pour que la vie des Français ne soit pas rythmée par les fêtes religieuses. La déchristianisation de la France est en marche, la fête de la déesse Raison a lieu à Notre-Dame. De nombreux prêtres se défroquent officiellement et font assaut de zèle révolutionnaire.

    Robespierre, en disciple de Rousseau, est déiste. Il voit d’un mauvais œil cette politique s’accentuer sous la pression des Hébertiste et décide de lui donner un coup d’arrêt. Il le fait lors d’un discours prononcé à la Convention, le 1° frimaire, an II (21 novembre 1793). : « « Gardons-nous de blesser cet instinct sacré et ce sentiment universel des peuples. L’idée d’un Grand Etre qui veille sur l’innocence opprimée et qui punit le crime triomphant est toute populaire. »

    Il prononce cette phrase : « Si Dieu n’existe pas, il faudrait l’inventer. »

    Robespierre élève au niveau de divinités et souhaite que l’on fête la Liberté, l’Egalité, la République, la Vérité, la Justice, la Pudeur, l’Enfance, la Jeunesse, l’Age viril, le Bonheur, etc.

    Sur la charrette qui l’emmène à la guillotine, Robespierre est insulté par des gens qui lui reprochent d’avoir institué la loi du maximum des salaires.

    La fête de l’Unité sur la place de la Concorde le 10 août 1793)

    C’est la fête de l’Unité et de l’indivisibilité, dont les cinq grandes étapes ont été soigneusement mises en scène par David. Elle inaugure les grandes cérémonies de la Convention montagnarde. Les épreuves de l’eau et du feu, qui scandent le parcours initiatique proposé, renvoient à des références maçonniques. 

    Robespierre a contribué à lutter contre le fanatisme religieux et contre le monopole de l’Eglise catholique, le haut clergé étant l’allié de la noblesse. Mais il n’a pas été conséquent dans cette lutte, n’allant pas jusqu’à l’athéisme, ni jusqu’à la laïcité et la séparation de l’église et de l’Etat. Il a préféré substituer au culte ancien le culte de l’Etre suprême.

    Du point de vue religieux, je donnerai à Robespierre une boule noire : s’il a effectivement combattu avec détermination l’Eglise catholique, alors hégémonique, et alliée du féodalisme, contribuant à donner la liberté de croyance aux autres cultes (juif, protestants,…), il n’a pas été jusqu’au bout de la logique. Il a persécuté les déchristianisateurs, et a cherché à imposer le culte de l’Etre suprême, s’inspirant de la profession de foi du vicaire savoyard de Jean Jacques Rousseau.

    Le catholicisme, et la religion en général, sont éminemment un reste féodal de très grande importance.

    Importance du calendrier républicain, ou calendrier révolutionnaire français, afin de supprimer toute référence religieuse. Ce calendrier fut utilisé de 1792 à 1806, ainsi que brièvement durant la Commune de Paris de 1871. Le calendrier fut réutilisé pendant 15 jours et uniquement dans le Journal Officiel de la Commune de Paris en 1871 (an 79 ou LXXIX)

     

    LE CULTE DE L’ETRE SUPREME :

    Robespierre : « Prêcher l’athéisme n’est qu’une manière d’absoudre la superstition et d’accuser la philosophie ; la guerre déclarée à la divinité n’est qu’une diversion en faveur de la royauté. »

    « L’idée d’un Grand Etre qui veille sur l’innocence opprimée et qui punit le crime  triomphant est toute populaire. »

    La déchristianisation, la laïcité. Joseph Fouché, déchristianisateur en chef.

    La révolution est impuissante à détruire les fondements religieux de l’autorité monarchique. Michelet voit dans le christianisme et la révolution deux principes incompatibles. Edgar Quinet, pour sa part, affirme que, religieuse en son essence, la révolution procédait de l’inspiration du christianisme primitif.

    Par la Terreur, les révolutionnaires « ont eu peur de la révolution ». (Edgar Quinet).

    Marx : « Tout le terrorisme français ne fut qu’une manière plébéienne d’en finir avec les ennemis de la bourgeoisie, l’absolutisme, le féodalisme et l’esprit étriqué petit-bourgeois. »

    Réinstaurer le culte de l’Etre Suprême. BABEUF.

    Problème de la déchristianisation. Identification entre l’Eglise et la féodalité (Moyen-âge)

    Le 6 mai 1794, l’Incorruptible monte à la tribune. Il a revêtu ses habits sacerdotaux, une redingote bleu ciel et des bas blancs.

    Dans le silence de mort qui accueille à présent chacune de ses apparitions, il se dresse et dévisage d’abord longuement, sans parler, la figure de plusieurs députés présents. Puis il commence avec une voix étrange, à la fois exaltée et monocorde…

    Il établit d’abord que les Français sont au comble du bonheur : « C’est dans la prospérité, dit-il, que les peuples doivent se recueillir pour écouter la voix de la sagesse… »

    Par degrés, il demande aux députés de reconnaître l’existence d’un «  Etre suprême et l’immortalité comme puissance dirigeante de l’Univers. » Puis à la stupeur des uns, à l’enthousiasme des autres,… il veut donner à sa vibrante profession de foi la forme d’un … décret d’application immédiate !...

    Le décret fabuleux qui institue en France une nouvelle religion et propose une fête dans le style des célébrations antiques est voté d’enthousiasme et sans discussion.

    La fête de l’Etre suprême aurait empêché que le catholicisme français ne bascule entièrement du seul côté de la contre-révolution.

    La fête du 8 juin 1794 : autels de l’Etre Suprême ;

    Pour ramener dieu sur terre, Robespierre s’adjoint le plus doué des metteurs en scène, le peintre David. Il règle lui-même la musique des cérémonies et surveille de près l’élaboration des textes confiés à Marie-Joseph de Chénier, frère du grand poète, qui avait lui, encore deux mois à vivre.

    Des statues cyclopéennes se dressent au-dessus des jardins à la française, devenus Jardin national. Elles symbolisent l’Athéisme, l’Ambition, la Discorde et voleront en éclats le jour de la cérémonie…

    C’est le 20 prairial, an II, qu’elle aura lieu et, Robespierre a choisi le dimanche où, selon les anciens rites catholiques, devait se fêter la pentecôte.

    Au Champ-de-Mars s’édifie la Sainte-Montagne.

    Quand l’Incorruptible paraît ; les orchestres entament leurs symphonies sur fond de roulements de tambour. Lorsqu’il parvient à la plus haute place du théâtre, éclate une salve d’artillerie.

    Robespierre : « Il est enfin arrivé, le jour à jamais fortuné que le peuple consacre à l’Etre Suprême ».

    500 000 parisiens l’ovationnent.

    Une femme hurle : « Tu es un dieu, Robespierre ! »

    Eclate la Symphonie au père de l’univers.

    La foule festoie et chante.

    Certains députés maugréent : « Ce n’est pas assez d’être le maître…Ce bougre-là voudrait donc être un dieu ! »

    Ce 8 juin 1794, fête de l’Etre Suprême, il reste à Robespierre cinquante jours à vivre.

    Le sens et le but de cette fête étaient de remplacer le culte païen, desséché et matérialiste de la Raison, par une religion restaurant une transcendance, un dieu,…

    Disciple de Rousseau, qu’il qualifie d’ « homme divin », Robespierre est persuadé que l’homme est un « animal religieux ».

    John Locke, dans la Lettre sur la tolérance : « Ceux qui nient l’existence d’un Dieu, ne doivent pas être tolérés, parce que les promesses, les contrats, les serments et la bonne foi, qui sont les principaux liens de la société civile, ne sauraient engager un athée à tenir sa parole. »

    Stefan Zweig : « On ne pardonne pas à un homme qui vous a fait tant peur. »

    Le 10 thermidor, il est guillotiné avec son frère, Saint-Just, Couthon, et 17 de ses amis, soit 21 personnes au total.

    Ce qui cause sa perte à l’origine c’est la certitude des députés (Fouché, Barras,…) qu’il veut instaurer une religion nouvelle dont il sera le grand prêtre. Ce n’est pas bien sûr, le dieu de la religion chrétienne qu’il voulait instaurer. Il voulait certainement en finir radicalement avec les institutions chrétiennes et abolir 2000 ans de christianisme « perverti » pour revenir à l’esprit et à la liturgie de la République romaine, à la religion de l’Antiquité.

    Au début de 1793, l’aile la plus importante et la plus riche de la bourgeoisie (la Gironde), lâche pied par peur et par haine des sans-culottes. La Montagne, fraction la plus audacieuse de la bourgeoisie, va hésiter à son tour à pousser la lutte jusqu’au bout. La Montagne va donner un brusque coup de frein à la déchristianisation, parce que terrifiée par le torrent révolutionnaire. C’est précisément parce que la bourgeoisie fut sans cesse poussée en avant, harcelée par une avant-garde prolétarienne (enragés, hébertistes,..) que des coups décisifs purent être portés à la contre-révolution.

    Marx : « La bourgeoisie, avec ses conceptions timorées et trop conciliants, n’eût pas eu assez de plusieurs dizaines d’années pour achever cette besogne. » Si elle l’accompagne en moins de 5 ans, ce fut grâce à « l’intervention sanglante du prolétariat ».

    Engels : « Sans l’élément plébéien des villes, la bourgeoisie seule n’aurait jamais mené la bataille jusqu’à la décision. »

    Nous verrons la Montagne donner un brusque coup de frein à la déchristianisation parce que, terrifiée par le torrent révolutionnaire, elle préféra, avec Robespierre, ne pas se priver complètement de l’appui que pouvait lui apporter l’Eglise et la religion, gardienne traditionnelle de l’ordre.

    Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité – Séance du 1° frimaire an II (21 novembre 1793) – 2° intervention : Pour la liberté des cultes.

    La déchristianisation s’était d’abord affirmée dans les départements, sous l’impulsion de certains représentants en mission, ainsi Fouché dans la Nièvre et l’Allier. Elle fut ensuite imposée du dehors à la Convention. Le 16 brumaire an II (6 novembre 1793), l’Assemblée décréta qu’une commune avait le droit de renoncer au culte catholique. La déchristianisation, dès lors, se précipita. Le 16 brumaire, aux Jacobins, Léonard Bourdon prononça un violent discours contre les prêtres, puis le Comité central des sociétés populaires, où s »’agitaient des extrémistes comme Desfieux, Pereira, Proli, donna lecture d’un projet de pétition pour la suppression du budget des cultes. Le 17 brumaire (7 novembre), sous la pression des promoteurs de cette pétition, soutenus par les représentants Anacharsis Cloots et Léonard Bourdon, Gobel, évêque de Paris, paraissait à la barre de la Convention, avec ses vicaires, et se démettait solennellement.

    Le 20 brumaire (10 novembre) eut lieu, sur l’initiative de Chaumette et de la Commune, une fête de la Liberté dans la ci-devant église métropolitaine Notre-Dame. La Convention, qui avait assisté en corps à cette fête, décréta, à la requête de Chaumette, que Notre-Dame serait consacrée à la Raison. En quelques jours, la vague de déchristianisation  emporta les sections parisiennes. Le 3 frimaire (23 novembre), la Commune sanctionna un état de fait en décidant la fermeture des églises.

    Le péril de l’athéisme militant fut dénoncé, dès le 17 brumaire, par Laveaux, dans l’officieux Journal de la Montagne. Son article suscita le lendemain, aux Jacobins, une première escarmouche entre partisans et adversaires de la déchristianisation. Hébert reprocha à Laveaux « d’avoir ouvert sur Dieu, un être inconnu, abstrait, des disputes qui ne convenaient qu’à un capucin en théologie ». Robespierre cependant, prenant l’offensive, aux Jacobins, rompit le courant et mit fin aux hésitations de la Convention. Le 19 brumaire, il fit l’apologie de la politique gouvernementale, attaqua les sociétés sectionnaires qui constituaient un des éléments les plus actifs de la déchristianisation, et dévoila les ambitions secrètes de Hébert et des siens : « Ils veulent nos places…Eh bien ! Qu’ils les prennent. » Le 27 brumaire, dans son rapport sur la situation extérieure de la république, il signale le danger de la déchristianisation : elle risque d’aliéner les neutres.

    Le 1° frimaire, Robespierre revient à la charge, aux Jacobins, et se prononce avec force pour la liberté des cultes. Tout en dénonçant ceux qui « veulent faire une sorte de religion de l’athéisme lui-même », il prend soin, pour ne pas accentuer les divisions naissantes dans le parti de la Montagne, de ménager Hébert. Il réserve ses coups aux « agents de l’étranger », Desfieux, Dubuisson, Pereira, Proli, « ces hommes immoraux », qu’il fit exclure de la Société. Robespierre reconnaissait cependant la nécessité de surveiller le clergé, de dépouiller les églises pour alimenter le Trésor, mais il stigmatisait les violences. Toutes les propositions de Robespierre furent adoptées par la Société.

    La Mère de Dieu :

    Catherine Théot, née le 5 mars 1716 à Barenton, décédée le 1° septembre 1794 à la Petite Force à Paris, est une mystique et une visionnaire française, prophétesse autoproclamée de la fin de l’ancien régime et de l’époque de la révolution française.

    En juin 1794, quelques semaines avant sa chute, les ennemis de Robespierre au Comité de sûreté générale, sans doute avec la complicité de certains membres du Comité de salut public, montent grâce à elle « une affaire »destinée à le ridiculiser ainsi que le culte de l’Etre suprême auquel il est associé.

    En 1793, les « enragés », rassemblés autour de Hébert, ont résolu d’en finir avec l’Eglise. Leur porte-parole, Chaumette, un philanthrope, inventeur d’une guillotine à roulettes, qui facilite grandement la besogne des trancheurs, est saisi d’une véritable frénésie anticatholique.

    Dans les cimetières, il fait remplacer les croix par des statues du Sommeil, puisque l’âme ne peut être immortelle, et aux évêques « jureurs », il demande de jeter la mitre, la crosse et l’anneau, et de proclamer : « Tous les titres du charlatanisme sont déposés à la tribune du peuple, nous sommes régénérés ! ».

    Robespierre ne veut pas extirper du cœur des Français le sentiment religieux. Mais il veut qu’ils embrasent une religion nouvelle. Qu’ils remplacent l’adoration de Dieu de l’Eglise par le culte de l’Etre suprême, fondé sur la raison et la fraternité. Le 18 floréal an II, ou 7 mai 1794, il fait voter par la Convention, où nul désormais n’ose le contredire, l’acte de naissance d’une religion dont il sera le grand pontife. Pendant … un peu plus d’un mois ! C’est déjà beaucoup trop pour les partisans de l’athéisme absolu. Certes Hébert vient d’être coupé en deux, mais ses amis, aux Jacobins et même à la Convention, cherchent et s’agitent. Pendant que Robespierre établit avec David, le peintre, et Chénier, le poète, les rites et les cantiques de la nouvelle religion, ils cherchent comment jeter au bas de ses autels cet Etre là, et son pontife.

    Ennemis de Robespierre, Vadier, député montagnard qui exècre tout autant Robespierre que sa divinité, et Barère, surnommé « l’Anacréon de la guillotine », montent de toute pièce l’affaire Catherine Théot, servante, illettrée, catéchèse, la Mère e Dieu.

    La Mère enseigne que l’Incorruptible est le nouveau Messie, l’incarnation de l’Etre suprême, envoyé sur la terre pour faire de la France le Paradis.

    Fête de l’Etre suprême. A la Convention, huit jours après, Barère fait éclater sa bombe : Robespierre était le disciple d’une vieille folle mystique ! C’est Catherine Théot, la Mère de Dieu, qui a inventé l’Etre suprême et qui a persuadé l’Incorruptible qu’il était le nouveau Messie !

    La police trouve chez Catherine Théot une recette pour fabriquer une épée magique qui rend invisible, mais surtout de nombreux brouillons de lettres, toutes adressées à son « cher fils » Robespierre et dans lesquelles elle le gratifie du nom de « Guide des milices célestes » et d’ « ange du Seigneur ».

    Rapport fait par Vadier le 27 prairial (15 juin 1794) : alors que Robespierre présidait la convention, Vadier prétendit dévoiler la conspiration de Catherine Théot – spirituellement rebaptisée Théos --, une vieille illuminée. Parmi ses adeptes se trouvaient l’ancien constituant Dom Gerle, à qui Robespierre avait fait délivrer un certificat de civisme, et un médecin mesmérien Quesvremont Lamotte.

    Deux manœuvres semblent avoir été dirigées pour ridiculiser Robespierre :

    o  Le 15 juin 1794, Marc Vadier (1736-1828), membre du Comité de sûreté générale, lit un rapport prouvant que la fête de l’Etre Suprême a été organisée en liaison avec un groupe d’illuminés se réunissant rue de la Contrescarpe, comprenant le chartreux dom Gerle (1736-1801), les prophétesses Suzanne Labrousse (1747-1821) et Catherine Théot (1716, 1° septembre 1794). Ce groupe saluait Robespierre comme le Messie.

    o  On exécute, revêtus de chemises rouges (tenue des condamnés pour parricide), une simple d’esprit, Cécile Renault (20 ans), accusée d’avoir voulu poignarder Robespierre le 23 mai, et 52 autres accusés considérés comme ses « complices ». L’opinion publique est choquée de la mégalomanie du « tyran » (qui n’a rien fait pour interdire la mascarade).

    Lors de la fête du 20 prairial an II apparaissent les premières manifestations antirobespierristes, troublant l’étonnant cérémonial davidien : « Parmi ceux qui dirent beaucoup d’injures à Robespierre pendant la procession, confie Baudot, je distingue particulièrement Thirion, Ruamps, Montaut, Duhem, Le Cointre de Versailles. » Tous étaient de la Montagne et trois d’entre eux passaient pour proches de Danton, dont Le Cointre qui aurait alors déclaré : « Robespierre, j’aime ta fête, mais toi, je te déteste ! ».

    Robespierre ne suit pas Rousseau dans sa rigueur lorsqu’il autorise le bannissement de l’incroyant « non comme impie, mais comme insociable ». Ainsi, lorsque le 26 floréal (15 mai) 1794, le jeune Julien (de Paris), agent du comité de salut public et commissaire à l’Instruction publique, propose aux Jacobins une adresse de félicitations à la convention où figure la proposition de bannir les athées de la république, Robespierre demande le retrait de ce paragraphe, sur le motif que « ce serait inspirer trop de frayeur à une grande multitude d’imbéciles ou d’hommes corrompus. ». Et de conclure : « Je crois qu’il faut laisser cette vérité dans les écrits de Rousseau, et ne pas la mettre en pratique. »  A la même séance, d’ailleurs, il prend la défense du Montagnard Lequinio ; accusé s’athéisme pour ses écrits Les préjugés détruits et Du bonheur : « Lorsque nous avons développé les principes immortels qui servent de base à la morale, di Robespierre, nous en avons parlé en hommes publics et sous le rapport de l’intérêt sacré de la liberté (…). Que nous importe ce que tel a dit, ce qu’il a écrit ? Ce qui nous intéresse est de savoir si tel est un conspirateur. »

    On a souvent opposé Danton à Voltaire et Rousseau pour écrire que, pour Voltaire, il fallait un trône sans l’autel, pour Rousseau, un autel sans trône, tandis que pour Danton, il ne devait y avoir ni autel, ni trône.

    Robespierre dans son Rapport dénonçait bien sûr l’Eglise et ses « prêtres ambitieux » qui avaient voulu légitimer les monarchies (le despotisme) et s’étaient érigés en autorités intermédiaires (tyranniques) entre l’homme et la Divinité : rien de très original, ici, en cette fin du XVIII° siècle.

     

    MATERIALISME ET IDEALISME :

    De cette conception de L’Etre suprême de Robespierre, résulte la double conception suivante, qui vise à maintenir la religion, tout en permettant la possibilité de la science :

    o  Du point de vue de sa pratique, le savant est résolument matérialiste et athée (la raison seule, déterminisme, méthode expérimentale, observation et expérimentation,…)

    o  Du point de vue de sa vie privée, le savant peut croire en une religion (la foi, Dieu, la création,…)

    Cette conception du monde repose sur le cartésianisme (métaphysique idéaliste chrétienne, physique matérialiste athée), et la conception déiste de Voltaire : « Si Dieu n’existe pas, il faut l’inventer », car c’est une conception utile pour contenir les velléités de libération du peuple.

    A la différence que Robespierre instaure une religion d’Etat. Ce sera un obstacle à la mise en œuvre du principe de laïcité, qui devra attendre 1905. A cette conception s’oppose la conception résolument matérialiste et athée des déchristianisateurs, des enragés, puis de Babeuf.

    On a chez Rousseau (Profession de foi du vicaire savoyard) la base du culte de l’Etre suprême, un dieu statique réfutant les tendances religieuses, au nom du pur individualisme.

    Ce culte de l’Etre suprême sera la base idéologique et culturelle de l’Etat bourgeois français, né de la révolution bourgeoise de 1789.

     

    LA LUTTE CONTRE LES « BRAS NUS »

    Robespierre et son groupe ont-ils été incapables de dresser un programme social cohérent ?

    « Citoyens, déclarait Billaud le 1° floréal, nous avons promis d’honorer le malheur, il sera bien plus beau de le faire disparaître. ». Tel était déjà le projet social qu’annonçait Saint-Just le 8 ventôse dans son Rapport « Sur les personnes incarcérées » : « Abolissez la mendicité qui déshonore un état libre. », et le 13 ventôse, il lançait la proposition « d’indemniser tous les malheureux avec les biens des ennemis de la révolution. » En ce sens, le décret du 22 floréal complète le maximum général décrété en septembre 1793. Selon Saint-Just il s’agit de rallier les patriotes indigents pour lesquels on n’a encore rien fait, de montrer que le bonheur, « idée neuve en Europe », n’est pas une idée creuse. Ayant pour objectif, comme les décrets de ventôse, de « faire tourner la révolution au profit de ceux qui la soutiennent », elle inaugure aussi un nouveau lien social. Elle réalise les promesses de la Déclaration des droits, et fit des secours publics une « dette » de la société.

     

    LA LUTTE CONTRE LES REPRESENTANTS DES BRAS NUS :

    Selon Victor Hugo, dans les Reliquats de Quatre-vingt-Treize, « Le peuple qui suivait Robespierre, c’était le peuple, le peuple qui suivait Danton, c’était la nation […] Le peuple qui suivait Marat, c’était la populace. »

    La lutte contre les bras nus a pour objectif d’asseoir la domination de la bourgeoisie.

    Fondamentalement conservatrice, la première révolution n’avait ni allégé l’impôt, ni détruit le féodalisme. Elle avait, en revanche, coïncidé avec une paupérisation accrue des masses et un schisme religieux.

    La Convention, au nom de la défense de la révolution, s’engagea de plus en plus dans la voie de l’extrémisme. Autour de Robespierre, certains commençaient à mettre en cause le libéralisme économique.

    Grâce à l’appui ambigu des sans-culottes, les jacobins réussirent à imposer leur dictature.

    Les bras nus se dressaient contre la révolution. Ils protestaient contre une révolution inachevée.

    Les 730 élus de la Convention firent cependant une politique économique favorable à la propriété privée et à la liberté du commerce des grains, hostile aux émeutes de subsistances et aux troubles agraires. Aucun conventionnel, même à l’extrême gauche, ne s’identifia jamais aux aspirations populaires sur ce point.

    La Commune de Paris : les militants parisiens obtinrent le 5 avril, un impôt forcé sur les riches, destiné à financer le pain des pauvres.

    A  partir de novembre 1793, Robespierre va se poser sous un aspect nouveau, « en guillotinant l’anarchie ». C’est ainsi qu’il appelait les premiers socialistes, Jacques Roux, etc. Au cœur de Paris même, dans les noires et profondes rues ouvrières (les Arcis, Saint Michel) fermentait le socialisme, une révolution sous la révolution. Robespierre s’alarma, frappa, et se perdit…Dès cette heure, il était perdu.

    Les enragés, les hébertistes et les babouvistes tentèrent de dépasser le cadre de la révolution bourgeoise. De 1789 à 1794, la révolution a progressé par bonds successifs. Ensuite, la bourgeoisie a empêché les sans-culottes de pousser plus loin.

    Fin novembre 1793, puis le 9 thermidor (27 juillet) 1794 sont les points où la révolution atteint son apogée, et où le reflux commence.

    Karl Marx : « La théorie devient une force matérielle lorsqu’elle s’empare des masses. » (Critique de la philosophie du droit de Hegel).

    Karl Marx : « Des idées ne peuvent jamais mener au-delà d’un ancien état du monde, elles ne peuvent jamais que mener au-delà des idées de l’ancien état de choses. Généralement parlant, des idées ne peuvent rien mener à bonne fin. Pour mener à bonne fin des idées, il faut des hommes qui mettent en jeu une force pratique. » (La Sainte Famille)

    Dans les fracas de l’écroulement d’une vieille société, en même temps qu’il faut se battre aux frontières, la contre-révolution est là, partout, avec ses traitres avoués, issus de l’ancien règne des rois et des prêtres, ou cachés en faux révolutionnaires qui ont peur d’être entraînés au-delà de leurs intérêts nés de la révolution.

    Ce qui distingue l’avant-garde des sans-culottes des Robespierristes et des Jacobins, c’est déjà une notion de classe, diffuse, certes, et que pour eux les mesures révolutionnaires ne sont pas de circonstance.

     

    Hébert et les hébertistes :

    Plébéiens : par plébéiens, j’entends des hommes issus du peuple ou proche du peuple, mais déjà élevés au-dessus du peuple, différenciés de celui-ci, et ayant, par conséquent, des intérêts particuliers distincts des siens. Qu’ils fussent d’origine populaire, comme Chaumette et Rossignol, où qu’ils fussent des bourgeois déclassés comme Hébert et Ronsin, ils n’étaient pas les interprètes directs et authentiques des bras nus.

    Les mots d’ordre du mouvement « exagéré », en partie repris de ceux de Jacques Roux et des Enragés sont : répression contre les accapareurs, taxes sur les « riches », création d’armées révolutionnaires, etc. Mis en cause pour ses positions « extrémistes », et pour son soutien à la déchristianisation, Hébert est attaqué par les « Indulgents », mais aussi par Robespierre.  En ventôses an II, les Cordeliers dénoncent les « endormeurs » du Comité de salut public et en appellent à une nouvelle insurrection. Le 23 ventôse (13 mars 1794), Hébert et ses amis (Ronsin, Momoro, Vincent, etc.) sont arrêtés. Condamnés à mort par le Tribunal révolutionnaire, ils sont guillotinés le 4 germinal (24 mars), quelques jours avant les Indulgents. Avec ce « drame de germinal », le gouvernement révolutionnaire se coupe d’une partie de son soutien révolutionnaire.

    Pour contenir les bras-nus, il fallait d’abord écraser l’hébertisme. Mais avant de frapper les hébertistes, il fallait, par une habile démagogie, les dissocier des masses.

    Saint-Just : « Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. La Révolution nous conduit à reconnaître ce principe que celui qui s’est montré l’ennemi de son pays n’y peut être propriétaire. […] Les propriétés des patriotes sont sacrées, mais les biens des conspirateurs sont là pour tous les malheureux. Les malheureux sont les puissances de la terre. Le gouvernement repose sur la liberté, l’état civil sur l’aristocratie. […] Pouvez-vous rester loin du peuple, votre unique ami ? […] Osez ! Ce mot renferme toute la politique de notre révolution. […] Ne souffrez point qu’il y ait un malheureux ni un pauvre dans l’Etat. »

    Hébert était partagé entre deux sentiments contraires : d’une part, la crainte (crainte du mouvement des masses, crainte de la répression gouvernementale) ; d’autre part, l’envie qu’il avait d’entrer au ministère de l’Intérieur, et d’y remplacer Paré, qui, protégé par Danton et Robespierre, lui avait soufflé ce portefeuille l’été précédent.

    Ecartelé entre la bourgeoisie et l’avant-garde populaire, Hébert n’avait eu que des velléités d’action, stimulées par l’ambition, refoulées par la peur.

    La bourgeoisie montagnarde hésita. La guerre n’était pas finie et, dans une certaine mesure, elle avait encore besoin de ménager les sans-culottes.

    Dans la nuit du 13 au 14 mars, Hébert et ses partisans se laissèrent prendre sans avoir tenté un geste de résistance. Le 24 mars (Hébert et 21 partisans guillotinés) sonna le glas de la démocratie populaire.

    La bourgeoisie écrasa, à travers l’hébertisme, l’embryon de la démocratie populaire qui, tout au long de la Révolution, l’avait fait trembler.

    Couthon, avec sa mauvaise foi coutumière, prononça : « Quarante-huit sociétés populaires dans Paris formaient le spectacle hideux du fédéralisme ; il est temps qu’il disparaisse de nos yeux. »

    La Commune de Paris, depuis longtemps, portait ombrage au pouvoir central. A travers les hébertistes, c’était la Commune qui était visée.

    Ainsi se termina le règne des plébéiens au ministère de la Guerre. Ainsi furent liquidés les hommes qui avaient réalisé l’œuvre peut-être la plus importante de la Révolution : la sans-cullotisation de l’armée.

    Les hébertistes furent éliminés essentiellement parce qu’ils étaient devenus un obstacle à la réalisation des desseins de la bourgeoisie révolutionnaire.

    Pendant quelques mois, le Montagne avait tendu un os à ronger aux sans-culottes. Ayant besoin d’eux pour vaincre la contre-révolution intérieure, et surtout, l’ennemi extérieur, elle leur avait fait un certain nombre de concessions ; elle avait tenté, dans une certaine mesure, d’atténuer les effets de l’inflation et de la vie chère ; elle avait agi, simultanément, sur la monnaie et sur les prix. L’heure du péril extrême était passée. Elle n’avait plus autant besoin des bras nus. Elle jugea le moment venu de commencer à leur reprendre ce qu’elle leur avait concédé.

    Par eux-mêmes, les hébertistes ne constituaient pas un obstacle sérieux. L’obstacle véritable, c’était l’avant-garde populaire.

    La liquidation des hébertistes laissa le mouvement des masses démoralisé, désarticulé, décapité, incapable d’opposer une résistance quelconque aux entreprises de l’adversaire.

    La chute de l’hébertisme créa les conditions permettant l’abandon progressif de la taxation et de la contrainte, le retour progressif au libéralisme économique.

    De plus en plus ouvertement la Terreur, détournée de son objet primitif, devenait une arme anti-ouvrière.

    Le journal Le Messager du soir raconta que, tandis que les municipaux robespierristes étaient conduits à la place de la Révolution pour y être guillotinés, les ouvriers leur témoignaient « un peu d’humeur », en les appelant plaisamment : « foutu maximum ».

    Sur la charrette qui l’emmène à la guillotine, Robespierre est insulté par des gens qui lui reprochent d’avoir institué la loi du maximum des salaires.

     

    Les sans culottes

    Jacques Roux, Théophile Leclerc, Jean Varlet. Les représentants principaux du mouvement révolutionnaire populaire.

     

    L’hostilité à l’ancien régime s’affiche par un vêtement : le sans-culotte s’impose sur le pavé parisien avant d’être chassé en Thermidor par le muscadin, réhabilitant l’élégance et le parfum, rétablissant une différence visible entre le pauvre et le riche.

    En 1789 et 1790, révolutionnaires et contre-révolutionnaires rêvent de régénérer le royaume.

    Selon Gabriel Sénac de Meilhan (1736-1803), auteur « Des Principes  et des causes de la Révolution en France », l’ancien régime est un « ordre de choses qui a longtemps duré ». Une même question hante tous ceux qui regrettent cet ordre ancien. Comment une tradition millénaire a-t-elle pu disparaître en quelques séances de l’Assemblée nationale ?

    « Dans six mois, dix siècles de respect et d’amour ont été effacés de la mémoire des cœurs », écrit Sénac à l’abbé Sabatier de Castres en 1792 et il reprend dans l’Emigré : « Je ne puis concevoir comment dans un si court espace des souvenirs gravés par la main des temps, pendant douze siècles, ont été effacés. ».

    La plupart des témoins effarés de cet effacement cherchent une explication extérieure. Si le système était bon, sa disparition provient de causes externes.

    En 1789, l’abbé Barruel écrit « Le Patriote véridique ou discours sur les vraies causes de la Révolution actuelle ». Le Comte Ferrand publie « Les Conspirateurs démasqués. ». L’abbé Jabineau écrit : « La vraie conspiration dévoilée ». Selon ces différents auteurs, développant la thèse du complot, les auteurs de la Révolution seraient : la franc-maçonnerie, les philosophes, les jésuites, les protestants, le duc d’Orléans,…

    Selon Sénac de Meilhan, à propos de la Fronde : « Les plus soudaines révolutions ont presque toujours des causes éloignées, et lorsqu’une légère circonstance amène un prompt renversement d’un Etat, c’est que tout était depuis longtemps préparé pour une révolution. »

    Montesquieu, dans Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734) : « Si le hasard d’une bataille, c’est-à-dire, une cause particulière, a ruiné un Etat, il y avait une cause générale qui faisait que cet Etat devait périr par une bataille. »

    Il y a une différence entre les Jacobins (dont Robespierre) et les enragés. L’idéal des enragés n’est pas une société où richesse et pauvreté – avec moins d’écarts – s’équilibreraient harmonieusement. Ils ont bien senti que la richesse, en soi, était contre-révolutionnaire par les pouvoirs économiques et politiques qu’elle réservait à une minorité. Ce qu’ils souhaitent – mais il faut se sortir d’abord de la guerre, de la famine latente – c’est un bien-être en progression.

    Il y a donc des antagonismes entre les « hommes d’Etat », qui avaient à établir les armes à la main, la république bourgeoise, et les enragés qui, alors même que la république bourgeoise n’était pas assurée, tendaient vers une république populaire, sans avoir les moyens, eux, de faire de ce peuple – en immense majorité paysan – la classe dominante. Et ceci, en grande partie, à cause de la puissance de l’Eglise, objectivement alliée à la bourgeoisie possédante.

    Dès avant l’ouverture des Etats généraux, de nombreux auteurs opposent le riche et le pauvre tiers-états et estiment à l’approche des élections, en ce début de 1789, que les pauvres ne seront représentés que par des gens qui sont en opposition d’intérêt avec eux. Ce qui sera effectivement le cas.

    Exemple : le Chevalier de Moret, dans une lettre adressée à Necker en 1789 : « Cette classe du Tiers-Etat de la ville de Paris, dont les individus paient au-dessous de six livres de capitation… la dite-classe est sans contredit la plus nombreuse de la capitale, la plus utile et la plus précieuse à l’Etat. C’est elle en un mot, qui convertissant en or les matières les plus abjectes, est l’âme du commerce, donne l’existence et enrichit l’autre classe du Tiers-Etat. »

    Les enragés, Jacques Roux, Théophile Leclerc, Jean Varlet furent en 1793, les interprètes directs et authentiques du mouvement des masses. Pour Karl Marx, ils furent « les représentants principaux du mouvement révolutionnaire ».

    Saint-Just : « Les malheureux sont les puissances de la terre ; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent. »

    Avec Gracchus Babeuf, tous quatre présentent un certain nombre de points communs. Ils avaient fait de bonnes études. Jacques Roux appartenait à une famille aisée. Il était fils d’un officier devenu magistrat. S’étant fait prêtre, il avait enseigné la philosophie et la physique expérimentale dans divers séminaires, pour exercer ensuite la fonction d’aumônier dans un château. Leclerc, fils d’un ingénieur des Ponts et Chaussées, avait reçu une certaine instruction. Varlet, commis des postes, appartenait également à une « bonne famille ». Il possédait un revenu annuel de 5800 livres et avait été un brillant élève du collège d’Harcourt. Babeuf, fils d’un officier, et lui-même arpenteur-géomètre et spécialiste du droit féodal, était fort instruit.

    Ils entrevirent que la guerre – la guerre bourgeoise, la guerre pour la suprématie commerciale – aggravent la condition des bras nus ; ils aperçurent la grande escroquerie de l’inflation, source de profils inouïs pour le riche, ruineuse pour le pauvre.

    Jacques Roux, le 25 juin 1793 : « La liberté n’est qu’un vain fantôme, quand une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément. L’égalité n’est qu’un vain fantôme, quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La république n’est qu’un vain fantôme, quand la contre-révolution s’opère de jour en jour par le prix des denrées auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes. […]. Les riches […], depuis quatre ans, ont profité des avantages de la révolution. L’aristocratie marchande, plus terrible que l’aristocratie nobiliaire et sacerdotale, s’est fait un jeu cruel d’envahir les fortunes individuelles et les trésors de la république. […]. ». « Les biens du clergé et les domaines nationaux ont presque tous passé dans les mains de personnes enrichies du sang de la veuve et de l’orphelin. »

    Ne pouvant sortir du cadre de la propriété privée, les enragés se contentèrent de réclamer des mesures destinées à limiter, et non à supprimer, les effets du système capitaliste alors naissant.

    Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité – Séance du 5 aout 1793 – Contre Jacques Roux et Leclerc.

    Revenant sur la proposition de Danton à la Convention, le 1° août, d’ériger le Comité de salut public en gouvernement provisoire, Vincent, secrétaire général du ministère de la guerre, la considère « comme attentatoire à la souveraineté du peuple, comme émanée de conspirateurs ». La vivacité de ces attaques amena une riposte immédiate de Robespierre. Délaissant Vincent, dont il sait la forte position au ministère de la guerre, mais l’audience bien moindre auprès des sans-culottes, Robespierre attaque Jacques Roux et Leclerc, adversaires plus redoutables par le rayonnement de leurs journaux dans les sections et dont les attaques systématiques contre la politique gouvernementale risquaient d’entraîner la sans-culotterie.

    Leclerc répliqua le 8 août, dans son Ami du peuple, en dénonçant le « système de calomnie dirigé contre les vrais amis de la liberté ». Dans son numéro suivant, il mettait Robespierre au défi de prouver ses accusations. Quant à Jacques Roux, il ne daigna pas répondre et poursuivit avec une vigueur accrue sa campagne contre les agioteurs et les accapareurs.

    Robespierre : « …Ces deux hommes, dénoncés par Marat, comme des intrigants, deux émissaires de Cobourg ou de Pitt qui, pour mieux empoisonner les sources de la crédulité populaire, ont pris, pour séduire le nom de Marat. ».

     

    Gracchus Babeuf et le communisme primitif :

    « La révolution française n’est que l’avant-courrière d’une autre révolution, bien plus grande, bien plus solennelle et qui sera la dernière. » (Manifeste des Egaux, 1796).

    La période de la chute des Girondins (31 mai 1793) à l’exécution de Babeuf (27 mai 1797) : c’est au cours de cette période que la lutte de classes entre bourgeois et sans-culottes, première manifestation de la lutte de classes modernes entre bourgeois et prolétaires, fait son apparition.

    Babeuf représente les paysans pauvres. Or, la paysannerie pauvre avait sur la question de la propriété une position plus hardie que la sans-culotterie urbaine.

    Babeuf : « Réveiller Robespierre… c’est réveiller tous les patriotes énergiques de la République et avec eux le peuple qui autrefois n’écoutait et ne suivait qu’eux… Le robespierrisme est la démocratie, et ces deux morts sont parfaitement identiques ; donc en relevant le robespierrisme vous êtes sûr de relever la démocratie.

    Babeuf : « La révolution n’est pas finie, parce que les riches absorbent tous les biens et commandent exclusivement, tandis que les pauvres travaillent en véritables esclaves, languissent dans la misère et ne sont rien dans l’Etat. »

    La cause de l’échec de la Révolution, on la trouvait « en dernière analyse, écrit Buonarroti, dans la propriété individuelle, par laquelle les plus adroits ou les plus heureux dépouillèrent sans cesse la multitude. »

    Babeuf : « Les gouvernants ne font des révolutions que pour toujours gouverner. Nous en voulons faire enfin une pour assurer à jamais le bonheur du peuple par la vraie démocratie. »

    Solutions : les Egaux supprimaient le parlement bourgeois et confiaient tout le pouvoir à la Commune insurrectionnelle de Paris. Constitution de 1793 : « Un des plus impérieux devoirs de l’instituteur d’une république […] est de […] donner au peuple la possibilité d’être réellement souverain. »

    Pas de démocratie vraie sans suppression des inégalités sociales, c’est-à-dire sans communisme.

    Selon Marx, « les représentants principaux du mouvement révolutionnaire » sont Jacques Roux, Leclerc,…

    A la Constitution de 1793, qui donnait trop de droits au peuple, la bourgeoisie révolutionnaire a substitué le gouvernement révolutionnaire, une dictature qui, en principe, ne devait servie qu’à mater la contre-révolution, mais qui, en fait, se montre souvent moins énergique à l’égard des contre-révolutionnaires qu’à l’égard de l’avant-garde populaire.

    Les classes possédantes ne renonceront pas volontairement à leurs privilèges et il faudra les y contraindre.

    La décapitation de la Commune de Paris, la destruction de la démocratie par en bas portaient un coup fatal à la Révolution.

    La Révolution française est une guerre déclarée entre les politiciens et les plébéiens, entre les riches et les pauvres.

    Tout ce que possèdent ceux qui ont au-delà de leur quote-part individuelle de ces biens de la société est vol et usurpation, il est donc juste de leur reprendre.

    Dolivier, curé de Mauchamp, en 1790, voulait conférer la propriété du sol à la communauté : « La terre doit être considérée comme le grand communal de la nature. […] Les nations seules et, par sous-division, les communes, sont véritablement propriétaires de leur terrain. » A chaque individu serait reconnu « son droit de partage au grand communal », mais il ne cultiverait la terre qu’en possession viagère, la propriété du sol restant entre les mains de la communauté ». Babeuf fit sienne cette conception. La loi agraire, telle qu’il la comprenait, « cette loi que redoutent et sentent bien venir les riches », cette loi dans laquelle il voyait « le corollaire de toutes les lois », combinait le partage des terres avec la propriété commune de la terre et son inaliénabilité : collective, la propriété du sol, individuelle son exploitation.

    En 1789, le tiers-état, l’emportant sur l’aristocratie, abolit les privilèges et l’autorité seigneuriale : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame que, désormais, tous les Français étaient égaux devant la loi. Mais ceux qui, bientôt prirent le nom de sans-culotte, ne tardèrent pas à constater que l’ordre nouveau, conservant l’inégale répartition des richesses et procurant ainsi à la bourgeoisie la maîtrise politique et économique, ne les délivrait pas de l’assujettissement. Dans ce conflit de classe, Buonarroti et Babeuf embrassèrent la cause populaire.

    Toutefois, aux prises avec les contre-révolutionnaires alliés à l’étranger, une partie de la bourgeoisie, Montagnards et Jacobins, eurent recours aux sans-culottes pour s’emparer du pouvoir, en sorte que la politique du gouvernement révolutionnaire qu’ils formèrent répondit dans une certaine mesure aux vœux de leurs alliés. Sans oublier de rappeler que le Comité de Salut public asura la victoire de la révolution, c’est sur la portée sociale de son œuvre que Buonarroti fixe son attention : non sans raison, il en attribue le mérite à Robespierre et à Saint-Just, et ainsi estime-t-il que le 9 Thermidor interrompit l’évolution démocratique de la république. Sa vénération pour la mémoire de l’Incorruptible est telle que dans ses écrits, il incite à imaginer que les robespierristes furent des communistes avant la lettre, mais il laisse ignorer qu’ils s’associèrent à leurs collègues pour proscrire les enragés et les chefs populaires qu’on a coutume d’appeler hébertistes, en quoi ils contribuèrent en partie à leur propre perte.

    Entre Robespierre et Babeuf, il y a à la fois filiation, mais aussi dépassement.

    Les robespierristes, et d’autres révolutionnaires avant eux, avaient rêvé de multiplier les propriétaires, parce qu’à leurs yeux la propriété garantissait la liberté de l’individu, comme aussi d’ailleurs la paix sociale et la tranquillité de la bourgeoisie. Depuis le 9 Thermidor, Buonarroti et Babeuf estimaient l’échec patent ; au surplus, accroître le nombre des propriétaires ne constituait qu’un palliatif : l’inégalité sociale résultait de l’appropriation individuelle et héréditaire des moyens de production ; le mal, plus profond, ne comportait d’autre remède que leur attribution à la communauté.

    En tant que théoriciens, il s’en faut qu’ils fussent les premiers à la prôner. Au XVIII° siècle, Rousseau, Morelly, Mably, entre autres, en firent l’éloge et on leur découvre des prédécesseurs jusque dans l’antiquité.

    Depuis 1789, la bourgeoisie redoutait la « loi agraire », expression empruntée à l’histoire romaine au cours de laquelle on partagea plusieurs fois, entre les citoyens et les citoyens pauvres, les terres que la conquête et les confiscations laissaient à la disposition de la république ; bien différente était la loi agraire qu’on dénonçait maintenant : elle aurait partagé les propriétés privées entre tous les citoyens. La Convention avait prononcé la peine capitale contre ceux qui la prêcheraient ; jusqu’en 1848, et plus tard, les socialistes se sont vus de ce chef affublés du surnom de « partageux ».

    Sylvain Maréchal, dans un livre intitulé L’Homme sans Dieu : « Je n’aime pas les rois mais j’aime encore moins les riches… Vous décrétez l’abolition de la noblesse, mais vous conservez l’état respectif des pauvres et des riches, des maîtres et des valets ; vous défendez aux premiers les armoiries, vous déchargez les seconds de leurs livrées mais ces distinctions ne sont que des simulacres, vous ne touchez pas aux réalités… ».

     

    POURQUOI LA CHUTE DE ROBESPIERRE ?

    La symphonie continue, après l’élimination d’une fausse note.

    Mort de Danton : Robespierre fut, en cette occasion, comme en tant d’autres, le porte-parole, l’agent d’exécution de la bourgeoisie révolutionnaire.

    Les hommes des Comités, d’accord avec Robespierre sur le but général à atteindre, ne l’étaient pas avec lui sur les moyens. Robespierre voulait asseoir sa tentative de stabilisation sur deux piliers : d’une part, la restauration officielle de la religion, l’institution d’un culte d’Etat ; d’autre part, la recherche du compromis « honorable » avec l’ennemi du dehors.

    La bourgeoise révolutionnaire voulait elle aussi rétablir l’ordre, mais par d’autres moyens. Elle ne fut d’accord avec Robespierre ni sur le culte de l’Etre suprême, ni sur la conduite de la guerre.

    Le culte de l’Etre suprême rassurait l’Europe. Il était tourné à la fois contre les prêtres, contre l’Eglise et contre les déchristianisateurs.

    Le culte de l’Etre suprême préfigure le Concordat de Napoléon Bonaparte.

    Dans la Convention, les Montagnards robespierristes détiennent désormais tous les pouvoirs.

    L’élan révolutionnaire est désormais contrôlé par le Comité de salut public, qui rappelle les représentants en mission trop indépendants, encadre les sections sans-culottes, supprime les tribunaux révolutionnaires extraordinaires des armées au profit du Tribunal de Paris.

    Les sans-culottes sont associés au pouvoir, mais leurs exigences de contrôle des salaires et des prix sont abandonnées. La vision politique d’une Révolution morale, exigeante, utopique tente de s’imposer. Le décret du 7 mai 1794, qui stipule l’existence d’un Etre suprême, pour lequel une fête est instaurée, et l’immortalité de l’âme, en est l’exemple le plus éclatant. L’athéisme et la vague antireligieuse doivent faire place à une pédagogie civique.

    L’école propose aux enfants des faits d’arme les plus récents, et les patriotes héroïques comme Joseph Agricol Viala – célébré par Chénier dans le Chant du départ – remplaçant les « martyrs de la Révolution » -- Marat, Chalier, Le Peletier – glorifiés par les sans-culottes.

    L’idéal d’une organisation collective régie par l’égalité et la vertu est au cœur d’innombrables discours, qui touchent tous les domaines de la vie nationale.

    Robespierre, entouré de Saint-Just et de Couthon, exerce véritablement le magistère national, même si d’autres personnalités, compétentes dans certains domaines (comme Carnot à la guerre), jouent un rôle important dans le Comité de salut public.

    Dans cette révolution dans la Révolution, la tentation de la dictature est grande, pour établir par la violence le bonheur collectif à venir.

    La Grande Terreur est instaurée par la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794). Les coupables de « défaitisme et de dilapidation », qui sont appelés « ennemis du peuple », sont désormais justiciables du Tribunal révolutionnaire. Edictée à la suite de tentatives d’assassinat sur des membres du Comité de salut, dont Robespierre, cette loi témoigne avant tout d’une volonté moraliste radicale.

    Mais les rivalités internes aux groupes dirigeants ne cessent de croître. Les membres du Comité de sûreté générale, qui cherchent à rogner les attributions de leurs collègues – et rivaux – du Comité de salut public, trouvent de nouvelles raisons de s’opposer à Robespierre, en particulier lorsque celui-ci préside la fête de l’Etre suprême (8 juin 1794), cérémonie grandiose dans laquelle beaucoup de révolutionnaires voient un retour à une religion d’Etat. Le courant hostile se développe d’une manière diffuse dans la Convention et les Comités de gouvernement.

    Au cours de l’été 1794, des rumeurs prêtent des intentions monarchiques à Robespierre ; elles insistent sur sa volonté de restaurer la religion et sur sa complicité avec une illuminée, Catherine Théot, qui se proclame « mère de Dieu ». Son absence temporaire de la Convention, en juillet – fatigue, écœurement ? --, si elle renforce les craintes des députés, qui redoutent d’être victimes de la Terreur, permet les manœuvres politiciennes des opposants, qui s’entendent pour faire chuter « l’Incorruptible ». Le 8 thermidor an II (26 juillet), dans un grand discours programmatique, Robespierre, revenant à la Convention, annonce de nouvelles mesures répressives contre des « conspirateurs », qu’il ne nomme pas. Le lendemain, 9 thermidor, les députés mettent Robespierre en minorité, décrètent son arrestation et celle de ses amis. Arrêté, puis libéré, Robespierre est repris et exécuté avec ses partisans le 10 thermidor (28 juillet 1794).

    Le 9 Thermidor (27 juillet 1794), Robespierre fut renversé et ce jour inaugure une période de réaction qui débouche sur le premier Empire.

    Il convient d’observer le 9 Thermidor dans la suite des diverses ruptures ou péripéties qui ont précédé ou suivi : Girondins, Brissotins, Hébertistes, Dantonistes, …Après les Robespierristes, les Babouvistes ?...

    Le mot du conventionnel Baudot dans ses Notes historiques : « Dans la lutte du 9 thermidor, il ne fut pas question de principes, mais de tuer. La mort de Robespierre était devenue une nécessité. En cas de succès de son côté, je suis persuadé qu’il aurait peu tardé à être mis à mort au milieu des conflits d’une guerre civile. »

    Pourtant la mort de Robespierre est un tournant majeur de la séquence révolutionnaire.

    Le 9 thermidor ne signe ni la fin de la Montagne, ni celle du gouvernement révolutionnaire : un an encore, la révolution continue, avant de s’achever par une stabilisation qui renie en partie 1789 lorsque la convention, effrayée par la puissance des mots, gomme de sa déclaration des droits et des devoirs toute référence aux « droits naturels et imprescriptibles de l’homme. »

    L’ancien conventionnel Levasseur (de la Sarthe) s’exprime ainsi dans ses Mémoires, trente-cinq ans après les événements : « La révolution perdit la vigueur de la jeunesse. Affaiblie par ses dissensions, la Montagne n’avait plus une majorité bien forte dans le sein de la Convention et encore cette majorité était-elle fractionnée en un grand nombre d’opinions qui toutes avaient à pleurer des victimes (…). Le gouvernement révolutionnaire (…) n’était fort qu’à cause des haines qui séparaient sans retour les amis de Danton des anciens partisans d’Hébert, et la Montagne des débris de la Gironde. »

    L’attaque de thermidor vient des rangs de la Montagne, « gauche » de la première assemblée élue au suffrage universel.

    Le 11 messidor une querelle survient au comité de salut public. Lorsque Levasseur (de la Sarthe) témoigne en fructidor en faveur des membres des comités contre Le Cointre, il déclare : « Je fus au comité de salut public, j’y fus témoin que ceux qu’on accuse aujourd’hui traitèrent Robespierre de dictateur. Robespierre se mit dans une fureur incroyable ; les autres membres du comité le regardèrent avec mépris. Saint-Just sortit avec lui. » Robespierre porta la contre-attaque aux Jacobins, le 13 messidor (1° juillet).

    Les hostilités étaient donc ouvertes au comité de salut public et Robespierre attisait le feu en cessant de paraître aux séances. Le 8 thermidor, il déclare : « Depuis plus de six semaines, la nature et la force de la calomnie, l’impuissance de faire le bien et d’arrêter le mal, m’ont forcé à abandonner absolument mes fonctions de membre du comité de salut public. »

    Une difficulté pour comprendre la dernière séance de la convention à laquelle participe Robespierre, est que le Procès-Verbal officiel a été rédigé, non pas en l’an II, mais plus d’un an plus tard, en exécution d’une loi de brumaire an IV (octobre 1795).

    Le déroulement des faits : Une coalition se forme contre Robespierre :

    ·   Lors de la séance du 7 thermidor, Barère présente un Rapport « tendant à éclairer les bons citoyens sur les circonstances actuelles, en présentant au peuple français un état comparatif de notre situation à l’époque du 31 mai 1793, et de notre situation le 7 thermidor ».

    ·   Le 8 thermidor, Robespierre entame son long discours « testament » par : « Que d’autres vous tracent des tableaux flatteurs ; je viens vous dire des vérités utiles. (…) On vous parle beaucoup de vos victoires avec une légèreté académique. » La conclusion revêt un caractère suicidaire : « Il existe une conspiration contre la liberté publique », une « coalition qui intrigue au sein même de la Convention », elle est dans le comité de sûreté générale, et « des membres du comité de salut public entrent dans ce complot ». « Quel est le remède à ce mal ? Punir les traîtres, renouveler les bureaux du comité de sûreté générale, épurer ce comité lui-même, et le subordonner au comité de salut public, épurer le comité de salut public lui-même, constituer l’unité du gouvernement sous l’autorité suprême de la convention nationale qui est le centre et le juge ».

    ·   La crise est engagée. Les accusés accusent le dénonciateur. Ainsi Cambon : « Il est temps de dire la vérité tout entière : un seul homme paralysait la volonté de la convention nationale ; cet homme est celui qui vient de faire le discours, c’est Robespierre ; ainsi jugez. »

    ·   La séance du club des Jacobins, le 8 au soir rompt les fils entre Robespierre et Couthon, d’une part, Billot-Varenne et Collot d’Herbois, d’autre part. Robespierre fait lecture de son discours prononcé à la convention dans l’après-midi ; il est accueilli par les applaudissements des tribunes. Puis il déclare : « Frères et amis, c’est mon testament de mort que vous venez d’entendre. (…) Héros du 31 mai, et toi surtout brave Hanriot, avez-vous oublié le chemin de la convention ? (…) Si vous m’abandonnez, vous verrez avec quel calme je sais boire la ciguë. »

    ·   Le 9 thermidor, an II (dimanche 27 juillet 1794), midi : Saint-Just commence le discours qui sera imprimé le 30 thermidor (17 août 1794). Il est interrompu par Tallien, puis Billaud. Robespierre s’élance à la tribune mais ce cri retentit : « A bas le tyran ! ».  Vers deux heures, Louis Louchet, député montagnard de l’Aveyron, propose enfin l’arrestation.

    ·   Le mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris échoue.

    Dans les jours suivants, on amalgame robespierrisme, terrorisme et Robespierre-roi.

    La première république est la lutte de la bourgeoisie et du peuple contre la noblesse. L’Empire est le sacrifice du peuple armé au dehors et la domination de la bourgeoisie au-dedans. La Restauration est la tentative de restauration nobiliaire sous les Bourbons de la branche aînée. 1830 est le triomphe et le règne de la bourgeoisie.

    L’une des raisons de la chute de Robespierre est, par exemple, le Cercle social, organisation fondée pendant les premières années de la révolution de 1789, de 1790 à l’an VIII qui a compté près de 8000 membres. Un des principaux idéologues du Cercle social fur Claude Fauchet qui demandait que la terre fut distribuée en parcelles égales, que la grande propriété fut limitée et que tous les bourgeois fussent mis au travail. Un des chefs du mouvement des enragés, Jacques Roux, alla beaucoup plus loin encore.

    Les milliers d’auditeurs de l’abbé Fauchet, orateur du club radical du Cercle social, apprenaient de lui que tout homme avait droit, pour vivre, à la propriété de la terre.

    Eté 1794 : le règne de la Terreur était arrivé et n’importe qui en France pouvait être arrêté la nuit, jugé à midi et guillotiné à quatre heures, sans même avoir pu ouvrir la bouche. Les députés n’osaient plus coucher dans leur lit ; se glissaient dans les immeubles à deux étages, pour dépister les espions. Barras, dans ses Mémoires, raconte qu’un député, ivre de fatigue, se tenait à sa place, le front appuyé sur sa main. Soudain, on le voit bondir sur son siège, comme piqué par un scorpion. Simplement parce que Robespierre l’a dévisagé. Tremblant, décomposé, il se tourne vers un de ses collègues et balbutie : « Il va se figurer que je pense à quelque chose ! ».

    La victoire de Fleurus, le 26 juin, rendait la Terreur moins indispensable comme moyen gouvernemental d’exception.

    Robespierre songe à épurer quelques députés, dont Fouché, qu’il fit chasser des jacobins, et qui commença à conspirer contre lui.

    La Plaine, en échange de son appui, demande la fin de la politique de répression.

    Des divisions étaient intervenues au sein de l’équipe dirigeante, division au sein du Comité de salut public entre :

    ·   Les administratifs : Lindet, Carnot, Prieur de la Côte d’Or ;

    ·   Les idéologues : Robespierre, Couthon, Saint-Just.

    La dictature jacobine était devenue largement indépendante du mouvement populaire qui avait contribué à son établissement.

    Pendant une certaine période, de 1789 à novembre 1793, Robespierre a su jouer un rôle de médiateur entre bourgeois et bras nus, qui l’a porté et en a fait une personnalité de pointe de la révolution française.

    Mais quand il a fallu choisir son camp, il a rompu avec les enragés et les sans-culottes, se tournant contre les intérêts de ceux-ci. Il n’avait donc plus le soutien de cette partie du tiers-état.

    Cependant, il allait trop loin par rapport aux intérêts immédiats de la classe bourgeoise, et son rôle antérieur inspirait la peur à beaucoup. En conséquence, il avait joué son rôle historique, et la bourgeoisie n’avait plus besoin de lui. Il pouvait donc disparaître, assumant les excès de la Terreur.

    Aujourd’hui, la bourgeoisie règle les antagonismes en son sein, de manière pacifique, en ayant recours à la voie parlementaire et aux élections, pour choisir la fraction chargée temporairement de défendre ses intérêts au gouvernement.

    Pendant la révolution, ce choix était fait en ayant recours à la guillotine !

    Contre Jean-Jacques Rousseau qui la tenait pour nécessaire, Robespierre a combattu la peine de mort en matière pénale. A l’opposé des théoriciens de la démocratie politique qui la jugeait irréalisable dans un grand Etat, il a admis la possibilité d’une démocratie (en partie) représentative.

    Hostile à la loi agraire des partageux, il n’hésita pas cependant à désacraliser la propriété privée au profit d’un solidarisme social, aussi éloigné de l’utopie communautariste d’un Morelly que du dogme libéral des Girondins, lequel faisait la part belle aux riches et aux puissants. Selon le mot de Jaurès, la révolution était indissociablement bourgeoise et populaire.

    L’après 9 thermidor :

    C’est d’abord l’élaboration du discours officiel. Dès le 9 thermidor, Collot d’Herbois donne le ton : « Voyez, citoyens, les hordes fugitives de vos ennemis, voyez leurs armées consternées se répandre au loin ; leur dernière ressource était la guerre civile au sein de la convention, afin de nous forcer d’accepter un tyran. Mais tous les Français périront avant de transiger avec la tyrannie. Jamais, non, jamais le peuple français n’aura de tyran. » Collot dévoile ainsi un ultime « complot de l’étranger » dont la convention, une fois encore appuyée sur le peuple français, doit triompher.

    Il revient ensuite à Barère d’en parachever la version en deux Rapports : Le 10 thermidor, avant même l’exécution des 22 condamnés, Barère livre, au nom des comités de salut public et de sûreté générale, un « rapport relatif aux détails de la conspiration de Robespierre et de ses complices ».  Barère reproduit la fable du sceau à fleur de lys trouvé à la Maison-Commune et celle de la visite au Temple. Il reprend l’accusation lancée contre Danton : le nouveau tyran voulait s’ériger en « dominateur de l’opinion publique », en idole.

    Va se répandre la fable de Robespierre-roi : Robespierre voulait régner et, pourquoi ne pas épouser « la fille Capet ». De ces textes qui véhiculent la fable dans les départements, on peut retenir :

    ·        La Relation de l’événement par le conventionnel Roux (de la Marne) ;

    ·        Les Faits recueillis aux derniers instants de Robespierre et de sa faction où se retrouvent les quolibets lancés dans l’anti-salle du comité de salut public : « Sire, votre Majesté souffre », « Ne v’là-t-il pas un beau roi ? », etc. ;

    ·        Le parallèle Capet et Robespierre rédigé par Merlin (de Thionville) ;

    ·        Sans compter les Vies secrètes qui se multiplient alors.

     

    Le prestige de Robespierre avait été tel que pour le détruire, il fallait jeter sur sa mémoire beaucoup de boue.

    Après le 9 Thermidor, un ministre prussien à Cologne, dira dans une dépêche à son souverain :

    « Je reçois à l’instant la nouvelle de la chute et de l’arrestation de Robespierre et de ses principaux partisans. […] La principale accusation portée contre lui est d’avoir entrepris des pourparlers secrets avec une des puissances belligérantes en vue de la conclusion de la paix. »

    Saint-Just : « Je demande qu’il {Robespierre] soit investi de la dictature, et que les deux Comités réunis en fassent dès demain la proposition à la Convention. »

    Prieur : « Saint-Just proposa aux Comités de faire gouverner la France par des réputations patriotiques en attendant qu’il y eût des institutions républicaines. »

    Saint-Just dans « Fragments d’Institutions républicaines » :

    « Il faut dans toute Révolution un dictateur pour sauver l’Etat par la force, ou des censeurs pour le sauver par la vertu. »

    La responsabilité de la liquidation d’Hébert et de Danton, les Carnot, les Barère, les Cambon la portaient tout autant que Robespierre. Mais ils réussirent à exploiter contre lui seul les rancœurs des survivants des deux factions.

    Autres ennemis de Robespierre : Les représentants en mission comme Tallien (dantoniste, vénal), Carrier, Javogues (Hébertistes, coupables d’ « excès »), Fouché (hébertiste, puis modérantiste).

    Robespierre a engagé la bataille sur le seul plan parlementaire. Il tempéra l’ardeur de ses partisans, les détournant de l’action de rue. Robespierre est légaliste. Il croit à la fiction de la Convention souveraine. Il a toujours enseigné le respect de la Convention, seule expression de la souveraineté populaire.

    Etre mis hors la loi, c’était la fin de tout pour ces hommes qui toujours avaient prêché la soumission à la loi, habitué leurs partisans à leur obéir. Si définitivement la loi les rejetait, si la sacro-sainte Convention les reniait, ils n’étaient plus rien.

    Facteurs objectifs : la bourgeoisie ne voulait plus de Robespierre, les faubourgs n’étaient plus disposés à soutenir Robespierre, Robespierre ne voulait plus s’appuyer sur les faubourgs.

    Les sans-culottes ne marchent pas. Quoi ! Prendre les armes pour sauver l’homme qui avait désarmé la Révolution, l’hébertisme, domestiqué la Commune, dispersé les sociétés populaires des sections ? Se battre pour l’homme sous le règne duquel le maximum avait été « assoupli », la vie rendue plus chère, la hausse des salaires ouvriers contenue, les grèves brutalement réprimées !

     

    LA REACTION :

    La bourgeoisie n’avait jamais été capable d’intervenir dans la rue elle-même. Il lui fallait des hommes de main. Contre les aristocrates, elle avait dû recourir aux bras nus. Contre les bras nus, elle utilisa les jeunesses dorées royalistes. Elle fit appel aux gourdins des muscadins pour disperser les sociétés populaires.

    Dans les jours qui suivent la chute de Robespierre, les clubs jacobins du reste du pays envoient des témoignages de satisfaction à l’annonce de la chute du « tyran ». Une légende noire naît, qui décrit Robespierre comme un révolutionnaire rêvant de guillotiner la France entière et d’accaparer tous les pouvoirs. Pendant les années qui suivent, le 9 thermidor devient une fête nationale.

    La Convention « thermidorienne », épurée des Montagnards robespierristes, va régler ses comptes et tenter de sortir de la Terreur. La chasse aux « buveurs de sang » est ouverte. On mêle ainsi, dans une condamnation générale et imprécise, extrémistes sans-culottes et Montagnards. Certains révolutionnaires vont payer pour que Thermidor donne l’image d’une rupture.

    Partout en France, la réaction contre les sans-culottes est vive. A Paris, la Convention refuse toutes leurs demandes sociales, et réprime brutalement leurs manifestations en avril et mai 1795, alors que les conditions économiques sont particulièrement difficiles. La vallée du Rhône est le lieu d’innombrables règlements de comptes que les autorités politiques laissent commettre par la « jeunesse dorée » des « muscadins » (ainsi nommés parce que le parfum du musc et celui de la muscade faisaient alors fureur) contre les sans-culottes. Ces derniers sont rassemblés et exécutés au cours d’une Contre-terreur, ou « Terreur blanche », qui touche des dizaines d’hommes à Aix, à Marseille et plus tard à Toulon, et plus d’une centaine à Lyon, en mai 1795.

    Les députés thermidoriens, qui se réclament des idées de 1789, paraissent ainsi avoir triomphé de la gauche – les sans-culottes – comme de la droite – les royalistes --, et être en mesure de terminer la Révolution bourgeoise.

     

    La France ne fut pas si aisément déjacobinisée et rien ne fut vraiment acquis avant la défaite des sans-culottes parisiens, l’élimination des terroristes, --évincés, désarmés, condamnés, voire victimes des massacres de la Terreur blanche en certains départements – et l’épuration de la convention en germinal-prairial an III par arrestation, déportation ou condamnation à mort de 65 députés montagnards.  Ce fut aussi la fermeture du club des Jacobins et la fin des réseaux des sociétés populaires. La convention décide de punir Carrier et de rappeler les Girondins qui avaient protesté contre le 2 juin 1793. Abrogeant le maximum général, le 4 nivôse an III (24 décembre 1794), la convention choisit la liberté du commerce contre le droit à l’existence. Enfin, après le coup d’Etat parlementaire de messidor-fructidor an III, au mépris du référendum de 1793, l’Assemblée adopte une nouvelle constitution.

    En ce sens, l’été 1795 – et non juillet 1794 – marque la véritable césure, la fin de la révolution et, dans une certaine mesure, sa négation.

    Insensiblement, Robespierre est passé de la méfiance envers les ennemis de la patrie à un fanatisme qui se défie de tous, son idéal de pureté et de vertu dévie vers l’intolérance et le sectarisme.

    Robespierre, à la fin, ne supporte plus la contestation de ses idées, et son incorruptibilité évidente vire à une intransigeance qui deviendra de plus en plus impitoyable.

    Son dernier discours : il est incantatoire. Robespierre est seul. Il parle de « fripons, », « calomniateurs », « contre-révolutionnaires », « criminels », « comploteurs », « aristocrates », tandis que lui-même se pare de vertu et de raison. A ses yeux, il est le seul qui détienne la vérité. Mystique révolutionnaire, voulant changer l’homme et le monde, il se prononce pour la révolution permanente.

    Il est seul. Il se réclame du peuple, mais n’est plus en phase avec lui. Celui-ci est lassé de la Terreur, des victimes, qui ne cessent d’augmenter et qui sont pour la plupart de sa classe sociale, il vit une crise économique grave, il connaît plus ou moins la famine.

    « Vive le Tiers Etat ! ». Le cri est aussi bien lancé par le bourgeois aisé, lecteur de Sieyès, que par le sans-culotte. Ce cri n’a certes pas le même contenu d’une bouche à l’autre.

    Bonaparte pourra dire : « La Révolution est close, ses principes sont fixés dans ma personne. »

    En la personne de Napoléon, la bourgeoisie libérale trouva encore une fois dressée contre elle la terreur ; sous les traits des Bourbons, de la restauration, elle trouva encore une fois en face d’elle la contre-révolution. C’est en 1830 qu’elle finit par réaliser ses désirs de 1789.

    Le monde créé par la révolution française est celui dépeint par Balzac, dans sa Comédie humaine.

    Contre l’arbitraire de l’Ancien Régime, la Révolution fut une œuvre de raison.

    Ainsi, s’il y eut 391 personnes décapitées à Arras, c’est œuvre rationnelle : cela a permis sans doute d’éviter plus de morts (en cas de victoire des contre-révolutionnaires ou des émigrés).

    La révolution de 1789 est le passage d’un monde ancien, marqué par la domination de l’agriculture, à celui de la « révolution industrielle ».

    La révolution n’est pas terminée. Elle hante les esprits des hommes qui, ou bien l’exècrent (l’abbé Berruel), ou bien l’admirent.

    Créer un musée à Arras, afin d’honorer l’enfant du pays qu’est Maximilien de Robespierre, ce serait une excellente chose ; mais encore faudra-t-il exposer de façon scientifique, le double aspect du personnage :

    ·   Un bourgeois révolutionnaire qui, de 1789 à 1793, a contribué à détruire le féodalisme et à instaurer un régime bourgeois ;

    ·   Le réactionnaire qui, de novembre 1793 à sa mort en 1794, a contribué à maintenir en servitude les classes laborieuses, bras nus hier, ouvriers et paysans aujourd’hui ?

    Donc :

    ·   Salle blanche : Le rôle révolutionnaire de la bourgeoisie (et de Robespierre)

    ·   Salle noire : Le rôle réactionnaire de la bourgeoisie (et de Robespierre) contre les « bras nus ».

    Robespierre, pour ma part, mérite une majorité de boules blanches : ses qualités furent énormes pour mettre en place un nouveau système, plus propre au développement de l’humanité.

    Les limites de ce système reposent sur les conditions historiques objectives, et il ne pouvait pas aller plus loin et sortir du cadre qui lui était imposé. En conséquence, il ne pouvait créer qu’un système capitaliste et bourgeois, qui est celui du XIX° siècle. C’est à nous de poursuivre l’œuvre, si nous voulons aller plus loin.

    Un révolutionnaire qui avait 20 ans en 1789 (Age de Napoléon 1°, né en 1769), a 30 ans en 1799, 45 ans en 1814, 61 ans en 1830 et 79 ans en 1848, date de la seconde République.

    La bourgeoisie, quand elle a combattu le féodalisme, pour renforcer le capitalisme, n’a jamais triomphé en une seule nuit, ou en une seule bataille.

    La Révolution a contribué à implanter la nation, l’Etat, la propriété, la famille, l’éducation,… bourgeoises.

    Les frères et sœurs qui invoquent la république en fin de tenue devraient préciser de quelle république ils parlent. En effet :

    o  La première république a régressé de façon réactionnaire après le 9 Thermidor, voyant l’instauration du Directoire, de la dictature napoléonienne, puis la Restauration ;

    o  La seconde république de 1848 a fait tirer sur le peuple, conduisant à la victoire du plébiscite en faveur de Napoléon III ;

    o  La naissance de la troisième république est née sur l’extermination de la Commune de Paris en 1871 (30 000 morts) ;

    o  Les quatrième et cinquième républiques ont vu le développement des guerres coloniales (Indochine, Algérie,…) et la trahison du parti communiste français.

    Il s’agit donc là de républiques bourgeoises. Les seules républiques ayant tenté d’instaurer des valeurs de fraternité et d’égalité sont les tentatives de 1792 à 1794 et de la Commune de Paris en 1871 !

    Ma conclusion est donc mitigée : Historiquement, il ne pouvait en, être différemment. Oui, Robespierre a été un grand révolutionnaire, et il mérite beaucoup de respect. Cinq boules blanches. Mais cela a été un révolutionnaire bourgeois. Une boule noire. Et donc son œuvre doit être continuée et approfondie contre l’oppression politique, religieuse et militaire.

     

    Concernant la plupart des francs-maçons (et des francs-maçonnes) du XVIII° siècle, leur origine sociologique est incontestablement la noblesse, le clergé et une partie de la haute-bourgeoisie. Cette maçonnerie n’a rien à voir ave la maçonnerie du milieu du XIX° siècle, qui est plutôt d’origine petite-bourgeoise. Sans aucun doute, la maçonnerie n’aurait pas accepté de côtoyer dans les mêmes loges ce public-là. C’est sans doute par réaction aux grands-bourgeois, dont notamment les bourgeois de robe, ou les intellectuels, qu’ont été créés la « hauts-grades », dont les grades de chevalerie : un des objectifs cachés était de mettre une certaine distance entre la noblesse de sang et ce nouveau public dans les loges.

    Néanmoins, comme beaucoup de mouvements révolutionnaires, ce sont les nantis qui ont amorcé le mouvement : par exemple les partisans d’une monarchie « éclairée », constitutionnelle, à l’image de celle que l’on supposait avoir été mise en œuvre en Angleterre. Ou bien encore certains nobles ayant combattu dans le cadre de la Révolution américaine, pour instaurer une société plus libérale. C’est donc notamment parmi une partie de la noblesse qui fréquente les loges maçonniques que l’on trouve les partisans de la R évolution française qui ont amorcé le mouvement, ensuite rapidement repris en main, et aussi amplement amplifié par la petite-bourgeoisie de province, tel Robespierre et Saint-Juste, encore poussé plus loin par les « bras nus », poussé jusqu’à un point où les représentants de la classe bourgeoise ne voulaient pas aller : ceux-ci ont alors stoppé avec brusquerie le mouvement.

     

    PARRALELE ENTRE LA SITUATION D’AVANT 1789 ET LA SITUATION D’AUJOURD’HUI :

    o  Avant 1789 : La noblesse accepte de fréquenter la bourgeoisie dans les salons, mais elle la rejette de la direction de la cité et entend se réserver les meilleures places.

    o  Aujourd’hui : La bourgeoisie gère la cité et rejette le peuple.

     

    o  Avant 1789 : La crise intervient dans un pays qui, depuis un demi-siècle, s’est enrichi.

    o  Aujourd’hui : après les 30 Glorieuses, la bourgeoisie a continué de s’enrichir, alors que le peuple connaît les 50 Piteuses.

     

    o  Avant 1789 : La noblesse ne pouvait plus diriger, et la bourgeoisie avait le pouvoir réel, le pouvoir économique.

    o  Aujourd’hui : La partie gauche et la partie droite de la bourgeoisie dominante jouent le rôle de l’alternance parlementaire, afin d’éviter l’expression de la démocratie directe. Le socialisme et la dictature du prolétariat n’a jamais été essayée, sauf pendant soixante douze jours lors de la Commune de Paris en 1871 : pourquoi ne pas essayer ?

     

    Nécessité de la dictature sur les privilégiés, très minoritaires (1 % de la population) tout comme Robespierre a exercé une dictature sur la noblesse (300 000 personnes pour une population totale de 28 millions d’habitants). .

     

    Quelque part, pour son époque, Robespierre a voulu réaliser l’idéal maçonnique dans la société du XVIII° siècle :

    o  Contre la peine de mort, du point de vue social (crime,…) mais pour la peine de mort du point de vue politique ;

    o  Dictature de la majorité sur la minorité, mais démocratie directe pour la majorité ;

    o  La minorité de l’époque : les nobles. La minorité est opposée au changement. Puissance de l’ancien par rapport au nouveau ; Risques intérieurs et extérieurs ; nécessité de la Terreur pour consolider le nouveau. Marat : 300 000 sur 28 millions d’habitants.

    o  Quelle mort ? La gorge tranchée.

     

    Droit à l’existence : au-dessus des lois, au-dessus du droit de propriété. Aujourd’hui : ceux qui ont faim, ceux qui meurent de froid, parce que pas de logement.

     

    ROBESPIERRE EST UN FRANC-MACON SANS TABLIER.

    Théorie et pratique : Les francs-maçons délibèrent, font des planches, égrènent des idéaux au fil de conférences, et le tour est joué. En fait, ils croient s’en sortir en ayant « discuté de ces grands principes », alors qu’ils prennent l’engagement de « répandre au dehors du temple les vérités acquises ».

    Les régimes politiques s’étaient succédés depuis 1789, avec une rapidité si vertigineuse, que l’art de renier ses opinions et de saluer le soleil levant était cultivé comme une nécessité de la lutte pour l’existence.

    Châteaubriand s’étonne « Qu’il y ait des hommes, qui après avoir prêté serment à la république une et invisible, au Directoire en cinq personnes, au Consulat en trois, à l’Empire en une seule, à la première Restauration, à l’acte additionnel à la seconde Restauration, ont encore quelque chose à prêter à Louis-Philippe ».

    « Hé, hé, disait Talleyrand, après avoir prêté serment à Louis-Philippe, Sire, c’est le treizième ! ».

    Les inégalités sociales ont mis au monde deux égalités de belle venue : l’égalité du ciel, qui pour les chrétiens compense les inégalités de la société et l’égalité civile, cette très sublime conquête de la Révolution sert aux mêmes usages. Cette égalité civile, qui conserve aux Rothschild leurs millions et leurs parcs, et aux pauvres leurs haillons et leur poux.

    Lors de la révolution, la contradiction principale oppose le féodalisme, et la bourgeoisie, classe montante, progressiste et révolutionnaire. Robespierre a su s’emparer de cette contradiction principale et la mener jusqu’au bout. En cela il a été un révolutionnaire conséquent et l’allié des clases populaires, sans-culottes et bras nus.

    Pour une situation où émerge clairement la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie, où elle s’aggrave et mûrit, le féodalisme doit être balayé.

    C’est la base de la raison pourquoi les ancêtres du prolétariat ont été les plus déterminés contre le féodalisme et ont lutté en première ligne. Parce que, plus le féodalisme est balayé par un combat paysan déterminé, plus émerge la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat, et les conditions favorables apparaissent pour la lutte de classe du prolétariat pour le socialisme.

     

    CHACUN JUGERA !

     

    La guillotine et le texte du serment maçonnique :

    « Moi, N....... sous l'invocation du Grand Architecte de l'Univers et en présence de cette Respectable Loge de Francs-maçons régulièrement réunie et dûment consacrée.

    De ma propre et libre volonté, je jure solennellement sur les Trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie de ne jamais révéler aucun des Secrets de la Franc-maçonnerie à qui n'a pas qualité pour les connaître ni de les tracer, écrire, buriner, graver ou sculpter ou les reproduire autrement.

    Je jure d'observer consciencieusement les principes de l'Ordre Maçonnique, de travailler à la prospérité de ma Respectable Loge, d'en suivre régulièrement les Travaux, d'aimer mes Frères et de les aider par mes conseils et mes actions.

    Je jure solennellement tout cela sans évasion, équivoque ou réserve mentale d'aucune sorte, sous peine, si je devais y manquer, d'avoir la langue arrachée et la gorge coupée, et d'être jugé comme un individu dépourvu de toute valeur morale et indigne d'appartenir à la Franc-maçonnerie».

     

    En 1791, un décret fixe que « tout condamné à mort aura la tête tranchée ».

    Cela correspond au geste de couper la gorge, acte réservé aux maçons félons.

    Du symbole à la réalité : on peut doc dire que la guillotine est une façon non symbolique de punir les maçons félons à leur serment d’égalité.

    La première exécution aura lieu le 25 avril 1792, elle s’appliquera à un bandit de grand chemin.

    Pendant la Terreur, de septembre 1793 à juillet 1794, près de 50 guillotines seront installées en France, et quelques 20000 personnes seront exécutées. La guillotine fonctionnera pour la dernière fois en 1977, et la peine de mort sera abolie en 1981.

     

    Noms de la guillotine :

    Abbaye de Monte-à-Regret : Il fallait monter treize marches. Celles-ci ont été supprimées en 1871 (ce n’est plus un objet de spectacle). Terrible abbaye sur le seuil de laquelle le condamné se séparait du monde et de sa tête. Ceux qui y montent le font sûrement à regret.

    Bascule : Allusion à la planche qui bascule pour pousser le condamné sous la lunette.

    Cracher dans le sac : être guillotiné.

    Cramper avec la Veuve, épouser la Veuve : Faire l’amour avec la guillotine. C’est le bourreau qui remplit le rôle  de maire et les aides servent de témoins pour ce mariage forcé.

    La Cravate à Capet : Guillotine.

    Eternuer dans le sac, dans le son : Etre guillotiné. Allusion au sac de son destiné à étancher le sang du supplicié.

    Fenêtre (mettre la tête à la) : Allusion au passage de la tête dans la lunette.

    Fin de la Soupe : être guillotiné

    Petite Louison, Louisette : Du docteur Antoine Louis. Surnom de la guillotine.

    Lunette (passer à) : être guillotiné

    Lorsque la guillotine n’a pas encore servie, on l’appelle Mademoiselle.

    La Lucarne : La guillotine

    Le Moulin à silence : guillotine

    Rasoir national : La guillotine

    La Veuve : Elle voit mourir tous les hommes couchés sur sa planchette. Le guillotiné épouse la Veuve.

     

    Envoyer des francs maçons à la guillotine, c’est à la fois :

    o  Les reconnaître comme francs-maçons, c’est-à-dire des personnes prônant des principes maçonniques d’égalité et de liberté ;

    o  Et aussi considérer que ces francs-maçons ont trahi leurs engagements.

     

    Hymne à l'Etre suprême. Paroles de Desorgues, musique de Gossec. Hymne chanté à la fête de l'Etre suprême (1794)

     

    "Le peuple français reconnaît l'être suprême et l'immortalité de l'âme" Ce genre de chose pouvait se décréter sous la révolution, et c'est ce qui arriva le 26 Floréal an II par un arrêté de la commune. C'est Robespierre qui est à l'origine de ce décret dans son discours à la convention le 18 Floréal an II. La raison seule ne pouvait plus guider le peuple français, il lui fallait une croyance.
    Il fut donc arrêté que le 20 Prairial an II, une fête serait célébrée en l'honneur de l'être suprême. Un hymne fut commandé pour l'occasion, et la fête célébrée pour la première et dernière fois sous la présidence de Robespierre, promu "Pontife de l'être suprême" pour l'occasion. Par une étrange ironie, Robespierre et ses collègues n'hésitaient pas à envoyer chaque jour plusieurs dizaines de personnes à la guillotine vérifier cette immortalité de l'âme qu’ils étaient en train de décréter ! Cinquante jours plus tard, c'était Thermidor.

    Père de l'Univers, suprême intelligence
    Bienfaiteur ignoré des aveugles mortels

    Tu révélas ton être à la reconnaissance

    Qui seule éleva les autels. 

    Ton temple est sur les monts, dans les airs, sur les ondes
    Tu n'as point de passé, tu n'as point d'avenir

    Et sans les occuper, tu remplis tous les mondes

    Qui ne peuvent te contenir 

    Tout émane de toi, grande et première cause
    Tout s'épure aux rayons de ta divinité

    Sur ton culte immortel, la morale repose

    Et sur les mœurs, la liberté. 

    Pour venger leur outrage et la gloire offensée
    L'auguste liberté, ce fléau des pervers

    Sortit au même instant de la vaste pensée

    Avec le plan de l'univers. 

    Dieu puissant ! Elle seule a vengé ton injure
    De ton culte elle-même instruisant les mortels

    Leva le voile épais qui couvrait la nature

    Et vint absoudre tes autels. 

    O toi ! Qui du néant ainsi qu'un étincelle
    Fis jaillir dans les airs

    L'astre éclatant du jour

    Fais plus... verse en nos cœurs ta sagesse

    Embrasse nous de ton amour. 

    De la haine des Rois, anime la Patrie
    Chasse les vains désirs, l'injuste orgueil des rangs

    Le luxe corrupteur la basse flatterie

    Plus fatale que les tyrans. 

    Dissipe nos erreurs, rends nous bons, rends nous justes
    Règne, règne au delà de toute illimité

    Enchante la nature à tes décrets augustes

    Laisse à l'homme sa liberté. 

     

    Robespierre, franc-maçon ?

    Il semble que Robespierre n’était pas franc-maçon. Mais selon l’extrait ci-dessous, son grand-père paternel et son père l’étaient peut-être :

     

    Gustave Gautherot : Revue d'histoire de l'Église de France

    Garât, témoin irrécusable, qualifiait son éloquence de « bavardage insignifiant », de « rabâchage éternel sur les droits de l'homme, sur la souveraineté du peuple, sur les principes dont il parlait sans cesse et sur lesquels il n'a jamais répandu une seule vue un peu exacte et neuve. »

    Tout cela nous promet un spectacle excessivement intéressant pour le jour où s'élèvera — enfin — la statue... Mais les « robespierristes » l'emporteront-ils, et, s'ils triomphent, que nous faudra-t-il en penser?

    M. Hector Fleischmann commence ainsi l'une de ses plus attachantes études : « La vie de Robespierre respire cette tristesse majestueuse de la tragédie dont parle si divinement Jean Racine... » Triste et tragique, elle l'est à coup sûr; pour ce qui est de sa « majesté », c'est une autre affaire !

    Maximilien naquit en 1758, à Arras, rue des Rats- Porteurs. Vers le haut bout de cette rue « longue, étranglée, obscure, » « au coin d'une ruelle qu'éclaire une lanterne fumeuse, » se voit une maison basse et grisâtre, d'aspect lugubre. C'est là que s'était établie en 1720 la famille Derobespierre — en un seul mot. Son chef, François (grand-père de Maximilien), avocat au Conseil d'Artois, figure dans un brevet maçonnique de 1745 dont voici le début : « Nous Charles- Edouard Stuwart, prétendant, roi d'Angleterre, de France, d'Ecosse et d'Irlande, en cette qualité le G.'. M.', du chap.'. d'Hérodon, connu sous le titre de Chevalier de l'Aigle du Pélican,... voulant témoigner aux maçons artésiens combien nous sommes reconnaissants envers eux... de leur attachement à notre personne pendant le séjour de six mois que nous avons fait en cette ville [d'Arras], nous avons en leur faveur créée (sic) et érigé, créons et érigeons par la présente bulle en ladite ville d'Arras, un Souverain Chapitre Primatial et Métropolitain de R.\ C.\ sous le titre distinctif d'Ecosse jacobite, qui sera régi et gouverné par les chevaliers Lagneau, Derobespierre, tous deux avocats; Hazard et ses deux fils, tous trois médecins; J.-B. Lucet, notre tapissier; et Jérôme Cellier, notre horloger.... »

    Le grand-père de Robespierre était donc haut dignitaire de la franc-maçonnerie jacobite à l'Orient d'Arras.

    Son père, comme l'a établi M. G. d'Orcel dans la Revue britannique fit partie du même chapitre, puis disparut subitement, vers 1766, après la mort prématurée de sa femme, sans qu'on ait jamais su où il alla mourir.

     

    Il convient de bien distinguer deux étapes :

    1.       De 1789 à 1792, où l’on tente de concilier la monarchie et la révolution ;

    2.     De 1792 à 1795 : C’est l’instauration de la république bourgeoise. « La liberté ou la mort »

    Avec le 9 Thermidor, il est mis fin à la révolution sociale et il faudra attendre la Commune de Paris de 1871 pour que le mouvement reprenne véritablement.

    Aussi, lorsqu’un maçon clame : « Vive la République ! », il s’agit de la république égalitaire, fondée en 1792, complétée en 1871. Mais il reste du travail à accomplir pour instaurer cette république en France.

    Concernant Robespierre, il convient de se méfier de la légende noire apparue dès son élimination ! On lui en prête beaucoup ! On a chargé sa personne, pour, à la fois, en finir avec la Terreur, et empêcher le développement vers une révolution plus sociale. La légende noire a bien fait son œuvre, puisque aujourd’hui, certaines personnes n’hésitent pas à comparer Robespierre avec Hitler, Pol Pot ou Staline. Selon cette légende noire, on prête à Robespierre les paroles suivantes : « Toi qui passe ici, ne t’apitoie pas sur mon sort, car si j’étais vivant, tu serais mort ».

    Robespierre a contribué à ce coup d’arrêt :

    ·   Représentant de la bourgeoisie, il ne s’est pas préoccupé de l’aspect social : il a accepté le salaire maximum, la propriété bourgeoise,… Il a donc contribué à mettre en place un système économique capitaliste.

    ·   Il voulait instaurer une religion bourgeoise d’Etat, reprenant la théorie déiste de Rousseau.

    ·   En particulier, il a affaibli sa position en éliminant les Enragés, partisans, eux, d’un approfondissement social de la révolution.

    Certains auteurs estiment le nombre de morts de la période de la Révolution à 1 000 000, dont environ 500 000 morts pour la seule guerre civile de Vendée, sur une population française total de 28 millions d’habitants. Pour la guerre de Vendée, certains historiens estiment le nombre de morts, du côté des Blancs à 170 000 victimes (femmes, enfants et vieillards inclus).

    Dans cette mathématique funèbre, il convient de distinguer les morts des deux camps, et aussi de s’interroger de ce qu’il serait advenu des révolutionnaires en cas de victoire des contre-révolutionnaires, que ce soit les émigrés, ou les troupes étrangères. Le Duc de Brunswick avait menacé de raser Paris !

    Le but de la révolution bourgeoise est d’abolir la propriété féodale et d’instaurer la propriété capitaliste.

    En France, le prolétariat (représenté par les sans-culottes, puis Babeuf), s’est manifesté dans la révolution antiféodale, en agissant comme force de pression sur les partis bourgeois qu’il a aidé à se hisser au pouvoir, en poussant la radicalisation de ces différentes fractions, jusqu’à ce qu’un coup d’arrêt se produise le 9 Thermidor. Dans la mesure où les conditions d’une révolution prolétarienne n’étaient pas réunies, le prolétariat ne pouvait qu’être battu.

    Dans la mesure où une partie de la bourgeoisie a peur du développement révolutionnaire (comme les Girondins), il revient au prolétariat d’accomplir les tâches de la révolution bourgeoise.

    Dans cette perspective, Robespierre a tenté de mener le plus loin possible la révolution bourgeoise, tout au moins aussi loin que lui permettaient d’aller les conditions objectives.

    Cependant il n’a jamais ni su ni osé poser la question de la propriété sociale. Dans ces conditions, les principes (égalité de tous, suffrage,…) ne pouvaient que demeurer bourgeois, hypocrites et bourgeois.

    Du point de vue de la laïcité, s’il a participé activement à la lutte contre le christianisme et pour la reconnaissance des religions juive et protestante, il n’a pas su aller jusqu’à l’instauration d’une véritable laïcité et d’une séparation de l’Eglise et de l’Etat ; il a au contraire tenté d’instaurer une religion d’Etat, le culte de l’Etre suprême.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    B.                     La Commune de Paris de 1871  

     

    Chaque année, le 1° mai, les francs-maçons du Grand Orient de France rendent hommage aux martyrs de la Commune de Paris  chemin des Acacias, au Mur des Fédérés, au cimetière du Père-Lachaise, notamment à ceux qui se sont engagés le 29 avril 1871, pour que l’idéal de Liberté, d’Egalité et de Fraternité soit autre chose qu’une devise inerte, inscrite sur le fronton des édifices publics.

    Cependant, tous les francs-maçons n’étaient pas « communards », ou ne soutenaient pas ce mouvement.

    Marc Vieillard a écrit dans Le Temple de Prométhée – Franc-maçonnerie et engagement politique : «  La commune de Paris laisse les obédiences profondément divisées. Si les loges parisiennes se sont massivement ralliées en 1871 à l’insurrection de la capitale, la province, elle, s’est affichée comme défenderesse patentée de l’ordre établi. La maçonnerie des notables soutient Thiers dans sa répression inique des Communards. (…) » Le préfet Babaud-Larivière, Grand Maître, « a promis à Thiers une franc-maçonnerie respectueuse des lois, quelles que soient ces lois et la nature du régime dont elles découlent. » (…) « Les dirigeants du Grand Orient restent de marbre devant le massacre des trente mille Parisiens assassinés par les troupes versaillaises, comme une grande partie des frères au demeurant. »

     

    LA MACONNERIE EN 1871 :

    En 1870, on compte environ 18000 francs-maçons au Grand Orient de France et 6000 au rite écossais.

    Il existe à l’époque deux obédiences maçonniques, le Grand Orient de France, qui regroupe un peu plus de 300 loges avec 15000 membres actifs environ, dont plus de 4000 à Paris, et le Suprême Conseil de France, qui réunit à peu près 5000 adhérents dont près de 2000 membres à Paris.

    Les francs-maçons des loges de Paris et de la banlieue furent très actifs au cours de la Commune. Environ le quart des élus de la Commune sont francs-maçons.

    Le 2 avril 1971, l’une des premières mesures est la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la suppression du budget des cultes.

    Le frère Raoul Rigault se montre particulièrement actif dans la laïcisation des services publics, notamment des hôpitaux.

    Le frère Edouard Vaillant est le fondateur de l’école laïque, dont il jette les bases par son arrêté du 22 mai, instituant la gratuité, créant les premières écoles primaires de filles et les collèges professionnels.

    Les frères Adolphe Assi et Benoît Malon proposent des coopératives de production. La solidarité envers les plus démunis trouve tout son sens dans l’interdiction des expulsions pour loyers impayés et le décret du frère Jourde daté du 7 mai, permettant aux débiteurs de retirer du Mont de piété les objets de petite valeur, vêtements, meubles, outils de travail.

    Les exemples sont nombreux de mesures prises durant la Commune et qui seront abolies par l’ordre réactionnaire de Mac-Mahon. Certaines seront reprises des années plus tard par des maçons bourgeois, l’école laïque par le frère Jules Ferry ou la séparation de l’Eglise et de l’Etat par le frère Emile combes.

     

    Les frères parisiens des deux principales obédiences d’alors, le Grand Orient et le Suprême Conseil (d’où sera issue la Grande Loge de France en 1894) sont unis. Les frères Jules Vallès et Thirifocq par exemple, sont membres de loges du Suprême Conseil.

     

    LES TROIS COMPOSANTES DE LA FRANC-MACONNERIE :

    Depuis sa création au début du XVIII° siècle, la franc-maçonnerie a toujours représenté les composantes les plus aisées des sociétés au sein desquelles elle s’est développée.

    Dans la France de 1871, les ouvriers et les artisans sont, du moins à Paris, représentés dans les loges. C’est ce qui explique que l’on trouve de nombreux francs-maçons parmi les responsables de la Commune : ils y sont, en gros, un tiers. Les instances maçonniques dirigeantes – Conseils de l’Ordre – s’opposent par contre à la Commune et dénoncent la participation des frères. Il y a beaucoup de francs-maçons hostiles au mouvement communard et certains d’entre eux sont engagés dans les rangs versaillais.

    La Commune de Paris et la franc-maçonnerie partagent de nombreuses valeurs : la défense des principes républicains, la liberté politique et associative, la justice sociale, la laïcité, l’éducation, …

    Outre les Communards et le Versaillais, une troisième tendance comporte des francs –maçons qui vont jouer un rôle de médiateurs entre la Commune et les Versaillais. Les conciliateurs vont se heurter à l’intransigeance de Thiers, ce qui va conduire finalement les frères parisiens à s’engager massivement aux côtés des communards pour combattre Versailles. Ils le payeront de leur sang.

    D’une manière générale, les Conseils de l’Ordre, organes dirigeants des obédiences, sont très réticents à l’égard de la Commune et donnent aux frères des consignes de neutralité. Ces ordres ne seront pas suivis par la base.

    En mars 1871 commence la Commune de Paris, dans laquelle les francs-maçons de la capitale s'impliqueront fortement. Le Frère Thirifocq, militant socialiste, membre de la loge « le libre Examen » du Suprême conseil de France demande que les bannières maçonniques soient plantées sur les remparts et qu'elles soient « vengées » dans le cas où elles seraient trouées par les balles des Versaillais. De nombreux francs-maçons figurent parmi les révolutionnaires, dont Jules Vallès ou Élisée Reclus. Le 29 avril 1871 eut lieu une grande manifestation rassemblant devant les forces versaillaises plusieurs milliers de francs-maçons des deux obédiences derrière des dizaines de bannières. Cette manifestation fut suivie de l'entrevue entre les deux émissaires de la Commune (dont Thirifocq) et Adolphe Thiers, qui se solda par un échec puis par l'écrasement de la Commune par les Versaillais. Contrairement à celles de Paris, les loges de province ne soutinrent pas la Commune et, dès la fin de celle-ci, le Grand Orient désavoua officiellement l'action des loges parisiennes pour se rallier à Thiers et à la Troisième République dans laquelle il fut amené à jouer un rôle de premier plan.

     

    Les francs-maçons se rallient à la Commune :

    Le 21 avril, quand ils avaient demandé l’armistice, les francs-maçons s’étaient plaints de la loi municipale récemment votée par l’Assemblée.

    « Comment, leur avait répondu Thiers, mais c’est la plus libérale que nous ayons eue depuis 80 ans »

    « Pardon, et nos institutions communales de 1791 ? »

    « Ah ! Vous voulez revenir aux folies de nos pères ? »

    « Mais enfin, vous êtes donc résolu à sacrifier Paris ? »

    « Il y aura quelques maisons de trouées, quelques personnes de tuées, mais force restera à la loi. »

    Les francs-maçons avaient affiché dans Paris cette horrible réponse.

    Le 26 avril, les francs-maçons avaient envoyé des deux orients de Paris, une délégation des vénérables et des députés des loges, conduite par Gabriel Ranvier, adhérer à la révolution. Cette délégation a été reçue dans la cour d’honneur de l’Hôtel de Ville, par le frère Louis Thirifocq, de la loge Ecossaise La Justice n°133, qui déclare : « Si au début, les Francs-maçons n’ont pas voulu agir, c’est qu’ils tenaient à acquérir la preuve que Versailles ne voulait entendre aucune conciliation. Ils sont prêts, aujourd’hui, à planter leurs bannières sur les remparts. Si une seule balle les touche, les Francs-maçons marcheront d’un même élan vers l’ennemi commun. ». Il avait été convenu que le 29, ils iraient en cortège sur les remparts.

    Ils étaient là 6000, le 29 avril, à 9 heures, répondant à l’appel de 55 loges. Une loge féminine est tout particulièrement applaudie. Accueilli à l’Hôtel de Ville par le frère Félix Pyat, celui-ci déclare : « Frères, citoyens de la grande patrie, de la patrie universelle, fidèles à nos principes communs : Liberté, Egalité, Fraternité, et plus logiques que la Ligue des Droits de Paris, vous Francs-Maçons, vous faites suivre vos paroles de vos actions. Aujourd’hui, les mots sont peu, les actes sont tout. Aussi, après avoir affiché votre manifeste – le manifeste du cœur – sur les murailles de Paris, vous allez maintenant planter votre drapeau d’humanité sur les remparts de notre ville assiégée et bombardée. Vous allez protester ainsi contre les balles homicides et les boulets fratricides, au nom du droit et de la paix universelle ». Cette allocution est suivie d’applaudissements et de cris : « Vive la République ! Vive la Commune ! ».

    Les bannières maçonniques sont plantées depuis la porte Maillot jusqu’à la porte Bineau, sous les obus que les Versaillais tirent du Mont Valérien.

    Quelques jours après, un ballon, marqué des trois points symboliques, s’élève dans les airs, d’où il sème d’innombrables exemplaires du Manifeste maçonnique du Cinq Mai, appelant les frères de France et du monde entier à la lutte en faveur des communes de France fédérées avec celle de Paris.

    Contrairement à celles de Paris, les loges de province ne soutinrent pas la Commune et, dès la fin de celle-ci, le Grand Orient de France désavoue officiellement l’action des loges parisiennes pour se rallier à Thiers et à la troisième République.

    Au siège du Grand Orient de France, rue Cadet, transformé en hôpital pour blessés, s’alignent chaque jour un peu plus, des cercueils de communards sur lesquels sont posés leurs insignes maçonniques.

    Après le Commune, de nombreux communards entreront en maçonnerie, à leur retour en France, ou à l’étranger. Parmi eux, Maxime Vuillaume, Gaston Da Costa, Paschal Grousset, Camélinat, Jean Baptiste Clément, Augustin Avrial, Assi…

    Lors de chaque période cruciale de l’histoire de France, par exemple, la révolution de 1789, la Commune de 1871, la Résistance de 1940,…, la maçonnerie se scinde en deux ou trois parties :

    ·   Une première partie qui s’oppose à l’avancée de l’histoire et prend partie pour les classes rétrogrades et réactionnaires, la noblesse et le haut clergé en 1789, la grande bourgeoisie en 1871,…

    ·   Une seconde partie qui se range du côté de la classe montante résolument : la bourgeoisie triomphante en 1789, le prolétariat, en 1871,…

    ·   Une troisième partie se compose du « marais », et a tendance, au début du processus de changement de tenter de concilier les deux camps irrémédiablement opposés.

    Il est regrettable que la franc-maçonnerie, hier comme aujourd’hui, n’intègre que des personnes de la classe moyenne et fasse l’impasse sur les classes populaires. Il en est ainsi notamment des ouvriers, ainsi que des femmes du peuple qui ont joué un rôle essentiel dans l’instauration de la Commune de Paris, mise à l’écart justifiée par des arguments financiers, la cherté de la cotisation.

     

    FRANCS-MACONS FAVORABLES A LA COMMUNE :

    Jules Henri Marius Bergeret (1830-1905) :

    Charles Victor Beslay (1795-1878) :

    Louis-Auguste Blanqui (1805-1881) : Fondateur du journal Ni Dieu, ni maître, il est membre de plusieurs loges : les Amis de la Vérité, le Temple des Amis de l’Honneur Français et le Lien des Peuples.

    Karl Marx déclare dans La guerre civile en France (la commune de Paris), 1871 : « Le véritable meurtrier de l’archevêque Darboy, c’est Thiers. La Commune, à maintes reprises, avait offert d’échanger l’archevêque et tout un tas de prêtres pardessus le marché, contre le seul Blanqui, alors aux mains de Thiers. Thiers refusa obstinément. Il savait qu’avec Blanqui, il donnerait une tête à la Commune. »

    Jean-Baptiste Clément (1836-1903) : Initié à la Loge « Les Rénovateurs » en 1898. Membre de la loge des Rénovateurs. Le Temps des Cerises est considéré comme l’hymne de la Commune, que les communards sifflaient sur les barricades.

    Louis Gaston Isaac Crémieux (1836-1871) : Fusillais par les Versaillais pour sa participation à la Commune de Marseille. Ardent franc-maçon. C’est l’époque où des francs-maçons blanquistes et républicains (alors jugés d’extrême gauche) tentent d’entraîner leurs Frères dans la voie de la lutte révolutionnaire, au service des valeurs de la République, démocratique et sociale. Ceux des Amis choisis fondent le 11 février 1868 un comité central d’initiative des loges comprenant dix commissaires : Barne, Brochier, Carriol, Chappuis, Crémieux, Pleuc, Dhionnet, Massip, Rouvier et Adolphe Royannez, Ainsi qu’une caisse centrale de secours.

    Jaroslaw Dombrowski (1836-1871) :

    Emile Eudes (1843-1888) : Initié à la loge l’Ecossaise 133

    Gustave Flourens (1838-1871) : Initié le 12 juin 1866 à la loge l’Union d’Orient

    Henry Fortuné (1821-1882) : Il participe le 29 avril à la manifestation des Francs-maçons demandant une trêve.

    Guiseppe Garibaldi (1807-1882) : Garibaldi est Grand Maître de presque toutes les obédiences italiennes. Initié à la maçonnerie en 1844 dans la loge « Asilo de la Virtud », de Montevideo, Uruguay, il rejoint la loge du Grand Orient de France « Les amis de la patrie ».

    François Jourde (1843-1893) :  

    Napoléon La Cécilia (1835-1878) :

    Adolphe Gustave Lefrançais (1826-1901) : Initié le 27 octobre 1863 à la loge l’Ecossaise 133 et affilié en 1866 à l’Union Parfaite de la Persévérance.

    Commune de Marseille : Elle dure quatorze jours, du 22 mars au 5 avril 1871. La Loge « La Réunion des Amis choisis » du Grand Orient, formée de républicains et de blanquistes, fonde, pour entraîner les autres loges, le 11 février 1868, un Comité central d’initiative des loges de dix membres : l’avocat Gaston Crémieux, Barne, Brochier, Chappuis, de Pleuc, Dhionnet, Massip, Rouvier et Adolphe Royannez. Parallèlement voient le jour l’Association phocéenne de l’Enseignement, de l’Instruction et de l’Education des deux sexes et la Caisse Centrale de Secours.

    Simon Mayer : Initié en 1867 à l’Union Parfaite de la Persévérance

    Benoît Malon (1841-1893) : Militant ouvrier, communard, journaliste, écrivain.

    Louise Michel (1830-1905) : Militante anarchiste, aux idées féministes et l’une des figures majeures de la Commune de Paris.

    Eugène Pottier (1816-1887) : Créateur de l’Internationale.

    Eugène Protot (1839-1921) : Initié le 3 mai 1866

    Félix Aimé Pyat (1810-1889) :

    Gabriel Ranvier (1828-1879) : Initié le 7 décembre 1863. Blanquiste. Peintre et décorateur sur porcelaine.

    Elie Reclus (Jean-Pierre Michel Reclus) (1827-1904):  

    Elisée Reclus (Jean Jacques Elisée Reclus) (1830-1905) : Géographe, militant et penseur de l’anarchisme. Il participa à des congrès d’organisations ouvrières (notamment AIT, Ligue de la Paix et de la Liberté). En 1860, en compagnie d’Elie, Elisée est admis dans une loge maçonnique (Les Emules d’Hiram). Il n’y fut jamais actif et au bout d’un an, il quitte la franc-maçonnerie, ne supportant pas l’esprit qui y régnait.

    Raoul Rigault :

    Victor Henri de Rochefort, plus connu sous le nom d’Henri Rochefort (1831-1913) : Membre des Amis de la Renaissance. Au retour du bagne de Nouvelle-Calédonie, il se rapproche progressivement du boulangisme et de l’extrême droite. Lorsqu’éclate l’affaire Dreyfus, il laisse libre cours à son antisémitisme pour mener campagne avec les « anti ».

    Emile Thirifocq (1824-1900) : Membre de la loge Le Libre Examen du Suprême Conseil. Militant socialiste. Il est initié le 9 janvier 1850 à la loge Jérusalem Ecossaise 99 du Suprême Conseil, en devient le secrétaire l’année suivante, l’orateur en 1854 et le vénérable en 1864. Il est déiste. En 1869, orateur de la première section de la Grande Loge Centrale, il défend vainement le maintien de la croyance en « une puissance infinie désignée sous le nom de Grand Architecte de l’Univers. » En 1870, il rallie la loge naissante, Le Libre Examen, destinée à regrouper des déistes rationnels qui poursuivent avec l’Alliance religieuse universelle le chimérique espoir de réaliser une synthèse des religions.

    Jules Vallès (1832-1885) : Nom de plume de Jules Louis Joseph Vallez. Journaliste, écrivain et homme politique d’extrême gauche.

    Auguste-Jean-Marie Vermorel (1841-1871) :

    Walery Wroblewski (1836-1908): Après la Commune, il siège au Conseil général de l’Association international des travailleurs.

     

    MACONS OPPOSES À LA COMMUNE :

    Léonide Babaud-Larivière (1819-1873) : Elu Grand-maître du Grand Orient de France en 1870. Il est par la suite nommé préfet des Pyrénées Orientales (1872-1873).

    Louis Blanc : En 1870-1871, c’est un traître à la cause révolutionnaire, soutenant la cause de l’amnistie.

    Isaac-Jacob Crémieux, plus connu sous le nom d’Adolphe Crémieux (1796-1880) : Membre du gouvernement de la Défense nationale, du 4 septembre 1870 au 17 février 1871, comme Ministre de la Justice. Initié en 1818, à la loge du Bienfait anonyme (à Nîmes), qui dépendait du Grand Orient de France. En 1860, il quitte le Grand Orient de France pour le Suprême Conseil de France, dont il devient le Souverain Grand Commandeur en 1869.

    Jules Ferry (1832-1893) : Le 8 juillet 1875, les francs-maçons donnent une grande solennité à sa réception par le Grand Orient de France (Loge « La Clémente Amitié »). Il y est reçu en même temps que Littré et que Grégoire Wyrouboff. Par la suite, Ferry appartiendra à la Loge « Alsace-Lorraine ».

    Léon Gambetta (1838-1882) : Initié en 1869 à la loge « La Réforme », à laquelle appartiennent également Gustave Naquet et Maurice Rouvier.

    Ernest Hamel (1826-1898) : Ancien vénérable de l’Avenir.

     

    Pierre-Antoine-Frédéric. Malapert (1815-1890) : Orateur du Suprême Conseil.

    Jean-Baptiste Alexandre Montaudon (1818-1899) : Général du 1° corps d’armée de l’armée versaillaise. Ses opinions politiques étaient celles d’un conservateur-monarchiste. Mais il refusa de tirer sur ses frères.

    Eugène Pelletan (1813-1884) : Initié franc-maçon en 1864 dans la loge l’Avenir, dont il devient vénérable, avant d’entrer au Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France.

    Jules Simon (1814-1896) : Ministre franc-maçon du gouvernement de Thiers.

    Etienne Philippe Théodore Tenaille-Saligny (1830-1889) : Un tablier du 18° degré lui appartenant a été retrouvé et est actuellement conservé dans son ancien Château d’Achun (58).

     

    FRANC-MACONS MEDIATEURS :

    Charles Thomas Floquet (1828-1896) :

    Edgar Quinet (1803-1875) : Membre du Grand Orient de France.

    Victor Schœlcher (1804-1893) : Il adhère à la franc-maçonnerie à la loge « Les Amis de la Vérité » puis à « La Clémente Amitié ».

     

    La Franc-maçonnerie a également joué un rôle dans las autres communes sur le territoire de la France.

    Ainsi, à Saint-Etienne, le journal l’Eclaireur, organe radical, est fortement influencé par la franc-maçonnerie. Thiers y est traité de « roi des Capitulards ». Le clergé y est vivement pris à partie. Ainsi fa franc-maçonnerie organise une souscription pour aider les familles de mobilisés, geste de solidarité et de patriotisme.

    A Rouen, dès avril 1871, les francs-maçons déclarèrent adhérer pleinement au manifeste officiel du conseil de l’ordre, qui porte inscrits sur son drapeau, les mots liberté, égalité, fraternité. – « Prêche la paix parmi les hommes, et au nom de l’humanité, proclame inviolable la vie humaine et maudit toutes les guerres, il veut arrêter l’effusion du sang et poser les bases d’une paix définitive, qui soit l’aurore d’un avenir nouveau.

    Voilà ce que nous demandons énergiquement, et si notre voix n’est pas entendue, nous vous disons ici que l’humanité et la patrie l’exigent et l’imposent. ».

    Signataires :

    Le président d’honneur de la maçonnerie rouennaise Desseaux

    Le vénérable des Arts réunis, Hédiard

    Le vénérable de la Constance éprouvée, Lorand

    Le vénérable de la Persévérance couronnée, E. Vienot

    Les T.°. S.°. des Arts réunis et de la Persévérance couronnée, Hédiard et Goudy

    Le président du conseil philosophique, Dieutie

    Par mandements des ateliers réunis et de l’Orient de Rouen, le secrétaire Jules Godefroy.

     

    L’Obédience du Grand Orient de France était foncièrement hostile à la Commune et favorable au gouvernement de Thiers.

    Depuis plus de 140 années, de Thiers à Furet, une véritable chape de plomb recouvre les œuvres et les idéaux de la Commune. A l’époque, les responsables de l’obédience du Grand orient de France avaient un comportement indigne, puisqu’ils avaient condamnés la Commune et en particulier les francs-maçons qui avaient participé à celle-ci. Lorsque cette Obédience commémore chaque 1° mai, au Mur des Fédérés, la Commune, le devoir de mémoire exige a minima un rappel de cette position, en contradiction flagrante avec les idéaux de « liberté, égalité, fraternité ».

     

    Le nouveau Suprême Commandeur du Suprême Conseil de France, de 1869 à sa mort en 1880, Adolphe Crémieux, est lui aussi réservé sur l’insurrection communarde. Néanmoins, le Suprême Conseil apparaît alors (à tort ou à raison), comme l’obédience qui a résisté à l’Empire. En effet, de 1860 à 1868, le Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France, Jean Pons Viennet, a lutté pied à pied pour maintenir l’indépendance de son obédience contre le GODF et son Grand Maître, le maréchal Magnan, nommé par Napoléon III. Les loges parisiennes du Suprême Conseil voient alors affluer les opposants au régime impérial, plus qu’au GODF, perçu alors comme une obédience « officielle ».

    La récupération s’effectue a posteriori. Au moment des Communes, le président du conseil de l’ordre du Grand Orient juge qu’il s’agit d’une « criminelle sédition qui ensanglante la France et déshonore la franc-maçonnerie ». Les maçons qui s’engagent ne sont pas soutenus au niveau national. Les dignitaires considèrent que les communards maçons sont des éléments isolés dont la franc-maçonnerie ne peut se réclamer. Certaines loges s’impliquent, mais les plus révolutionnaires feront l’objet de sanctions. La franc-maçonnerie revendique, en revanche, la Commune à partir de 1880, quand les communards seront amnistiés.

    A partir de la seconde moitié du XIX° siècle, la maçonnerie a profondément modifié son recrutement. Auparavant, les maçons appartenaient à la noblesse et à la haute bourgeoisie, accueillant quelques intellectuels de la petite-bourgeoisie. Une petite –bourgeoisie, encore très proche des ouvriers et des paysans, composée essentiellement de petits patrons, de commerçants, de petits fonctionnaires, d’employés, de vignerons, d’instituteurs, de médecins de campagne et d’aubergistes va peu à peu y devenir majoritaire.

    Ces nouveaux maçons ont encore leurs racines sociales dans les classes laborieuses. Ils ne sont pas acceptés par la haute bourgeoisie et ils en ont conscience à chaque instant de leur existence.

    « Metz, une ville … gérée comment ? Dans l’intérêt de qui ? (Cinquième partie)La fonction de la franc-maçonnerie (2) »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter