• La dictature du prolétariat (Partie 17)

    De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, la bourgeoisie commençait à peine sa lutte antiféodale pour une nation et pour la démocratie bourgeoise. Aussi, quand les intellectuels allemands disposèrent des concepts nés en France, ils ne purent en saisir avec précision le sens, et il y eut de nombreuses confusions, car la réalité économique et sociale que sous-tendaient ces concepts, était absente en Allemagne. Bientôt ce « socialisme » tout théorique, importé de France, devient une arme aux mains des gouvernants féodaux, pour s’opposer à la montée au pouvoir de la bourgeoisie : ce « socialisme » allemand devint un frein au progrès, utilisé pour empêcher la révolution bourgeoise en Allemagne. Si les théories socialistes, en France, prétendaient représenter les intérêts du prolétariat, et constituaient une critique de la société bourgeoise existante, en vue d’instaurer une société nouvelle, ces mêmes théories, « appliquées » à l’analyse de la situation en Allemagne, formaient une arme aux mains du gouvernement féodal, contre la montée de la bourgeoisie : on applique des phrases prises en France de façon stéréotypée, à des conditions différentes. En fin de compte, le socialisme « vrai » ou allemand représentait les intérêts de la petite bourgeoisie, qui était condamnée à disparaître par l’évolution historique, et qui voulait préserver son existence à tout prix, en maintenant le statut quo.

     

    Les tenants de ce socialisme « vrai » ressemblent par certains points, à ces idéologues de la bourgeoisie d’aujourd’hui qui, se basant sur les critiques émises contre les régimes pseudo socialistes, comme ceux de l’ex-URSS, prétendent que le capitalisme vaut mieux que ce « socialisme » là ! En réalité, ces idéologues veulent préserver le capitalisme et empêcher le déroulement de l’histoire, qui va vers l’instauration universelle du socialisme.

     

     

     

    CHAPITRE V

      

    « LITTERATURE SOCIALISTE ET COMMUNISTE »

      

    Ce troisième chapitre du Manifeste a pour objectif de situer le projet de Marx et Engels par rapport à tous ceux qui se réclament des idées communistes ou socialistes. L’intérêt de ce chapitre demeure purement historique car évidemment la chronologie s’arrête en 1847.

     

    Toutes sortes de personnes et de publications se réclament de l’idéologie « socialiste » ou « communiste » : que faut-il en penser ?

     

    En somme, le fait que chacun se donne le titre de « socialiste » signifie que c’est là une doctrine d’avenir, et que le mouvement ouvrier porteur de celle-ci constitue une force montante. Au XIX° siècle, les principales classes sociales sont : la bourgeoisie, le prolétariat, la petite bourgeoisie et l’aristocratie. Que sont les différentes doctrines socialistes ? Lorsque l’aristocratie se réclame du socialisme, cela donne le socialisme féodal, qui est une critique de la domination bourgeoise, qui vise non à l’instauration d’une société socialiste, mais un retour à l’ancien régime. Le socialisme petit bourgeois reflète également les intérêts de la petite bourgeoisie : son idéal est une société de la petite production. Les bourgeois se réclamant du socialisme veulent empêcher l’instauration d’un socialisme réel et la révolution prolétarienne : en général, ce sont des réformistes. Enfin, dans son enfance, le prolétariat développe un socialisme utopique, imaginaire, instinctif, qui est abandonné au profit du socialisme scientifique quand le prolétariat accède à l’âge adulte.

     

     

     

    1. Le socialisme réactionnaire :

     

    Dans la société du milieu du XIX° siècle, des individus, eux-mêmes étrangers à la classe ouvrière et aux intérêts de celle-ci, se réclament du socialisme. Quels buts poursuivent-ils en réalité ?

     

    Depuis un certain temps déjà – 1789 en France – la bourgeoisie est la classe maîtresse de la société. Elle possède l’essentiel des moyens de production importants, et exploite les travailleurs, ainsi que les autres classes sociales (paysans, artisans, classes moyennes).L’ancienne classe dominante (la noblesse, les féodaux) aspire à retrouver ses anciens privilèges. Mais c’est une classe dépossédée du pouvoir politique, qui ne détient aucune puissance économique réelle dans la nouvelle organisation sociale. Aussi, pour parvenir à ses fins, elle a tendance à rechercher l’appui de la classe ouvrière (et même à mettre celle-ci sous sa direction) encore peu développée, peu consciente de ses propres intérêts de classe, ceci afin d’arracher des acquis à la bourgeoisie. Les féodaux désirent un retour en arrière, au temps béni de leurs privilèges : leur ennemi, c’est la bourgeoisie. La bourgeoisie a un autre ennemi, en plein essor, c’est le prolétariat. Or, comme les ennemis de mes ennemis sont mes amis, les féodaux recherchent des alliés du côté du prolétariat, en vue de la Restauration de l’ancien régime. Aussi, ils font semblant d’oublier leurs propres intérêts et se présentent comme le porte-parole des intérêts des classes laborieuses.

     

    Les féodaux font alors, sous le nom de « socialisme », une critique, parfois pertinente du capitalisme, mais cette critique ne vise pas à supprimer le capitalisme pour le remplacer par une société supérieure, le communisme, mais bien à faire revenir l’histoire en arrière, à réinstaurer le féodalisme. Ils manquent tout à fait du sens de l’histoire et ne se rendent pas compte que c’est justement le féodalisme qui a créé les conditions permettant la naissance et l’essor du capitalisme, de la bourgeoisie et du prolétariat. Ils oublient que, étant donné le développement économique et social, ce retour au féodalisme est tout à fait impossible, et quand enfin ils réalisent cela, bien vite, ils s’intègrent dans la nouvelle société, deviennent de bons bourgeois, et des ennemis du prolétariat révolutionnaire.

     

    En prétextant des nombreux méfaits du capitalisme, les féodaux veulent un retour en arrière, alors que le capitalisme constitue un immense progrès par rapport au système féodal à tous les niveaux. Les féodaux de cet acabit ressemblent beaucoup aux idéologues bourgeois actuels qui, prétextant les erreurs commises dans les pays socialistes ou les retours en arrière (restauration du capitalisme dans les pays de l’ex- URSS, sous la forme d’un capitalisme monopoliste bureaucratique), affirment que le système capitaliste vaut mieux que le socialisme.

     

    Ainsi, dans les sociétés française et anglaise du début du XIX° siècle existent, à côté du prolétariat et de la bourgeoisie, d’autres classes sociales, en particulier les restes de la noblesse ; celle-ci aspire à revenir à l’ancien régime, mais ne disposant d’aucune force matérielle, elle se tourne vers le prolétariat, et emploie un langage trompeur, « socialiste ». C’est le cas du littérateur Lamennais (80).

     

    Entre la bourgeoisie et le prolétariat existe également la petite bourgeoisie (petits paysans, artisans), classes et couches intermédiaires dont sont issus les bourgeois et les prolétaires, classes et couches sociales instables, condamnées à disparaître à plus ou moins longue échéance, destinées soit à l’embourgeoisement, soit à la prolétarisation, du fait de la concurrence. Mais si ces classes moyennes ne représentent pas l’avenir, par contre, présentement, à l’heure à laquelle écrivent Marx et Engels, elles représentent encore une masse importante de la société, en particulier en France (plus de la moitié de la population totale). Aussi il est évident que les manières de voir de cette catégorie sociale influent sur les penseurs socialistes, tel que Sismondi (81).

     

    Le socialisme petit bourgeois présente une critique de la société bourgeoise, qui met en lumière les contradictions dont souffre le système capitaliste : c’est l’aspect négatif, destructeur de la doctrine. Par contre, l’aspect positif, constructeur de la doctrine du socialisme petit bourgeois est réactionnaire : le petit bourgeois voit le monde à sa manière. Pour lui, l’idéal social, c’est une société où règne la petite propriété : chacun est propriétaire de sa terre, de sa maison, de sa boutique. C’est un monde de petits producteurs. Ce que veulent concrètement les petits bourgeois, c’est un retour en arrière, à l’étape « idyllique » du moyen âge. Leur plan de société est utopique. Par rapport à cette conception, la société bourgeoise telle qu’elle existe, centralisant les moyens de production, constitue un progrès. En somme, les petits bourgeois développent une conception du monde qui correspond à leurs conditions d’existence. Mais sans cesse ces conditions d’existence sont remises en cause par la société bourgeoise et par le développement historique. Aussi, cette conception du monde, limitée et étroite, ne correspond pas au sens de l’histoire.

     

    A côté du socialisme féodal et du socialisme petit bourgeois, il existe une troisième forme de socialisme réactionnaire : le socialisme allemand ou socialisme « vrai ». De quoi s’agit-il ?

     

    A la fin du XVIII° siècle et au début du XIX° siècle, les conditions économiques et sociales de la France étaient en avance sur celles de l’Allemagne. En France la bourgeoisie avait détruit de fond en comble l’ancien régime et s’était emparée du pouvoir politique en 1789 ; le prolétariat s’organisait peu ou prou et paraissait déjà une littérature socialiste et communiste importante (Babeuf (82), Saint-Simon (83), Fourier (20), etc.).

     

    De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, la bourgeoisie commençait à peine sa lutte antiféodale pour une nation et pour la démocratie bourgeoise. Aussi, quand les intellectuels allemands disposèrent des concepts nés en France, ils ne purent en saisir avec précision le sens, et il y eut de nombreuses confusions, car la réalité économique et sociale que sous-tendaient ces concepts, était absente en Allemagne. Bientôt ce « socialisme » tout théorique, importé de France, devient une arme aux mains des gouvernants féodaux, pour s’opposer à la montée au pouvoir de la bourgeoisie : ce « socialisme » allemand devint un frein au progrès, utilisé pour empêcher la révolution bourgeoise en Allemagne. Si les théories socialistes, en France, prétendaient représenter les intérêts du prolétariat, et constituaient une critique de la société bourgeoise existante, en vue d’instaurer une société nouvelle, ces mêmes théories, « appliquées » à l’analyse de la situation en Allemagne, formaient une arme aux mains du gouvernement féodal, contre la montée de la bourgeoisie : on applique des phrases prises en France de façon stéréotypée, à des conditions différentes. En fin de compte, le socialisme « vrai » ou allemand représentait les intérêts de la petite bourgeoisie, qui était condamnée à disparaître par l’évolution historique, et qui voulait préserver son existence à tout prix, en maintenant le statut quo.

     

    Les tenants de ce socialisme « vrai » ressemblent par certains points, à ces idéologues de la bourgeoisie d’aujourd’hui qui, se basant sur les critiques émises contre les régimes pseudo socialistes, comme ceux de l’ex-URSS, prétendent que le capitalisme vaut mieux que ce « socialisme » là ! En réalité, ces idéologues veulent préserver le capitalisme et empêcher le déroulement de l’histoire, qui va vers l’instauration universelle du socialisme.

     

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