• « Je suis, donc je pense » Conscience empirique et conscience universelle. (Partie 2)

    L’expérience cartésienne se déroule dans le monde des pensées. De plus, cette expérience contribue à donner à certaines pensées, comme la pensée de Dieu, une réalité, et à la sortir de son monde de pensée, pour la poser comme un être réel qui ensuite, agit sur l’homme et sur les choses. Dieu être parfait est posé, à la fois, comme le garant de l’ego et le créateur du monde et de la nature.

     

    « Je suis, donc je pense »

    Conscience empirique et conscience universelle. (Partie 2)

     

    Première partie : « Je pense, donc je suis ».

    Une évidence : « Se connaître soi-même ». Comment est-ce possible de ne pas se connaître ? Qu’est-ce qui empêche de se connaître soi-même, ce qui devrait être une évidence, car qui est le plus proche de soi-même, que soi-même ? Quels sont les obstacles qui s’opposent à la connaissance du « Je » réel ? Une première erreur est de poser le « Je » comme un objet, comme s’il y avait plusieurs « je ». Le « je » devient alors une pensée, un ego, séparé du Tout. Le « je » ne peut être connu, dans le sens où je suis ce « je », et il n’y a aucun espace entre je et je. « Je » est du domaine de l’Etre et de l’expérience immédiate, et non du côté de la connaissance intellectuelle. Les obstacles sont la surimposition et l’identification, effectués essentiellement par la pensée, le mental et maintenues par l’habitude et l’éducation. . Sans cesse, j’imprime sur le « je » des réalités qui ne sont pas lui. Et je m’identifie à des objets qui ne sont pas lui : le corps, les pensées, etc. Pour connaître le « je », ce qui est la même chose qu’être, il suffit de rester tranquille. Le « je » est en deçà et au-delà des paroles et des pensées.

    Chacun, au cours de la journée, ne cesse de dire « je » à tout propos : je dors, je mange, je marche, je parle, etc. Qui est ce « je » réel, ma nature profonde, mon moi véritable ? Quel est ce « je » inaccessible, caché, secret ? Il est au fond de moi-même, et je dois aller le chercher. Je dois me mettre en chemin, à la découverte, à la rencontre de ce « je », que je n’ai jamais cessé d’être. Quel est le rapport entre ce « je » et l’ego ? On ne peut connaître le moi, on ne peut que l’être. Sois ce que tu es. Deviens ce que tu es. Et pour y parvenir, il faut supprimer l’ignorance, l’ego. En fin de compte, l’obstacle à surmonter, qui occupe tout l’espace, c’est l’ego.

    Descartes et sa Méthode. Le doute.  La réalité de l’esprit comme pensée.

    Il ne s’agit pas d’aborder Descartes d’un point de vue ni historique, ni philosophique, mais d’un point de vue maçonnique. Rappelons néanmoins les points suivants. Descartes se situe à un carrefour, le XVII° siècle, période avant laquelle se sont déroulées de profondes guerres religieuses, et au cours de laquelle on assiste au renforcement de la monarchie absolue, qui est une sorte de compromis entre, d’une part le féodalisme finissant et l’apparition de la bourgeoisie, nouvelle classe dominante. Face à l’échec du calvinisme, Descartes représente la possibilité d’une nouvelle science, et l’instauration de la Raison, comme idéologie dominante, ce qui prépare le développement des Lumières du XVIII° siècle et la révolution française.

    Mais du point de vue maçonnique, la démarche de Descartes rappelle celle du franc-maçon. Son interrogation est de mettre tout en doute, pour découvrir quelles sont les vérités certaines, et aussi quel est le critère de vérité. « Qui suis-je ? » et « Qu’est-ce qu’il m’est possible de connaître en vérité ? » sont les points de départ de sa méthode. Ceci renvoie à la démarche maçonnique de se connaître soi-même : « Qui suis-je ? ».

    La première vérité, c’est l’existence du « je » : « Je pense donc je suis ». Puis les autres vérités qu’il en déduit, logiquement et par la raison, ce sont Dieu, un être parfait, qui pourrait être le Grand Architecte de l’Univers, et qui ressemble à l’Etre Suprême de la fin du XVIII° siècle, et aussi le monde, c’est-à-dire, face au sujet, l’ensemble des objets.

    Dans la quatrième partie du Discours de la méthode, on lit : « Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée … premier principe de la philosophie que je cherchais … examinant avec attention ce que j’étais, … je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps… ». Pour penser, il faut être. Au lieu de « Cogito, ergo sum », on peut dire aussi : « Dubito, ergo sum », « Je doute, donc je suis ». C’est une philosophie de l’ingénieur, de celui qui veut être maître et possesseur de la nature.

    La philosophie de Descartes est un compromis entre l’Eglise et la science nouvelle, entre l’idéalisme et le matérialisme : elle permet la coexistence entre la doctrine religieuse de l’Eglise (et donc l’affirmation de Dieu), dans le monde de la pensée et des idées, et la recherche scientifique matérialiste dans le monde des choses.

    Le cogito est l’unique certitude ou savoir de soi, de la conscience, qui contient la règle, le critère, le modèle même de vérité. L’esprit est à la fois pure certitude (subjective) et en même temps pure vérité (objective).

    D’un point de vue maçonnique, quelle est la réponse qu’apporte Descartes à l’injonction donnée à tous les francs-maçons, lors de leur initiation : « Connais-toi toi-même » ? A quoi identifie-t-il le moi, le je ? C’est à la pensée. La conscience est l’ensemble des pensées, avec, à l’origine, une pensée-racine, qui est le « je », l’ego.

    C’est sur ce point là que nous devons nous arrêter : quel est ce « je » que Descartes met en exergue ? Est-ce bien moi, où bien n’est-ce qu’une illusion ?

    C’est la multitude des pensées qui constitue le mental, et la pensée « je » est la pensée première du mental, et elle est elle-même l’ego. Cependant cet ego, composé d’un ensemble de pensées, a un début (la naissance) et aussi une fin (la mort). L’ego est encore une pensée, c’est la pensée-racine, la pensée unique à l’origine de toutes les pensées. Dès qu’il y a ego, il y a aussi « je », « tu » et « il », mien et autre, possession. J’ai un ego, comme j’ai un corps, mais « Je suis » : je ne suis pas l’ego, mais celui-ci fait obstacle à la connaissance de  ce que je suis.

    Du cogito résulte à la fois une nouvelle vision physique du monde, et aussi une conception mathématico-scientifique de la nature. L’homme est scindé en deux parties, la conscience, qui se situe dans le temps, et le corps physique, qui se situe dans l’espace. Et dans le monde matériel, la science est possible, ainsi que la religion, dans le monde spirituel.

    Avec la mise en valeur de l’ego, résulte aussi l’individualisme, et la suprématie des idées intellectuelles aux dépens de l’aspect manuel. En même temps que l’ego, il y a apparition de Dieu et du monde.

    Le bonheur cartésien est profondément à base de connaissance intellectuelle : c’est connaître tout ce qu’il est possible de connaître selon les capacités humaines, et ne pas chercher au-delà : voilà ce qui donne à l’esprit toute sa ferme quiétude.

    L’expérience cartésienne se déroule dans le monde des pensées. De plus, cette expérience contribue à donner à certaines pensées, comme la pensée de Dieu, une réalité, et à la sortir de son monde de pensée, pour la poser comme un être réel qui ensuite, agit sur l’homme et sur les choses. Dieu être parfait est posé, à la fois, comme le garant de l’ego et le créateur du monde et de la nature.

     

     

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